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11.20.2012

VASE BLEU en PEINTURE.... Une affreuse question...


 

La Peinture est sans défense.
Petits ou gros diplômes lorgnent sur son compte... C'est la rançon des invasions scolaires, des prises d'otages de sociologues, des intrusions de la politique à deux balles dans l'imaginaire moyen. Tout citoyen se boursoufle du côté de ses profondeurs. Puisqu'on lui vend des catalogues, c'est qu'il peut les lire, faire son profit des proses. La machine, la chose, la bondieuserie de l'art versent des camions de vérités recrues et recuites sur les tourments de l'Ego et du paysage social... Pas un cyclope qui n'ait l'oeil du peintre, qui ne débusque les cachoteries de l'Inconscient, les coquetteries de l'Histoire ou les impasses de la volonté sur son bloc-notes... ne se fende de jugements philosophes , d'indulgences religieuses et de grimaces constituantes dans la chasse aux mensonges, suivi par des mères, des vierges et des veuves affamées d'artistes... Quand la Peinture n'est plus qu'intrigues, crises de successions, partages d'influences, considérations sur le sexe, la politique et la fortune... Les dames-culture quittent les bénitiers pour des navigations plus excitantes... Question d'art, le pot de chambre n'est jamais loin des diarrhées et le crachoir des logorrhées, ils traînent sous les chaires des professeur(e)s, endiablent l'atmosphère et débordent de raison raisonnante... La classe des demi-instruits et des aventuriers en TGV sait pourquoi la Peinture est utile... Elle donne de l'esprit aux filles, du froncement de sourcil aux boutonneux, fleurit les plafonds blancs et les moquettes grises, pourvoit l'industrie des produits dérivés ( Ver Meer sur nos chemises...) , fait grimper le chiffre d'affaire des compagnies aériennes ... Il faut lui remuer la langue, parler pour elle, cacher de sordides intérêts, meubler les pulsions d'un peu d'ébénisterie, tatouer les orgasmes des signes extérieurs de l'aventure. Les filous qui n'ont de tripes à poser sur aucune table, un caillot d'amour-propre dans chaque artère, se la jouent en tee-shirt et converses sur le rocher monégasque de Prométhée... Les "moyens" se trouvent du sens de la vie chaque fois qu'ils tournent une page... Leur dévouement au bonheur général et à la santé n'a plus assez de mots pour remercier cet "Art" qui montre où sont les pieds quand on aime son prochain comme soi-même, qu'on veille sur ses têtes blondes et la sûreté des espaces de loisir.... Toutes passions qui furent celles du Führer, du petit père des peuples, du Grand Timonier, du génie des Carpathes... Le nuage des clones finira-t-il par triompher de l'abomination des cinq sens, raclera-t-il jusqu'à la dernière feuille de l'arbre de vie... Il sertirait les yeux humains dans des boîtes de sauces... justifiant à l'infini un Monde défini... et mortel.




Il y a des peintres qui posent une affreuse question:
Pourquoi la Peinture est-elle bonne ou mauvaise? C'est LA QUESTION , celle qui sépare fumistes et fumeux des vivants. Question difficile car la Peinture est bonne ou mauvaise quand on la fait, quand on la voit et quand on y pénètre.
Il ne va pas de soi qu'on sache ce qu'on fait dans l'acte de peindre : le corps manoeuvre, le corps prolonge l'esprit mais l'esprit ne pense pas avec des mots, il se vit une histoire...Il baigne dans un torrent d'images, de sensations, de souvenirs et d'obsessions qui lui joue sa musique , le transporte, l'installe dans un certain vécu qui n'a rien à voir avec celui des écoles et des administrations... Il respire en somme un air bien à lui dont l'oxygène va aux organes avec plus ou moins de vivacité, donne aux articulations , aux muscles, aux nerfs et aux sens de très personnelles capacités d'être ensemble, aide à la progression du travail... Ce corps, si distinct de l'esprit chez les pénitents de la pensée, retrouve sa place d'honneur, sa fonction de génération, celle qui fit d'une caillasse de silex une feuille de laurier, d'une peau de chèvre une outre d'eau fraîche... Toutes les métaphores ne sont pas grandioses... Il y a loin des amulettes à la figure du quattrocento, des poussières aux nuées, des grognements aux hymnes... Mais à force de déplacements, de transports, d'étals, de répartition de blancs, de noirs ou d'ocres, de correspondances entre autour de soi et entre ses mains naissent des figures qui s'appellent, s'engendrent, se battent et se reposent. Passer de la paroi au mur, du mur au panneau, du panneau à la toile et de la toile au papier... Ces passages ont accompagné des ruses infernales pour vivre plus vieux et plus nombreux dans des lieux plus sûrs... Mais dans le même plan que celui des cartes, des épitaphes et des mythes, les corps sont inscrits dans les pleins et les vides de la Peinture, dans leurs ombres et leurs lumières, dans les dessous et les glacis, dans les contrastes, les accidents, les ornements, les arabesques... Les pigments comptés jadis sur les doigts de la main, nommés à peine, sont devenus des centaines, oxydes, sulfures et carbonates de toutes les terres et roches... La bousculade ou la hiérarchie de ses parties et de ses détails, tel est le spectacle organisé de la Peinture, "cosa mentale" mais incarnée deux fois dans les gestes d'abord dans l'épiderme posé sur le support ensuite. Il y a donc des rythmes, des pulsations, centre ou absence de centre, vibrations, échos, renvois, douceurs, violences tous phénomènes acceptés, choisis, déterminés, mémorisés, désignés, mesurés, médités... Projection de soi, dira-t-on, quand on ne saura rien dire, bien plus : projection d'un ordre ou désordre, celui qui s'arrondit autour de soi, mais aussi brèches de l'horizon, coulées vers nulle part... Tout cela ne pèse rien, tient sur deux millimètres d'épaisseur... Guère plus résistant que cinquante kilos de Miss Monde dans le système solaire... Ce qui est bon c'est la pertinence des analogies, la rythmique oculaire et lumineuse des formes au sommet de leur santé... L'instinct de vie n'a pas d'âge, une trille d'oiseau vaut les psaumes et quand des mains se tiennent chaud, viennent l'amour, l'amitié, la confiance... La Peinture est bonne sans morale, sans justice , sans règle ni charité...
La santé se voit, se sent, s'entend, bouge d'une certaine façon, pose d'une autre... Elle ne discute pas, au contraire des horreurs ( ce fond de commerce pour parasites, mendiants et sorciers...tous bâtards de l'existence). Telle fut l'excellence des millénaires, qui fit monter le meilleur des bêtes et des plantes dans les vallées heureuses, qui distingua d'entre les rejetons ceux qui porteraient les bons fruits . Ce qu'il faut voir dans la Peinture est une santé du corps et nouveauté du monde. Un teint de pêche n'est pas la couperose, le blanc de l'oeil est de faïence, les doigts musiciens ne sont pas osseux, les vertèbres de l'amour ne saillent pas, les chevilles des coureurs sont fines... L'infinitude des signes que tout va bien faisait partie du bagage des marchands de chevaux et des trafiquants d'esclaves... La santé se moque de la beauté parce qu'elle échappe aux pervers. La santé a ses lois, ses germes, son calendrier, culmine après de braves expériences et de durs efforts, se dresse sur des millions d'années de digestions et d'agonies... Il ne suffit pas du nombre d'or pour qu'elle se fourre dans le plan, stupéfie les voyeurs. Elle se donne à ses semblables. Pour être vue la Peinture doit être refaite. Qui la refait prend la place du peintre et celui-là n'oublie jamais ses allées et venues , regarde de près et de loin, trouve la bonne distance avec le bon oeil, se pose où il a rendez-vous avec ses trains de mémoire et ses lignes d'horizon. Pour voir il faut regarder, faire ce qui fut fait, revoir ce qui a été vu, repasser où l'on est passé, calculer son élan se lancer, se rattraper en vol, atterrir où on n'avait jamais mis les pieds... c'est ainsi qu'a plongé pour l'éternité l'étrusque de la villa Amalia... Le tableau danse et fait danser ... Malheur aux vêtements en loques , aux souliers crottés, aux cochonnailles dévorées trop vite, aux faibles respirations, aux flots impénitents d'adjectifs, aux mauvaises compagnies... aux remords, aux ventres creux, aux blessures, aux boiteries, aux doigts crochus, à tous les tremblements de corps, de coeur et d'esprit qui font rater la lévitation et mordre la poussière...
Mais cette Peinture ne patine pas en huit avec plus ou moins de grâces. Elle va loin et profond quand elle travaille l'espace. Il peut s'agir d'une brodeuse, d'une asperge sur une table de cuisine, d'un gribouillage de lignes et de gris, d'un modeste épanchement de couleur... Dans cette intimité la respiration des formes peut émerveiller comme le parfum d'une joue de bébé, remonter en surface les indices d'un commencement du monde, les éclats et les tournures des premières fois de toutes choses... Ce paradis terrestre des renaissances, reluqué par les voleurs et les amis de la mort, est l'antidote des poisons et des remords de l'esprit, car les peintres voient les poisons dans les plats et les larmes séchées sous les yeux. Ce paradis survole un continent à la dérive... Les montagnes, les fleuves, les incendies, les viols, les orgueils, les furies, les tempêtes, les crasses, les obscurités, les explosions, les pourritures, les puanteurs, mensonges, boues, et raz de marées de l'étrange déconnexion des hommes et de la Terre s'empilent, se cabossent, et se meuvent comme les pommes sous la meule... Car les hommes ne sont pas faits, ils restent à faire et personne ne sait pourquoi ces singes se sont débranchés de la commune existence et du destin qui fut celui des requins , des cafards et des reptiles... Personne ne sait ce qu'ils deviendront. Avaient-ils envie de rire ? La peinture fut au commencement de leurs peines. Ils ont inondé d'ocre rouge et couvert de fleurs les premiers morts véritables, ceux qu'ils ne jetaient plus au fond d'une tanière ou dont ils cessèrent de sucer la moelle... Il est probable qu'ils se sont couverts de signes, scarifiés, décorés pour donner du corps à leurs songes. On a vu leurs traces de pas, les brindilles résineuses de leurs lumières et leurs collections de mains soufflées, détourées, leurs chapelets de bêtes au fond des grottes... Leurs désirs et leurs lendemains ensorcelés... Et puis toujours du désir et de l'au-delà sous les cendres du Vésuve, aux plafonds, aux murs des églises, des palais, des chambres ... Des conquêtes du monde, des pelotages de fesses, des chasses, des moissons, les âges de la vie, des fumées de l'industrie, des portraits d'ancêtres... Les horreurs de la guerre, les corbeaux de Van Gogh, Guernica, les kolkhoziens, les tarés de Georges Grosz, les vélos de Léger, les soupes à zéro calories de Warhol, les plages de Raysse, les dentelles d'Alechinsky, les traces de Pollock, les suicides, mutilations, reductions et hurlements en pagaille... Mais aussi, devenus plus vrais que les vrais, les arbres de Cézanne, dindons blancs de Monet, travailleurs de Caillebotte et landaus de Berthe Morisot. Le roulement des egos dans le flux et le reflux des marées, la descente progressive des angoisses des rois et des papes sur les paillassons de banlieue et dans les cachotteries de la mode, les bandes dessinées, le vieillissement bolide des enfances, la culture débitée en tranches... Les matériaux innombrables et incertains comme les hommes...La Peinture traîne dans les sédiments, les poussières, les scories, les dépôts des déchets innombrables de dix milliards de condamnés à vivre dans leurs décharges... Aspirer, balayer, gratter, frotter, polir jusqu'au plan, faire clair et net. Faire peu. Se taire. Ne regarder que le style craindre les trop bonnes raisons et sourire amusé aux déplacements de la Lune...

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