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1.19.2014

HIVER ...










L'abondance des graisses et l'envie de dormir durent tant que le pétrole coule dans les chaumières.
Les rustres s'étant jetés sur tous les os de la création, ayant léché toutes les vitrines et saisi toutes les occasions d'enfler se trouveront dépourvus quand la bise sera venue... n'ayant d'autre famille que des écrans de fumée, d'autres distractions que les pirouettes des avions, les chansons et les culs tournant en boucle, d'autre mémoire qu'en tutu, d'autre avenir qu'en sueur et huile de coude pour faire pousser des radis. 
Comme dirait le facteur: "Ce qu'il faut , c'est une bonne révolution à l'ancienne..." cet imbécile n'ayant pas vu grand chose car ignorant que les poupées gonflables ne voient jamais le loup et que si l'on reprend la Bastille, ce sera sur un plateau de tournage. Couper des têtes? Distribuer quelques pois-chiches?... Il faudrait surtout du nouveau, un peu de cannibalisme, quelques bouc-émissaires de qualité, quelques têtes rasée, des institutrices déchaînées défilant chez Dior, des descendants d'esclaves et de maîtres lâchés affamés dans l'arène sanglante, des couches-culottes tricolores à l'Académie et mille mesures vexatoires pour finir la boucle, baisser indéfiniment les yeux et péter sous le manteau...

AUTOMNE ...







Il y eut tant de roues, de pompes, de fumées, d'avions, d'engrais, de canons et de gens instruits qu'on prit d'autres habitudes... pour que digèrent les pauvres et se gavent les riches on élargit les villes aux quatre coins, les routes furent innombrables, les paniers montés sur roulettes et l'argent sortit des poches à la vitesse de la lumière... Jamais on ne vit des pauvres si gros... Les écoles regorgeaient d'élèves et les maîtres enseignaient le sourire... Les vaches suivaient à peine la demande de viande hachée et les betteraves la consommation de sucre... Il y avait tant de musique dans les ascenseurs, de pilules dans les pharmacies et de drogues dans les boîtes, que les dieux semblaient vivre au milieu des hommes... Les centenaires furent nombreux et coriaces, les milliardaires furent congelés en prévision des progrès à venir, des âmes sensibles jetèrent les cendres de leur belle-mère au milieu des astéroïdes, on clona son chien avec ses puces et après de justes noces des mulets et des mules adoptèrent des zèbres... Les hommes ne s'étaient jamais distribué tant de caresses.

ETE ...







Tant qu'ils eurent sous la main plus de bois que de fer, les hommes craignirent les diables. Ils se dirent qu'ils avaient l'enfer sous les pieds et le ciel au-dessus de leur tête. Ils surveillèrent de près les étoiles et les heures à cause des inégalités du jour et de la nuit. Les chamans se méfiaient des crétins ordinaires, prenaient des herbes, des champignons et des breuvages amers pour sauter l'obstacle de la pesanteur et flotter de concert avec les esprits. Ils parlaient avec les bêtes la langue de tous les savoirs. Les dizaines de siècles ne les effrayaient pas et leurs précautions nous ont laissés aussi frais et juvéniles que des ruisseaux de montagne. Mais les étés ne durent qu'un temps et tous les sorciers ne sont pas sages. Ce que donnait la Nature était souvent repris : les femmes perdaient leurs charmes en quelques lunes, les costauds tombaient, les enfants perdaient leurs voix d'anges, les automnes éloignaient le Soleil et les articulations finissaient par être douloureuses. La recherche du Bonheur prit des allures de Raison et de chiffres, sous la forme d'une vis d'Archimède ou d'une machine à vapeur.

PRINTEMPS ...






Dès qu'ils furent chassés du Paradis les hommes prirent le large avec des titres de propriété sous le bras. Ils se racontaient des bobards d'enfer du genre " Dieu a dit que tout est à nous ", " Dieu a dit de féconder nos femmes et de nous multiplier comme des lapins " etc... Ces dévergondés de la Nature juraient qu'ils n'avaient rien de commun avec les animaux, qu'on leur avait promis la vie éternelle et d'autres sornettes, que les bêtes étaient stupides car incapables de chanter les louanges du Seigneur ou la grandeur d'Allah... Une fois qu'ils furent persuadés d'être le sel de la Terre, ces singes nus taillèrent des pierres et plantèrent des fleurs pour dire aux générations qu'ils étaient le centre du monde et que la beauté des humains crevait le plafond de tous les spectacles... Ils se déguisèrent en dieux et en déesses, remplirent les sources de nymphes, les océans de sirènes, les jardins de statues... Tout César eut son portrait, tout petit saint son effigie, d'innombrables allégories vinrent au secours des saisons dans les parcs où l'on s'embarquait pour Cythère...

QUATRE SAISONS SUFFISENT ...






Octave Auguste empereur de Rome demandait en mourant s'il avait bien joué la comédie de la vie. Vespasien confiait avec le sourire qu'il se sentait devenir Dieu... Les illusions serviraient-elles à voir clair ?

Les philosophes disent que nous partirons comme des mouches, que les empires sont faits pour les ânes, que la beauté nous trompe et que la douleur nous renseigne... Les prêtres, les imams, les rabbins, tous les marchands de purées célestes promettent la Lune aux pauvres diables. Donc si les chemins ne tournent pas en rond c'est qu'ils ne conduisent nulle part. Sceptiques, soyons heureux de rire. Car il n'est jamais ridicule de se moquer des hommes. C'est même tout ce que méritent les enfants de Dieu, leurs tragédies lamentables et leurs appétits féroces... Un Déluge de plus ne changerait rien. Ils ont les larmes faciles, mais ils sont lourds, boueux, et leurs crimes paient. Tout cela n'est pas original, le dire n'a jamais servi à grand chose.
Nos vies consistent pour un tiers à fermer les yeux dans un lit . Pour un quart, nous sommes à table et à la cuisine. Pour un huitième nous déféquons et transmettons nos gênes. Pour ce qui reste nous travaillons à remplir des assiettes, des réservoirs d'essence et quelques jours de congés... Un petit nombre d'illuminés mêlent à ces prouesses des accessoires et des commodités telles que les oeuvres d'art, poésies, pensées et découvertes... Comme fit Newton observant la chute des pommes, Oppenheimer faisant la bombe et Freud prêtant l'oreille aux arrière pensées...

Contre l'ennui les vérités sont inutiles. Nous avons besoin d'histoires et de mensonges pour ne pas avoir les pieds plats. Il suffit de construire des pyramides dans le désert, de couper la mer en deux, de ressusciter en prévenant ses amis, d'inventer un dieu de la Guerre , une déesse de l'Amour, de s'arranger pour qu'ils soient au calendrier... Un jour quelques fêlés très malins ont échangé de gros sous contre une esclave gironde, d'autres cervelles de génie se sont aperçues qu'à la vue de l'or les hommes et les femmes avaient des frémissements du dos et des tremblements du menton... que suffisaient quelques lieux de pénitence et de lamentations pour les désespérés ou les crocodiles et que dans les rues, sur les places et dans les campagnes des distributions régulières de pièces d'argent rendaient la vie supportable et les humains plus intelligents. Ainsi vinrent au monde l'Avarice et l'Orgueil qui firent de quelques primates des milliards d'êtres pensants qui naissent bons et que la société corrompt. 

L'Avenir nous dira si la vie a un sens... D'ici là nous aurons perdu la boule depuis longtemps. Les historiens ne rendent pas les hommes faciles à comprendre et les livres deviennent illisibles au grand nombre. Comment faire pour échapper aux marchands de Bonheur, aux savants fous, aux stars de la certitude, aux crétins aimés des dieux et à tous les pesteux qui nous veulent du Bien ? Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage, soyons dans les évènements comme des bêtes sous les ombrages, un peu différents des hommes et près des origines, inscrits dans nos chairs et nos saisons .
Les âmes se montrent comme les rides et les automnes finissent par dire tout bas qu'il est idiot de vivre deux fois pour en savoir davantage, que les fleurs de l'été suffisent aux regrets éternels...

SI LOIN !...






Grimper de 1000 km pour se rapprocher des étoiles, remonter le temps de quinze milliards d'années, construire des machines grosses comme des villes autour d'une poussière, passer entre les grains de lumière pour en savoir davantage... La Nature ne freine ni les curieux ni les envahisseurs. Elle se pousse un peu plus loin chaque fois, use les explorateurs et gonfle les budgets. Nous sommes revenus de la Lune avec une remorque de cailloux. Nous rêvons de creuser des puits sur Mars pour planter des choux, se donner un drôle d'air et célébrer quelques anniversaires. Nous avons lancé des capsules entre les anneaux de Saturne, observé des tempêtes sur Jupiter, lorgné des océans de méthane ou des sphères de glace... Nous ne savons pas encore marcher la tête en bas, mais les auteurs de science-fiction nous disent que nous aurons la Terre au-dessus de nos lits et que nous regarderons tranquillement voler les mouches avec des lunettes numériques. Dix milliards de voyageurs entre le Soleil et le reste du monde, seront outillés pour vivre deux siècles sans névroses ni dépressions... Il se pourrait que les meilleurs aient des ailes dans le dos et que les méchants ne vivent que cent ans.
 
Vous l'avez compris, il n'est pas séduisant d'avoir les pieds sur Terre si tôt dans le siècle. Les jours se traînent encore comme les chars à boeufs des rois fainéants, les murailles des villes puent le gazole et les hommes avertis se cachent dans les herbages et derrière les haies. 

Si vous ouvrez quelque fenêtre il se pourrait que vous tombiez sur une bibliothèque, là où jadis pendaient des jambons... les livres s'échappent des mains de la jeunesse, les scribes fuient comme fuirent les poètes de la Ville éternelle, lassés du Cirque, fatigués des barbares et des chrétiens... Attendre la fin du monde près d'un ruisseau à truites, s'amuser des lapins et des merles de l'aurore, des grues cendrées de l'après-midi... Dans un coin vous trouveriez aussi des ordinateurs pour voir plus loin que le bout de son nez, mesurer la température du globe et surveiller la montée de ses eaux. Vous prendriez un siège près des salades, songeur devant les romaines, vous pencheriez du côté de Pascal Quignard, en vous disant qu'il se fait plus de musique près des carpes et dans les branches que n'en peuvent les antichambres des rois et les zéniths de la démocratie.  Vous ragez en somme d'avoir trop d'espérance de vie dans un monde si peu varié ... Car lorsqu'il fallait plumer une oie pour écrire, prendre l'encre d'une seiche, sabler sa feuille avant de la plier, les hommes et les femmes faisaient des miracles et des feux d'artifices avec des cervelles défuntes à trente huit ans de moyenne... Il vous arrive de penser que les merveilles du monde ne sont plus à nos portées, vous essayez de voir le ciel sans traînées d'avions ni fils électriques. Il y avait des lions dans l'Atlas et des éléphants sur les bords de l'Euphrate. On vit dans les forêts de Teutoburg blanchir les os des légionnaires de Varus. Les derniers aurochs moururent en Hongrie vers l'an mil. Au Vinland une poignée de danois planta une pierre gravée. Les archers du Premier Empereur montent la garde depuis vingt siècles au bord d'un fleuve de mercure où pêchent des oiseaux de bronze et jouent des musiciens de terre cuite... vos racines vous disent qu'il y eut plus d'enfers et de paradis quand les hommes étaient loin les uns des autres et la Terre immense... 
Que nous serons dix milliards à parler d'amour et d'égalité dans un pot de chambre, dérangés par les cafards et saoulés de sentiments par des amnésiques... Puis avides de vacances entre la Lune et Mars.

1.13.2014

VOEUX REJOUES ....





Sans rire, la vie est une partie spéciale qui dure plus ou moins longtemps, où l'on choisit d'être blanc ou noir, où les matches nuls sont aussi impossibles que les revanches et où les joueurs savent dès l'enfance s'ils ont le goût du jeu. Mais il arrive que, manoeuvrant des pièces, la Mort est irrégulière, donne l'impression de cafouiller, qu'on a l'impression de gagner du temps et de prendre l'avantage, qu'en tentant le diable on lui rafle sa Reine et lui vise le Roi. Le plaisir qui consiste à jouer contre la Mort vient de ce qu'elle semble étourdie de ce qu'on lui a fait et résignée à prendre des coups. Voilà pourquoi les années se terminent, qu'ont lieu les banquets de la Saint-Sylvestre, que les rescapés s'embrassent au gui l'an neuf, se distribuant des voeux. C'est évidemment se jeter de la poudre aux yeux, mais comment prolonger la partie?
Si c'était possible, je croiserais les doigts pour que nous ne manquions ni de chefs-d'oeuvres ni de personnes remarquables. J'inventerais une machine à grains de sable pour que déraillent les trains de l'inexistence. J'aimerais qu'on ne trouve plus d'explications à quoi que ce soit. Mais pour que naisse la gloire il faut du sang et des larmes, que les fenêtres et les caves soient éventrées, que vivent aussi les indésirables et qu'il n'y ait d'autres issues que de s'évader par les toits. 
On dirait qu'en France il y a dans l'air suffisamment de grains de sables et de vent pour qu'on y réinvente de quoi rire et pleurer sur toute la Terre... Ce qui est intéressant c'est que nous sommes pires que les autres quand nous sommes mauvais et que nous sommes meilleurs quand nous sommes bons.
Pourquoi désespérer du pays de Houellebecq ?...

VOEUX VACHES ....







Je ne crois pas au Père Noël et je n'ose pas vous demander si vous avez une idée du temps qui me reste à vivre. Je m'emmerde dans l'herbage à cause du bruit de l'autoroute et des odeurs de gazole qui viennent de l'est. J'appartiens à des vieux qui ne vont sûrement pas tarder à péter un fusible parce que j'ai de plus en plus de mal à comprendre ce qu'ils marmonnent du matin au soir. La vieille oublie de me traire une fois sur quatre et le grand-père ne bêche plus le jardin. Le chien n'aboie jamais car personne ne longe mon pré depuis que la route est coupée. La nuit passaient des chevreuils qui allaient du petit bois à la grande mare, je n'en vois plus. Le gros sanglier ne fait que des visites éclair, les renards ne passent qu'en février. Soyez gentil de vous arrêter. J'espère que vous avez les mains solides, que vous êtes de taille à fendre des arbres. Vous avez sûrement une idée de ce qui se prépare. Moi, je ne souhaite de mal à personne. Je voudrais que les hirondelles soient plus nombreuses, que les grenouilles brunes reviennent dans mon pré, que les grillons se remettent à chanter, qu'il y ait moins de boutons d'or et davantage de pâquerettes... Je n'ai plus de pommiers pour m'abriter, des types sont venus avec une pelleteuse, ils ont enlevé la grande haie du nord et je suis en plein vent quand il fait froid. Je pressens qu'on se moque des bêtes, que les hommes ne nous aiment plus, qu'ils se détestent entre eux et meurent de chagrin. J'ai vu dans leurs yeux qu'ils ne savent plus où aller ni quoi faire pour être heureux. Si mes voeux servaient à quelque chose, je souhaiterais qu'on les chasse encore une fois du Paradis Terrestre...

QUELS VOEUX ? ...



Boire à notre santé n'est pas difficile, faire des voeux n'est pas une science... Vider son verre n'est pas anodin pourtant, car boire ensemble signifie passer du bon côté de la vie. "Santé!" disent les compères, les ivrognes et toutes sortes de marchands de chevaux ou de bonheurs. L'accord se fait dans un verre, sorte de communion sans confesse, qu'il s'agisse d'un picrate ou d'un vin de Moselle. C'est qu'il faut perdre un peu de raison pour tenir son cap, garder ses amis et prendre son temps . Celui de la Vertu fut celui de la guillotine, celui des quarante heures préféra le gros rouge et l'accordéon musette... La Vie en rose n'existe que dans les chansons... Mais un verre ou deux font de la fin de l'hiver le début du printemps... d'un quarteron de cocus une troupe de mousquetaires. Je vous offre mes voeux, à peine plus menteur que mon Beaujolais et plus authentique que mon Touraine... Nous sommes là pour jurer que les hommes se veulent du bien quelques fois par an...