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2.25.2014

DE BRONZE ...





Lorsque s'arrêtent les saisons, lorsqu'on n'est plus gelé, rincé, bronzé, venté, c'est qu'on gît sans lumière dans une dernière demeure, poussière débarrassée des meubles ... Il n'est plus question de désirs et de fleurs. Les moisissures mettent en loques les cache-misères. Par-ci par-là des traces d'anatomie, quelques ongles trop longs, une touffe roussie de cheveux ternes, le chicot qui crève un linceul et en guise d'activité le passage d'insectes pressés. La peur du noir est parfois si terrible qu'à de fausses fenêtres se montrent des fantômes de bronze, bleuis par la pluie , coiffés et habillés pour la noce... Ces désespérés mendient en quelque sorte l'occase de prendre l'air, victimes de leur amour-propre et d'un charlatan d'artiste qui échangea leur or contre dix mètres carrés de gloire... A moins qu'une épouse délivrée ne se fût délivrée davantage, s'étant payée la mine du seigneur et maître au pilori de son monument, noué dans sa cravate, privé de ses mains et du reste, admiré par des lapins.

SI PRES....

M.Ducruet, micro-Rembrandt. 2014.

Vous arrive-t-il encore de photographier en noir ? De résumer votre affaire en ramenant les choses à une calligraphie heureuse. Comment dire aux ignorants du livre et du papier que l'encre pèse un certain poids de lumière et que le rose jambon des videos coquines manque absolument d'ombres, voué à l'obscénité, comme le sont les verts épinard des photos de voyage, les rouges de corridas et les jaunes Maserati. Les stars des tapis rouges, aux bustes gonflés de silicones et arrondis comme des jaunes d'oeufs ont les couleurs relookées du politiquement correct, les genoux osseux sous le flash et le sourire blanc comme les neiges de l'Olympe et de Colombie. Les tronches pastellisées des présentateurs d'indigestes divertissements, le rayonnement vert ou bleu des yaourts bio et le rayon caramel des céréales qui facilitent le transit... Tels sont les bandeaux de nos arc-en-ciels de civilisés, de champions du monde  ou des militants du sexe à discrétion... Couleurs droguées pour drogués de la couleur, la Peinture devenant difficile dans les musées, cause des migraines aux néo-allergiques des gris et aux écraseurs de plate-bandes. Or la grâce est vision de passages innombrables entre les pôles et l'équateur, respiratoires entre les silences et les vacarmes. Il n'y a donc pas d'image de la Vérité, ni en noir, ni en rose, car il n'y a aucun pourquoi au jeu de la vie et de la mort...
 
A Redon, 10 000 habitants, les gendarmes ont interpellé 242 drogués l'année dernière...


2.21.2014

EN PAGAILLE ...








Nous avons inventé toutes sortes de crimes. 
Plus nous sommes civilisés, plus ils sont énormes... Nous battons la semelle aux quatre coins du monde pour en surveiller toutes les issues et veiller à la disparition des différences... Nous avons chassé nos ancêtres et les bêtes de notre voisinage, nous nous sommes refilé un Dieu unique, caricature de nous mêmes... Nous délirons sur notre puissance et la sienne, nous partons à la conquête interminable de l'univers, nous sommes le cauchemar et la stupeur du monde vivant. Il n'y a pas de limites à notre folie administrative, à nos appétits frénétiques, à nos besoins de besoins... Pour agenouiller la Terre nous avons inventé l'Homme avec un grand H, nous l'avons affublé de droits et trempé dans l'eau bénite et l'arithmétique pour le rendre universel... Nous l'avons déclaré supérieur, propriétaire des eaux et des forêts... Propriétaire de toutes matières et créatures, intermédiaire sacré entre la vie et la mort... Notre absence de modestie nous déshonore. Nous n'avons jamais arrêté de voler la Vie . Nous avons massacré, pillé, flambé ... Comme ne suffisait pas la gloire d'Alexandre dans l'imaginaire des morpions, les cow-boys et les tuniques bleues se taillèrent des croupières dans les chairs indiennes, jetèrent les peaux rouges et leurs bisons en enfer là où les conquistadores n'avaient pas encore donné de l'épée et de la rougeole... Nos amis anglais bourrèrent la Chine d'opium, se tapaient les cotons des Indes pendant que nous partagions avec eux les peuples d'Afrique... Nous avons eu le culot de nous dire serviteurs de Dieu comme l'avaient fait les spécialistes des mots de travers dans la Genèse et ailleurs,  de l'honorer pour avoir de bonnes raisons de rendre l'univers unique, monotone, soumis et commercialisable. Dans l'affaire l'Islam et la Chrétienté rivalisèrent d'ardeurs et de chirurgies afin qu'un bruit de cloches ou un appel de muezzin bouchent toutes les oreilles . On s'indigne de l'extraordinaire ravage de la shoah, dernier des génocides en date avant le Rwanda... On a déjà oublié la liquidation stalinienne de 10 millions de paysans russes, la "déportation" dans les "services" et le chômage de deux millions de paysans français... On croule sous les métaux lourds, les alzheimers, les asthmes, diabètes et allergies... La grande défonce de l'Occident a commencé sur lui même... Jamais cinglé n'a parlé plus clair que Georges Bush protecteur de l'Axe du Bien... Tout ce qui palpite dans les mers et vit sur terre n'a qu'à bien se tenir... A nous la bonne soupe, le blé d'Ukraine, les terres des autres ... A force de courtes vues frénétiques et d'appétits incontrôlés nous sommes anthropophages, empoisonneurs et semeurs de merde à l'échelle du système solaire... 
Il y a pire que le massacre des corps...On suce les moelles, on s'empare des cervelles, on y glisse les mêmes stupéfiants... On gonfle les ego de "culture" moyenne , on leur greffe le stock légal d'émotions, de désirs et de trous noirs... La pédagogie obsessionnelle des petites culottes, des stars jetables, des bouffes à chier, des "consoles" pour orphelins de la politique... En un mot , on "sociabilise" à tour de bras. 
Tel est le sale boulot de la "globish harmony", le décapsulage à outrance de l'ancien monde... Puisque le pire n'est pas arrivé, il faut qu'il vienne...
Pour que les rescapés du Bonheur mimétique passent à l'envie d'être singuliers, trouvent des confidents du côté des bêtes et des feuillages, se plaisent au courage d'apprendre et de contempler, il faudra des meurtres en pagaille.

2.19.2014

ILE DESERTE ? ...





Les danses macabres remplissent des salles obscures, crèvent les écrans plats... Nous sommes rissolés en vers et en prose. Les artistes contemporains dansent aussi à Venise sur le Grand Canal , à Bilbao, New-York etc... Où des jeans coupés en Tunisie, teintés en Allemagne, relookés aux Indes et distribués sur les grandes avenues du Monde, se frottent aux carnations de milliardaires amoureux de l'Art... Pinaud, Getty, Gates, Chose et Machin dépensent sans compter pour des exhibitions sur le très grand marché, installent tout ce qu'il peuvent de matière sociale, d'électronique futée, d'oiseaux rares sortis des hydrocarbures ... sous des lambris illustres, au sein de corridors et de cavernes pédagogiques. L'Occident s'y montre, s'y dépense, s'étale, renseigne sur ses petits ou grands râles. Ses maîtres s'y font pardonner trop de calculs et se ruinent en leçons particulières pour que les australopithèques des provinces les plus reculées s'émeuvent du vertige des enchères et des intestins de la sociologie.
Adieu naïfs! Qui pensiez que le créateur avait fait les choses et que lui tendre le doigt comme l'Adam de la Sixtine était le comble de l'Art. L'Homme n'est plus ni beau ni singulier, il est pluriel et massif, cruel et puissant, inventeur de machines à idées, de chapelets en binaire et de moulins à paroles. Car sa charité consiste à faire payer aux moutons le spectacle des abattoirs ... Telles sont les arènes contemporaines, les vagins à produits dérivés, tee-shirts, cendriers, tasses à café, parapluies, producteurs d'étranges amulettes, non dénuées d'humour et de savoirs-faire, contemporaines de l'Anthropocène... Il n'y a rien à voir que la magie des échanges, les hyper-logos de la cervelle en quête de grand commerce et consumée d'amour pour ses étals, breloques de désir et crécelles des lépreux... 
L'épousaille du pouvoir et de l'art n'est pas neuve... Combien de rétables et de martyres ne furent qu'armes secrètes de leurs vaniteux commanditaires ! Evêques parfumés adonnés au vino santo, aux biscuits à la cannelle et aux petits mignons... Princes terrifiant les inquiets et claquant des doigts pour clouer les becs, usuriers passés à la banque et redoreurs de blasons... Mais l'Enfer n'était pas encore de ce monde . Les puissants vaille que vaille gardaient leur troupeau du côté de Saint-Pierre. Personne n'avait osé faire descendre le Paradis sur Terre et la vie restait un chemin tortillard, sablonneux, malaisé.... où le cheval tirait son coche et supportait les mouches....
Les artistes contemporains sont, eux, des demandeurs d'emploi comme les autres. Pas un seul ne rêve de gloire posthume, ne craint les vols de vampires ou les sabbats de sorcières. Fra Angelico et Goya furent en comparaison des cinglés schizophrènes.... Car les prouesses les mieux payées du deuxième siècle après Rousseau, sont des coups de pied dans les ballons, des postillons dans les micros et des inventions de machines à relier les petits ruisseaux pour faire de grandes rivières. Les scènes sont immenses, les associés innombrables, la renommée coûte le prix des médias et le va et vient de l'argent public aux poches privées n'est pas une mince affaire... Les maîtres collectionneurs et ordonnateurs de fulgurances supportent en riant les intraveineuses, fumeries, cuites et divagations sous le slip de leurs poulains... C'est que la crasse des addictions et des mauvaises santés donne le sentiment de la démocratie et de l'égalité des chances... L'horloge culturelle est  insensible aux petits malins qui tripotent ses aiguilles. L'Art des injections de culture repose sur la minutie, comme en son temps celui des clystères . Il faut  naître, paraître et mourir dans des règles collectives de bienséance, dernier avatar d'une "Nature" débarrassée des satyres, nymphes, bacchantes, orgies et processions... Repeuplée d'objets pneumatiques, de fleurs pétrolières, de savants déchets et de bonnes chimies...
Ce monde n'échappera peut-être plus des mains qui le tiennent, des têtes qui le pensent, des routes qui l'entaillent, des laboratoires qui l'enfument et le parfument, des chirurgiens qui le dérident, des banquiers qui l'accommodent  et des justes qui le vendent. Les désirs y sont plus forts que les rêves. 
Au bazar il faut des objets nouveaux, des sciences amusantes, des miracles pour tous, des preuves irréfutables des victoires du Bien et du Bon, des vérités portatives, des années d'oubli pour des vies en taule. Car doivent être supportables les bétons armés de la Raison, les animaux empaillés dans les parcs, les vaccins contre l'air frais, les détournements d'enfance et les contrats d'assurances tous risques. Quel arbre, quelle porteuse de crevette ou repasseuse, quelle asperge ou tournesol ne peuvent être empaquetés comme le Pont-Neuf ou le Reichstag , impuissants sous la ficelle comme la Terre ficelée par les réseaux et bientôt couronnée d'épines puis  moquée par le Soleil ? ....



Filez à l'anglaise. Laissez tomber l'amour. Il n'y a plus de sentiments qu'aux chiottes. Dites que la pièce est vide, que les murs sont gris, faites quelque chose entre violet et jaune... Comme Robinson, sortez d'une épave des outils et des armes...  Il se trouva une grotte, tailla des planches, fit un parasol, un enclos et s'organisa pour les jours et les nuits. Recommencez l'art pour le plaisir, suivi de votre ombre sur une île déserte aux plages lisses...