Rechercher dans ce blog
7.31.2013
7.30.2013
CRAYONS ...
Que faire d'autre que la même chose?
Je vous vois venir, vous allez m'expliquer que le dernier quart du siècle et le premier du millénaire font découvrir le sexe, comme la dernière fournée de pédagogues nous apprend tout sur notre cervelle , le nouveau ministre les bonnes raisons de l'impôt et les marchands de soupes le vrai goût du poireaux-pommes de terre.
La tournante saisit les générations qui se font une beauté, vertige nécessaire aux élans du coeur et du corps... On n'en finit donc pas de saler la Terre et de crier sur les toits que les ânes d'hier avaient les oreilles différentes, sourds comme des pots et aveugles aux merveilles des prés. Des justes se lèvent tous les matins que Dieu fait et leurs patates de la journée sont paraît-il fort étrangères aux épluchures de la veille. Sommes-nous moins idiots que les anciens qui crurent à l'entropie et à l'âge d'or ? Savons-nous que le plus difficile fut de casser les cailloux en deux pour faire partir des étincelles et qu'ensuite le hasard fit assez bien les choses car il y avait de la place pour de bonnes jambes ? Nos ancêtres se gardaient de faire descendre le Paradis sur Terre, trouvant la vie fragile et l'orgueil périssable. Leurs devins et leurs sages doutaient que l'homme valût son pesant d'or, savaient que plus il foisonnait plus il devenait lourd, de bronze et de fer.
Certes, les machines ont l'air de nous alléger, puisque nos paroles foncent à la vitesse de la lumière et que nous volons à treize mille mètres. Mais les disparus que nous avons sous nos ailes parlent de leurs mésaventures et donnent des conseils. Soignons l'Enfance, l'Amour et la Mort, comme jadis Cézanne qui conseillait aux ambitieux de peindre sans relâche leur tuyau de poêle...
7.29.2013
64 CASES ...
Pour les plus jeunes, moins jeunes et toujours jeunes, une petite piqûre de rappel initiatique à propos du jeu d'échecs.
En 2007, Michel Bruneau, avait créé avec Etienne Leroux, dessinateur et peintre, une BD fort singulière et très attachante pour expliquer en dix étapes les grandes lignes du jeu d'échecs :
On y retrouve la passion et la verve d'un grand joueur dont le site mondialement connu fut un régal pour les petits et les grands. Michel Bruneau savait partager son temps et ses émotions. Une vision toute poétique et fort savante faisait oublier l'austérité apparente de ce jeu vieux comme la civilisation. Un goût profond pour les rencontres, l'amitié et les échanges firent de "www.chess-theory.com" un lieu où il faisait bon se retrouver. J'espère que le site réapparaîtra sur le web via un nouvel hébergement et que l'on y retrouvera la bonne humeur et la science de Michel !
7.28.2013
SOLUTION .....
Bannière du site de René Chambon
Voir le site
http://www.velum-colisee.com/
Les marins de la flotte étaient chargés de manoeuvrer le voile qui, protégeait du soleil les 50000 spectateurs du Colisée... Tout récemment quantité d'archéologues se disputaient sur le fonctionnement mystérieux de cette voilure géante... Leur enthousiasme n'avait d'égal que l'excès de leur imagination. Les profanes les écoutaient d'un air pénétré et les curieux se contentaient de théories tirées par les cheveux.
La couverture de nos stades exerce une contrainte moyenne de 200 kg au mètre carré. Un ingénieur à la retraite vient de prouver qu'avec 1kg au mètre carré les architectes hellenistiques et romains savaient couvrir plus large que le Stade de France....
René Chambon, 77 ans, a retrouvé leur technique, l'a faite breveter. Son site internet nous raconte toutes les péripéties de ses recherches, nous donne les représentations mathématiques du système, nous raconte ses galères pour le faire reconnaître dans le petit monde de l'architecture, de la recherche et de la politique... Et surtout, preuve par l'exemple, nous montre comment l'arène du Puy du Fou en Vendée, est couverte ou découverte en une minute chrono grâce à des techniques empruntées à Celer, architecte de Vespasien et de Titus ....qui mourut juste avant l'inauguration de son chef-d'oeuvre ( 80 ap.J.C ) en tombant d'un échafaudage...
Un livre des éditions "Les2encres", publié en mai 2012 et préfacé par Philippe de Villiers décrit le personnage et son aventure et ses épreuves, avec l'entrain et l'humour d'un connaisseur en cuistreries, pédanteries et fausses politesses...
Le titre "Renatus Chambonus Clochemerlix, Plongée dans la gaule profonde de 1930 à 1960..." est déjà un programme!
7.27.2013
RACINES ...
Grimper de 1000 km pour se rapprocher des étoiles, remonter le temps de quinze milliards d'années, construire des machines grosses comme des villes autour d'une poussière, passer entre les grains de lumière pour en savoir davantage... La Nature ne freine ni les curieux ni les envahisseurs. Elle se pousse un peu plus loin chaque fois, use les explorateurs et gonfle les budgets.
Nous sommes revenus de la Lune avec une remorque de cailloux. Nous rêvons de creuser des puits sur Mars pour y planter des choux et célébrer quelques anniversaires. Nous avons lancé des capsules entre les anneaux de Saturne, observé des tempêtes sur Jupiter, survolé des océans de méthane ou des sphères de glace... Nous ne savons pas encore marcher la tête en bas, mais des auteurs de science-fiction nous disent que nous aurons la Terre au-dessus de nos lits et que nous regarderons tranquillement voler les mouches avec des lunettes numériques. Dix milliards de campeurs entre le Soleil et le reste du monde, seront outillés pour vivre deux siècles sans névroses ni dépressions... Il se pourrait que les meilleurs aient des ailes dans le dos et que les méchants ne vivent que cent ans.
Vous l'avez compris, ce n'est pas très séduisant d'avoir les pieds sur Terre si tôt dans le siècle. Les jours se traînent encore comme les boeufs des rois fainéants, les avenues des villes puent le gazole mais les hommes avertis se cachent dans les hautes herbes et derrière les haies. Si vous ouvrez quelque fenêtre de chaumière il se pourrait que vous trouviez une bibliothèque, là où jadis pendaient des jambons... les livres tombent des mains les plus jeunes, les scribes fuient comme sous les ostrogoths les poètes de la Ville éternelle, lassés du Cirque et fatigués des barbares... Attendre la fin près d'un ruisseau à truites, s'amuser des cabrioles des lapins, des traversées de merles dans les cerisiers, des grues cendrées à l'aurore... Dans un coin vous trouveriez aussi des ordinateurs pour voir un peu plus loin que le bout de son nez, surveiller la température du globe et la montée des eaux. Vous prendriez un siège près des salades, songeur devant les romaines, vous pencheriez du côté de Pascal Quignard vous disant qu'il se fait plus de musique près des carpes et dans les branches que n'en peuvent les antichambres des rois. Vous rageriez en somme d'avoir trop d'espérance de vie dans un monde si peu varié ... Car lorsqu'il fallait plumer une oie pour écrire la comédie, prendre l'encre d'une seiche, sabler ses feuilles avant de les plier, les hommes et les femmes faisaient des miracles et des feux d'artifices en disparaissant à trente huit ans de moyenne...
Il vous arrive de penser que les merveilles du monde ne sont plus à nos portées, vous essayez de voir le ciel sans traînées d'avions ni fils électriques. Il y avait des lions dans l'Atlas et des éléphants sur les bords de l'Euphrate. On vit dans les forêts de Saxe blanchir les os des légionnaires d'Octave Auguste. Les derniers aurochs moururent en Hongrie vers l'an mil. Au Vinland une poignée de danois mit une pierre gravée. Les archers du Premier Empereur montent la garde depuis vingt siècles au bord d'un fleuve de mercure où pêchent des hérons de bronze et jouent des musiciens de terre cuite...
Nos racines vous disent qu'il y eut plus d'enfers et de paradis quand les hommes étaient loin les uns des autre et la Terre immense... Que nous serons dix milliards à reparler d'amour et d'égalité, avides de vacances entre la Lune et Mars.
PRUDENCE ....
Il faut être prudent quand on est sur la mauvaise pente, plus exactement quand on a franchi son demi siècle. Les hivers rallongent, les étés passent en trombe... Les vaches, elles, ruminent sans se soucier des saisons soignent leur corps sans se casser la tête. On ne sait pas si elles ont tort ou raison mais une chose est sûre, leurs cornes les indiffèrent alors que nous passons tant d'années à nous plaindre des nôtres...
Nos enfances ne nous lâchent plus quand elles furent difficiles : les juges, les psychiatres et les artistes le savent, ils connaissent nos peines. La perte de notre pucelage serait une mince affaire si des exaltés n'avaient inventé les chagrins et pressé les citrons de l'amour plus que de raison. La mort, pour en finir avec le gros de nos occupations, fait le désespoir des poètes et le bonheur des notaires. On peut s'étonner que des esprits raisonnables se laissent prendre au jeu des accidents de la vie et qu'ils oublient d'être sages en se regardant le nombril du matin au soir. Les pessimistes disent qu'ils avalent des couleuvres et les autres du petit lait. On mourait vite au temps de Ronsard, où semblables étaient les vaches, mais on apprenait très jeune... Sous les nuages, parfois, le temps joue dans les formes au petit matin, c'est là que reposent les troupeaux et que les parfums sont plus forts que les souvenirs...
SOLDATS DE BOIS .....
Attila, fléau de Dieu ... les Huns firent sur de petits chevaux le trajet de la Chine au bassin de Paris. Ils attendrissaient leur viande sous la selle, tiraient des volées de flèches au galop dans n'importe quelle direction. Tels aussi les guerriers d'Allah, maîtres de l'Insulinde à l'Espagne, soucieux de vérité sous le tranchant du sabre. Lourds chevaliers Normands, portant la cotte et le haubert, calés sur leurs étriers, jetant des étalons de 700 kg sur les juments du prophète, armés de la lance et de l'écu, de l'épée longue à bout rond pour la taille... Chevaux dressés aux ruades dans les mêlées... Hussards, dragons et cuirassiers de l'Empire courant de Naples à la Russie, charges de la Brigade Légère sur les canons du Tsar, lanciers Polonais enragés contre les Panzers, petits cavaliers mongols vire-voltant dans la neige autour des Tigres, finissant les équipages à la pelle et au couteau... Armée des fantassins du premier empereur, cousus de plaques de bronze, légions de Varus exterminées en forêt de Teutobourg, Phalange des Macédoniens sur l'Indus, charge du Grand Condé sur l'infanterie espagnole, les 900 du 19e de ligne de la seine Inférieure du brave colonel Trupel qui passèrent au travers de 15000 russes à la Bérézina....
Toutes les batailles sont sur les carreaux de l'échiquier...
En souvenir du regretté Michel Bruneau
Qui avait construit un site extraordinaire consacré au jeu d'échecs, apprécié sur les 5 continents et aujourd'hui retiré du Web...
7.23.2013
LA GUERRE ...
Que sera demain la Peinture? Je n'en sais rien, personne n'en sait rien. Il n'est pas certain qu'elle soit... Ici et Maintenant, tel est le tableau, toujours perverti par les machines à reproduire ailleurs et plus tard. Il gravit son chemin de croix quand il se transforme en images et répliques, pour le plus grand bien de la Culture et de la Pédagogie, ces purées de modes d'emplois qui rendent les hommes aptes à la conversation et au malheur distillé. Les tableaux sont recueillement et silence... Il s'agit d'échapper à la gravitation du temps contraint. Sont-ils si "visibles" que cela ?
La "Guerre" du Douanier Rousseau fut au Grand Palais pour quelques semaines, facile à regarder car on ne s'y arrêtait guère . Drôle de public : 75% de plus de soixante ans, 60% de femmes, quelques enfants conduits par les grands-mères... quelques rares trentenaires... On dirait que l'école est passée par là, que des prêcheurs ont fait leur travail... ou qu'un cheval noir sur des cadavres blancs est moins saisissant qu'un cheval blanc sur des cadavres noirs... A côté, on regardait peu la jeune fille à la robe rose et l'enfant au pantin ... Les petits paysages peuplés d'invariants plastiques n'avaient qu'un petit succès ; seules les jungles aux feuilles démesurées cachant des tigres ou exhibant d'énormes fleurs faisaient tenir en place... J'avais l'impression qu'on venait voir l'exposition des illustrations du catalogue... Mais pourquoi s'en faire? Un petit garçon tira son grand père par la manche et pointa l'index sur un mort du premier plan, montra deux paupières fermées surmontés d'un trou sanglant, à peine visibles dans le magma des cadavres crème et des corbeaux à leur affaire..
Cette "Bellone " en fureur de 1894 ne fut risible que vingt ans et quelque chose me dit qu'elle fait encore se détourner en ce début de siècle. La course folle du cheval à tête minuscule, l'épée tenue comme par une mauvaise élève, la poupée maléfique montée en amazone, les silencieux dépouillés, les freux pinçant des lambeaux de viande, les arbres gris ou noirs à quelques feuilles, les nuages roses comme des entrailles et oranges comme les gaz mortels... Ce tableau n'est pas tableau d'Histoire... Il est actif ... Annonce macabre, amorale, giflant l'air tiède des corps jetés en vrac. Le "Radeau de la Méduse" était un naufrage pyramidal, la "Mort de Sardanapale" fut un bazar jubilatoire, "Guernica" fut digne de Saint-Just...
Ici l'homme du peuple, privé de rhétorique, lance une machine infernale aux couleurs des Fleurs de l'enfer, un galop perpétuel des idées noires et des folies, le feu sur toute la Terre, les élites disparues comme l'herbe rasée sous les chevaux d'Attila... La Mort ayant la vie devant soi...
Enfant soldat. Carnet.
NOS DESIRS...
Quels sont nos désirs? Quand je demande à mes amis ce qui leur manque à la fin du mois pour être délivrés de leurs éternels soucis, ils me disent tous qu'avec 30% d'augmentation du revenu, tout serait parfait. Ce qu'ils ne disent pas, c'est que leurs besoins n'arrêtent pas de se multiplier et qu'ils n'ont aucune chance de remplir ce tonneau des danaïdes. S'il fallait comme en 1900 manger à sa faim, avoir chaud sous une bonne toiture, se chausser ailleurs que dans des galoches et se vêtir proprement, il suffirait de travailler quinze heures par semaine pour faire des économies...
Mais la technique met sur le marché d'innombrables occasions de grossir ses bagages et de s'offrir des sensations dignes de nos savoirs, de nos âges et de nos sexes... Autant dire que nous ne finirons pas de courir après le bonheur en pétant plus haut que le nombril ! Pour nous assagir, il faudrait des informations fiables ...
Nous aurons besoin de douze planètes Terre pour assurer l'existence matérielle de 10 milliards de citoyens du monde sur le modèle nord-américain pendant une durée raisonnable de mille ans. Donc tout va bien, Madame la Marquise... Il y a tant de manchots autour des plantes vertes des entreprises qu'on se demande comment produire autre chose que du bruit et des images, pourquoi sur-payer les cols blancs et sous-payer les cols bleus ?... Créer des emplois? Arrangeons-nous pour faire progresser les cancers, les diabètes, les asthmes, l'obésité, les addictions ... C'est un moyen sûr pour doper la chimie, les ambulanciers, les laboratoires, les pharmacies et l'industrie générale des soins... Faisons baisser le coût de l'alimentation pour être certains de consommer des montagnes d'énergie, de pesticides et autres excréments qui économisent de la main d'oeuvre et transforment les réserves d'eau douce en or bleu et pompes à finances... Le pétrole est de plus en plus cher ? Surtaxons le fuel lourd pour faciliter les délocalisations industrielles, réduisons le coût du gazole et de l'essence pour attirer les pollutions, engraisser les assureurs, creuser le trou de la sécurité sociale grâce aux accidentés de la route... Laissons tomber la culture française en estropiant la langue, en dégradant les universités, en sacrifiant les enseignements techniques et en remplaçant l'étude des faits par celle des dogmes au collège et au lycée... Efforçons-nous de réduire les aides à la famille et de les remplacer par des subventions aux agriculteurs productivistes... Versons des larmes de crocodile sur les imbéciles qui ont trois ou quatre enfants... Dépensons dix fois à Paris ce qu'on dépense pour la culture en province... Expulsons les quinquagénaires du travail, oublions de dégraisser le secteur tertiaire de tous les parasites qui l'encombrent, décourageons les adolescents des métiers manuels et productifs, créons des emplois financés par l'impôt au lieu d'être générés par la consommation... N'offrons aux chômeurs que le travail qu'ils savent ou veulent faire... Fermons les yeux sur les salaires des ouvriers qualifiés et surtout n'enlevons rien aux revenus surévalués des bureaucrates... Ne jugeons pas d'une politique économique sur ses résultats mais sur ses intentions... Ne formons pas les jeunes aux métiers qui correspondent aux besoins... Ne cultivons pas la productivité... Ne permettons pas les licenciements pour être sûrs de manquer les embauches... Ne prolongeons pas la vie active... Laissons la jeunesse aspirer au repos... Ne favorisons pas l'innovation, les dépôts de brevets... Admirons nos héros des classes préparatoires et de l'Agrégation qui ont fini à 25 ans de prendre des risques... Laissons nos chercheurs tourner en rond dans leurs statuts et de leur avancement à l'ancienneté... Faisons baisser le coût des transports pour rendre incontrôlables les flux migratoires et irréversibles les folies identitaires... Ne faisons plus d'enfants pour être sûrs d'importer la jeunesse des autres... et perdre les moyens culturels de notre cohésion sociale...
Les bonnes idées ne manquent pas quand il s'agit d'aller dans le mur...
Dans " La tragédie du pouvoir " un petit livre paru en 1979, Alfred Sauvy ( 1898-1990 ) remue le tas de sable de nos conformismes et de nos imbécillités chroniques. Trente quatre ans après, nous sommes encore dans nos ornières, nous abordons le 21ème siècle comme des écrevisses et avec des cauchemars... Les désordres, les secousses brutales, les stupéfactions, les tragédies, frappent à la porte...
"La tragédie du pouvoir", Quel avenir pour la France? ALFRED SAUVY. Coll. Pluriel.Calmann-Lévy. 1979.
Trouvé en excellent état chez Emmaüs pour la somme de 50 c d'euro, le 23 mai 2013...
7.22.2013
CE GREC ...
Ce grec est-il un homme ?
Pendant quelques siècles il fut tout ce qu'il est possible d'espérer quand on souhaite bonne chance à l'humanité. Cet enthousiasme tenait aux suggestions que les formes faisaient sur le fond. Les angles, les courbures, les masses, les contrastes, les liaisons souples et solides entre les plans, une simplicité raffinée de l'objet, une aisance majestueuse vis à vis de la pesanteur, l'absence totale d'une quelconque indiscrétion individuelle, en fin de compte une sorte de distillation, de quintessence des relations entre un corps parfait et un esprit supérieur... Tels sont les miroirs dans lesquels se confondent encore les immortels et les hommes.
Jamais on n'a tant fait pour l'autonomie des êtres en prévision de leurs inévitables rencontres avec le Destin. Jamais non plus, on n'a pissé de si loin sur les têtes enfarinées de nécrophages, amateurs de chair humaine, changeurs de monnaies, prophètes de malheur, cuisiniers de désespoir et traînes savates de l'ordre moral...
GRANDS TOURS ...
Les empereurs de Rome avaient les pieds sur Terre et un sixième sens de la Politique. "Je sens que je deviens dieu" dit à la veille de sa mort Titus Vespasianus, qui remplit les caisses de l'état en taxant les pissotières. "Ai-je bien joué la comédie de la vie ?..." demandait Octave Auguste qui avait raflé l'Orient et l'Egypte de Cléopâtre, perdu trois légions en Germanie, fondé l'Empire et engendré des filles impossibles. "Quel artiste périt!" gémit Néron, le poignard sur la gorge, qui avait chanté l'incendie de Troie sur les terrasses du Palatin face au brasier de la Ville éternelle, livré les chrétiens aux bêtes, parcouru la Grèce avec une cithare en char et costume d'Apollon... On ne peut pas en dire autant de Louis XVI dont la tête roula dans le panier des droits de l'Homme, tenu aux anses par des citoyens vertueux.
Il y a des vies longues et des vies éphémères. Le manège tourne. On grimpe. Un monsieur ou une demoiselle font gigoter un pompon. Si on se lève au bon moment, on peut l'attraper pour gagner un tour. Faire des tours et des tours, c'est la vie mais tous les manèges ne sont pas équipés de pompons. La ronde présage de sa fin. Pour les enfants ce n'est pas grave car le monsieur qui est aux commandes a le sourire.
La Terre ne fait que des tours, nous ne le savons pas depuis longtemps, la moitié des hommes croit toujours que le Soleil tourne autour d'elle comme une roue du Destin. Les étoiles sont bien vues depuis que les rois mages suivirent celle de Bethléem jusqu'à une étable. Le manège des grandes personnes les occupe jour et nuit. L'enfance , l'amour et la mort y jouent les trois temps d'une valse. Le reste est décor, clins d'oeil et petits signes. C'est une valse étourdissante où les aveugles voient des mirages, où le pompon fait en plus gagner de la solitude et du silence..
Nos étoiles ne sont plus chamaniques, nos astrologues gravissent des montagnes de mathématiques, traversent des mers de philosophie et des océans de morale, entassent des mégatonnes de livres et de disques durs... Les fruits de la connaissance nous ont arrachés au paradis terrestre : nos amours sont enfants de Caïn et nos plaisirs ne s'éloignent pas de notre nombril. L'histoire de nos bonheurs tient sur quelques timbres. Nous sommes abusés par nos foules, excités par nos désirs volés, réduits à de pauvres chimères: les peuples élus, les vertus citoyennes et les profits planétaires... Deux siècles de progrès techniques, de chants d'amour et de liberté n'ont empêché ni les bombardiers, ni les tanks, chambres à gaz et feux nucléaires ... Nous avons converti les armes chimiques en produits phyto-sanitaires, nous vivons dans une soupe de molécules cuite par des sorciers amis des banques ... nous trafiquons les gènes et le sport... Nos innocents sont aussi dangereux que nos traîtres, nous tournons en boucle...
Suit l'exponentielle obésité de la " Communication", les marées d'images et de phrases. L'épouvante naîtra sans doute d'un arrêt de la machine à tourner en rond.
7.19.2013
SOLDES ...
Ce n'est pas aux morts qu'il faut souhaiter "Bonne chance!" comme il est écrit sur les momies et les portraits du Fayoum... Les morts n'ont plus de souci à se faire, ils campent dans des lieux tranquilles ou reposent avec les lombrics, les coquilles saint-jacques et le petit trèfle. Ils adorent la solitude, ne s'occupent ni des affaires des autres ni même de leurs propres oignons. Rien n'est plus tranquille qu'un mort, plus respectable... Il suffit de mourir pour s'entendre dire du bien de soi et de venir au monde pour que les médisances précèdent les vacheries et les croc-en-jambes. Cela fait naître des vocations de voleur, de curé, de conquistador ou de philosophe... Les métiers honnêtes ne suffisant pas, des hommes et des femmes de grande sensibilité s'organisent un destin grandiose dans le meurtre, la politique ou la religion... Parfois les trois en même temps, ce qui donne des prophètes musclés, des fils de Dieu, des filles d'Henri VIII ou des petits Adolf qui croisent les bras pour une photo de classe...
Mais de tous les humains, les plus intéressants jouent de la flûte comme Mozart ou du pinceau comme Van Gogh. Ils ont avec la mort des relations joueuses, détraquent son sablier, se glissent dans les courants d'air et les reflets, se logent dans les nerfs, donnent à entendre et à voir de l'autre côté des miroirs, mettent le monde à l'envers et font oublier que la Terre ne tourne que dans un sens, que nous allons tous dans la même direction et que la seule chose sérieuse à laquelle nous devons faire attention est l'axe des pôles où se cramponnent toutes les idées, tous les destins et tous les plaisirs. Nous y pendons comme tout ce qui pend sur Terre, le plus sage étant de ne s'y tenir qu'à une main, l'autre servant d'abat-jour.
Clin d'oeil : http://bluzzin.com/blog/p/verif_proprio/14893/5443/a7943e2e6b2cca576c0f0fbd60f87c1627a2c166/
PEINTURE ....
Le corps de la peinture est un plan interminable, apparemment fermé dans le carré, le rectangle , l'éllipse ou le cercle mais aussi sur l'épiderme d'un mur, d'une coupole, d'une caverne etc.... Dans une plage visuelle les yeux se déplacent tous les cinquantièmes de seconde et la mémoire, encore plus vite dans le filet de nos aventures accumulées depuis le ventre d'origine, du flot des surprises et des stupéfactions. Nos forces tentent de répartir des extrêmes et des intermédiaires dans un espace convenu. Notre corps est à l'image de ces accumulations : instrument de conscience et machine à vivre, source de plaisirs mais douloureux in fine, notre propriété et son image... La peinture se fait donc en taule, comme se firent le "Devisement du monde" sous la dictée de Messire Polo, les Essais dans une tour du bordelais, le Discours de la Méthode dans un "poêle", le journal d'Anne Franck dans une cache ...
L'île déserte, l'exil après le naufrage, l'effacement d'autrui, effacement recherché ou né du hasard, il faut s'habituer quelque part au pain sec et à l'eau, à la paille des cachots dans les caves du bonheur... Renaître sur des jambes neuves, vidé d'une longueur de tripes... Soupçonneux de ce qui se passe, voyant les poisons dans les plats trop préparés, renonçant aux meurtres légaux, à l'incendie des bonnes oeuvres, à l'engrais des bestiaux du troupeau social, à une carrière de serial-killer en quelque sorte , on reliera les mains au cerveau via les globes oculaires , on se penchera sur du carton, de la toile, du bois...
On tracera des signes de l'âme, on guettera sur des plages blanches les plus petits indices d'une visite, d'un pas... d'une escale, on bâtira sa tanière pour se protéger des pirates seuls maîtres après Dieu sur les mers d'absurdité... On se battra contre le temps contraint pour d'imprévisibles amitiés... Car il faut prouver qu'il y a de l'humain dans l'homme, qu'il y a de l'ami dans le chien, du frère dans le malheureux, de la magie dans la lumière, du vêtement dans les fleurs, organes de génération ... Du vent tant que tourne le Soleil.
La Peinture n'est pas " l'Art ", cet excrément du social et des "époques", cette pâtée pour conseillers culturels distribués par des ministres... Faites les musées, vous y trouverez des femmes à profusion, perdues pour le sexe mais amatrices de reliques et amoureuses de saints, prêtes à faire un rempart de leur corps devant les tableaux, prêcheuses comme Jean-Baptiste du Jourdain, annonceuses de messies et porteuses des balances de jugement dernier... les veuves salivent sous la cravache du divin marché et des exploiteurs de miracles.
La Peinture est donc à recommencer, sans souci du lendemain ni de l'amour d'autrui, aussi nécessaire que les châteaux de sables, indifférente aux marées et croqueuse de diamants.
7.16.2013
TUYAU ....
Si l'homme est un tuyau ( Jonathan Swift ), son extase consiste à ce qu'il se remplisse d'un côté et se vide de l'autre.
Les orifices nous procurent des satisfactions immenses. La plus courante consiste à faire passer vers l'extérieur nos matières, sans heurts ni écorchures, régulières et lubrifiées... C'est ici que le matin nous savons si tout va bien, si nos corps sont satisfaits de la veille. Voilà qui s'appelle un heureux évènement, peu différent de notre naissance qui nous fit sortir d'un ventre pour prendre l'air et commencer nos aventures.
Nos plaisirs ne s'arrêtent pas là. Nous réagissons à la musique qui adoucit nos moeurs. Les mots dans les oreilles nous aiguisent la connaissance : les vers et les phrases sont parents des parfums. Ailleurs, rien n'est plus utile à l'amour qu'un doigt de champagne et une louche de caviar. Les amants s'ébattent dans une plomberie qui donne le vertige. Ces remplissages et ces vidanges n'ont pas forcément plus d'éclat que les perles, et pour beaucoup , les frites, la viande hâchée et les sodas procurent d'aussi fortes émotions que les truffes poêlées au foie gras suivies d'un Sauternes... Le bonheur est affaire d'habitudes et de conventions.
Dans l'enfilage des perles les trous et les fils sont l'essentiel. Tel ivrogne vous fait des conférences sur le Ricard, le Pernod, le Casanis et mille contrefaçons d'anisette ... connaît tous les bouis-bouis de Corse. Tel bâfreur de saucisses chipote entre les graisses de cinquante sortes de cochonnailles, tel fumeur de kif interdit d'alcool par son prophète, ne se torche que de la main gauche et sait combien de pipes le mènent à des orgasmes interminables... Le bonheur est à l'école et dans la rue...
Les repentirs du petit matin, les laxatifs, sauvent des âmes de la mort subite et de l'enfer. Des pilules bleues relèvent les vieillards. Les livres sacrés, les mots savants des curés, pasteurs, imams, rabbins, tous hommes de Dieu dévoués à ses créatures , sont les cerises posées sur le gâteau du bonheur. Car il faut que ces créatures nées bonnes, innocentes et pures ( Jean-Jacques... ) se désaltèrent des eaux claires de la parole du Créateur et ne s'abîment que par la volonté du diable dont les troupes sont innombrables.... Un steack ne peut être agréé par le Tout Puissant si son boeuf, coincé dans des plaques de fer, ne fut pas lentement égorgé par un sabre aussi tranchant que celui du prophète, si le sang de ce boeuf n'a pas gerbé à deux mètres cinquante et si la pauvre bête n'a pas eu le temps de compter jusqu'à cent, les yeux exhorbités, le coeur exaspéré entre des poumons inutiles, la tête à demi retenue au corps, qui proteste à coups de sabots, crevant d'effroi et stupéfaite.... Entre temps des hommes pieux mettent sur le dos des brebis et des chèvres, les tranchent d'une oreille à l'autre sous l'oeil de celles qui attendent, et psalmodient des versets archaïques pour prouver la pureté de leurs intentions, le respect des saintes volontés, couvrir le bruit mécanique des secousses et des giclées....
On se demande ce qu'eût été le bonheur nazi, toutes conquêtes terminées, toute humanité débarrassée de ses races adjacentes, chevelures trop brunes et fosses nasales mal orientées... Les haras humains en pleine forme auraient donné le jour à des pépinières de blondinets, athlètes du bras tendu ... Les stades auraient été pleins de colosses aux yeux bleus, des vagues de héros seraient parties dans des fusées pour planter sur Mars des bustes de bronze et des salades de phrases... On sait ailleurs que le bonheur des démocrates se tapit sur les parkings des épiceries géantes, dans les couloirs de galeries marchandes, les restructurations d'entreprises, puis les boutiques de sex-toys et d'innombrables cachotteries du slip... En fermant les yeux sur tant de petits cailloux qui reconduisent aux portes de l'Eden, certains se prennent à rêver d'un bonheur plus fantastique que nos jeux de tuyaux, celui de faire sauter nos égoûts et nos fontaines de jouvence : la destruction efficace de notre espèce et de ses berceaux, revanche sur plus intelligent que nous, qui commit l'erreur de créer le ciel et la terre en sept jours de l'année 4654 avant son fils.... Nous n'avons de solide penchant que celui de nos jalousies... De vraie fièvre que notre rage. Nous n'admirons pas l'aurore, mais les agences de voyage dépensent des fortunes à photographier le crépuscule, voir s'abolir le Soleil dans les flots de sang noir.
Quelque part entre l'Enfer et le Paradis, la vérité fut écrite en lettres de feu : " Vous n'êtes pas nés pour être, mais pour connaître les sciences et avoir du courage..." Tel devrait être la raison du bonheur pour les rescapés du Déluge...
7.15.2013
SOUS LES OISEAUX...
Indéfiniment,
sous les oiseaux reviennent les feuilles, vieillissent les hommes et s'abattent
les arbres... Jules César est passé par là, les toponymes
le disent et après lui, la forêt fut coupée vingt fois sur les plateaux ... Les Normands, les Anglais razzièrent
les vaches et les filles, les moines sauvèrent ce qu'ils avaient
de reliques et peu à peu vinrent des saisons plus douces, des hommes
moins cruels et la justice du Roi. Alignés
sur la voie romaine et le chemin celtique des marchands de sel et d'esclaves, les rustres
ont sous les nuages donné de la grâce aux vallées, remisé
les bêtes à la périphérie des parcelles,
baptisé tous les recoins et entretenu la vie contre vents
et marées. Dieu n'avait que donné l'adresse de ce bout du
monde, les mains des hommes sont allées partout... Pas un centimètre
que les bêches , les charrues et les haches n'aient fouillé
des centaines de fois et de saisons. Tels sont les paysages. Le Présent y est, le Passé surabonde et l'Avenir est incertain. Car les machines se mêlent de tout, les coquelicots
se terrent près des fossés, les frênes ne servent plus
à faire les roues et les arcs, bien malin qui voit des hannetons voler. Les
cloches ne sonnent que pour des morts et près des nuages il se passe des choses étranges, comme si le Soleil devait cogner plus dur, les forêts s'éclaircir et les ruisseaux
se réduire. Il paraît que les étés seront très
jaunes, qu'on verra les vignes remonter du Sud, que les chênes-verts seront là et que des oiseaux inconnus voleront sur les villages...
D'autres disent au contraire que les forêts noires descendront du
Nord, qu'il fera de la glace en hiver comme au Labrador et qu'en Mai on
ne pourra plus faire ce qui nous plait...
LICORNE ...
La
première photographie fut un paysage. Il est possible que la dernière
soit prise d'un périscope sur une planète trop corrigée...
Ce n'est pas mon sujet.
Qu'y-a-t-il dans la tête des photographes en plein air ? Des monts et des merveilles qui doivent
rendre la vie supportable, prouver que nous sommes quelque part...
La créature et la création réconciliées... Ailleurs les réglages posent des grains de sel sur les travaux
et les jours : colzas aurifères, virginités de la
Nature, fantômes de la brume, bétons pédagogiques... A quoi servent les nuages?
Il est vrai que sur les papiers glacés
les bleus sont plus intenses, les forêts vertes plus proches des
épinards, les icebergs pensifs et les neiges éternelles
... Les couleurs passent à la douane... Les gris infinis, les tons glauques,
toutes les lumières qui avouent des lenteurs, des putréfactions
et des disparitions sont invisibles sur les pellicules, cartes mémoires,
disques durs... Les empêcheurs de tourner en rond vont moisir
sur l'Ile des morts... Fraîcheurs citron des vacances, pourpres
des fraises d'Espagne, safrans des paëllas, Monsieur Propre est photographe
vingt quatre heures sur vingt quatre...
Il
faut du désir pour qu'il y ait du réel. Les paysages de
notre monde sont aussi des marchandises, on s'y rend avec ses pieds, on
y climatise les plages... Tels ne furent jamais le paradis terrestre ou la
Gaule sans bitume ni poteaux électriques... On s'obstine à
l'évocation de l'Âge d'or, on a tort car s'il fut jamais, ce
n'était pas pour les automobilistes... C'étaient des campagnes
romaines ou des Arcadie avec des cieux ennuagés par les dieux,
des frondaisons avec des sources sacrées, quelques montagnes portant
des temples , des moissonneurs , des porteuses d'eau,
quelques méandres de fleuve, quelques ponts et parfois les murs
dorés d'une ville. Dans ces paysages-là tout répondait
à tout, les échos innombrables, les reflets perpétuels,
les légendes et les exploits.
Nos
vents soufflent désormais leur musique sur les fils, nous passons
au petit matin près des betteraves, le fils de Dieu ne bronche
pas. Le soleil se lève sur des parkings.
Mais qu''importent aux chevreuils les ordonnances classiques, les savantes distributions
de symboles, les embarquements pour Cythère ou les nostalgies d'un autre âge?
Il leur suffit de prêter l'oreille et d'éviter les
phares pour que tout redevienne comme avant, que
les odeurs de gazole soient emportées, que les écorces de
l'année soient tendres et qu'à partir de mars il n'y ait
plus de chiens. Alors quelques arbres anciens, quelques dégradés
de bleu ... Un curieux silence vient entre les couplets comme lorsque les mains
se soulevaient du clavier, que l'orgue hydraulique s'arrêtait et que près
d'une Dame de coeur une licorne reposait...
7.14.2013
L'AVENIR...
Tirage baryte, 18x24 cm in "Le livre des poires".MD
L'avenir est entre nos mains.
Chaque jour qui se lève nous éloigne des tristes époques où nous devions compter sur la Providence, le Hasard et la Chance pour être heureux. Nous avions ordonné des prêtres pour nous protéger de l'infortune, construit des temples, des mosquées et des cathédrales pour nous faire entendre. Nous nous sommes battus comme des chiens pour que nos divinités soient flattées de notre obéissance, fassent des miracles, nous donnent des pluies et des victoires. Nous avons tenu des femmes en laisse pour que nos hommes de Dieu puissent caresser leur barbe. Nous avons planté des croix et des croissants sur les collines pour qu'on les voie de loin... Nous avons drapé les têtes et les ventres de vêtements décents, nous avons préservé les assiettes des aliments impurs, nous avons interdit les boissons fortes et lapidé les adultères...
Sous Louis Quinze il fut encore permis de tuer son épouse au lit avec un autre, mais on convenait de ne point châtier l'amant s'il était noble...
Il n'y a pas si loin de la "Fille aînée de l'Eglise" à l'Arabie Heureuse..
7.13.2013
TABLEAUX...
Huile/bois.MD.19x25 cm
La vérité en peinture. C'est un problème. Les philosophes qui n'ont peur de rien s'y entendent pour le poser, le retourner dans tous les sens et donner l'impression qu'il s'agit d'une affaire plus compliquée que les autres. Les peintres ne disent rien. C'est sans doute qu'ils ont appris plus tôt à poser un oeuf sans le casser.
Pour faire simple disons qu'un tableau ne suffit pas, il en faut au moins deux: celui qu'on a dans la tête et
celui qu'on regarde...que la Peinture se trouve quand on fait l'inventaire de leurs différences et de leurs ressemblances. On se cale en face et on se demande comment c'est fait. Les choses deviennent très intéressantes si on s'aperçoit que c'est une affaire de corps autant que d'esprit. Les tableaux ne sont des illustrations que pour les moralistes ou les inquisiteurs. Les autres savent que dans un ring ou sur une piste de danse sont jouées et gagnées des éternités. Je veux dire par là des souvenirs définitifs. Dans les plans carrés, rectangulaires ou autres de la peinture, un système de présences et d'absences, les passages organisés du tout au rien font comme avec les taureaux des arènes la représentation de la vie et de la mort. La vérité en peinture c'est de tout faire et de ne rien dire, parce qu'à cet endroit-là , les discours sont aussi vains que les dissertations sur un champ de bataille. Ceci est une consolation pour les loups , une catastrophe pour
les agneaux, la fin du monde pour les pédagogues.... Choisissez votre camp ...
Huile/toile.MD.72x93 cm
7.10.2013
VOLCAN ETEINT ...
Je me promenais sur le cratère, il n'y avait personne, j'étais bien. En contrebas, les attardés d'une partie de golf, gros comme des têtes d'épingles, faisaient des points rouges et noirs. Je shootais sur une pierre de temps en temps. Il y avait sur ma gauche quatre ou cinq rochers bizarres. Un peu plus loin des touffes de choux sauvages, des petits poils et crottes de lapins. Le sentier faisait moins d'un mètre de large... Je n'avais plus le vertige depuis longtemps.
...... J'ai jeté un oeil sur le piton central. On aurait dit un monstre de ferraille avec une espèce de chapelle construite dans les années vingt qui ridiculisait le paysage, comme une carcasse de civilisation plantée sur un reste de catastrophe. Des images se mélangent dans ma tête, je vois des hommes et des bêtes d'avant les machines, des villages primitifs, des ciels sans traînées de réacteurs, des orages divinatoires, des pêches miraculeuses... J'invente l'âge d'or, les chasses, les branches courbées de fruits, les immensités, les secrets de la Lune... j'ai ramassé des cailloux noirs... Je prends un escalier qui descend en zig-zag. Le vent s'arrête. Je m'enfonce dans des genêts, l'air est moite. A droite et à gauche des papiers suspects, des préservatifs accrochés comme pour une installation, des filtres de cigarettes, quelques bouteilles en plastique, des canettes de bière vides autour d'un tas de charbon de bois, une paire de lunettes écrasées, quelques sacs poubelle coincés à mi-hauteur. On accède à la chapelle par un pont sans parapet. On ne voit pas grand chose en-dessous à cause des ronces, mais il y a au moins vingt mètres de profondeur... Tout juste si deux personnes peuvent se croiser. Je repars en arrière parce que j'y ai vu un passage qui descend. Il fait de plus en plus sombre et je dois faire très attention aux épines... Le ciel se voit mal. J'ai marché sur une tête de chien ou de renard blanchie depuis longtemps. Au bout de cette espèce de tunnel un dégagement sans issue donne sur le rocher. Il ne fait ni jour ni noir, presque monochrome, presque l'île des morts... j'ai vu des taches plus claires. Il y avait des centaines de livres éparpillés n'importe comment, pourris de champignons. J'essayais de lire mais les pages s'étaient collées ou tombaient en morceaux... Je vis des oeuvres complètes de Tacite, des classiques grecs et français, des volumes de la Pléiade irrécupérables, des traductions de Pasolini... des Lucien Febvre, Marc Bloch, Braudel, Duby... Du Céline... Il y avait bien quatre à cinq cents chefs-d'oeuvre de sciences humaines et de littérature... On avait dû faire des dizaines de voyages pour les vider là... sans se faire voir... Je me sentais mal dans cette fosse commune où les grands textes avaient été jetés comme furent jetés aux porcs les nourrissons indésirables des cités antiques... J'ai tourné les talons, me suis attardé une seconde sur la tête de chien... J'étais en haut presque avant de m'en rendre compte, à peine essoufflé... Le vent s'était renforcé. Les joueurs de golf étaient partis. Des gens faisaient du quad sur les pentes d'en face.
C'est alors que j'ai croisé un couple en culottes courtes et sandales, du genre pédago, le sourire protecteur ... Estime de soi garantie.
Ils avaient l'air en forme, courbés sous des sacs pleins comme des huîtres...
7.09.2013
JUSTE PRIX ...
J'ai
de la chance. On voulait que j'aime mon prochain comme moi-même.
J'ai profité des circonstances pour avaler tout le Latin nécessaire
et pas mal de Grec... Telles furent mes premières armes. Je m'en
trouvai si bien et je lus tant d'histoires que je devins étranger
dans mon pays et tout juste cousin de mes frères ... Je n'ai pris
pour maîtres que les moins défunts des morts car je m'étais
aperçu que les vivants sont peu civilisés. Ils sont si sauvages
qu'ils ne parlent que du Bien qu'il faut faire et du Mal qu'il faut punir.
Rares, ceux qui voient l'Homme déshabillé, inconstant des
deux côtés du nombril, poète et baiseur, juriste et
bandit, tueur et compatissant. Les apôtres sont dans les livres,
les hommes sur les champs de bataille, au bordel ou faisant à quatre
pattes le tour du veau d'or. On dit trop de messes, on prononce exagérément
le nom de Dieu, on brûle trop d'encens sur les cadavres pour que
les anges soient plus nombreux que les démons. Je devins expert
en certificats de bonne conduite, bien décidé à survivre, mais lorsque on interroge la morale et la vérité en trois
langues, elles donnent des migraines, il faut prendre le parti de sa solitude
et chercher ailleurs des raisons d'être là.
Les bonnes adresses
sont dans les forêts, dans les cascades sous les frondaisons, à
la belle étoile en Août et partout quand y abondent les appels
et les traces ... Ce n'est pas que la Nature est belle,
c'est qu'elle est prodigieusement indifférente à nos esprits
noués... Qu'avec ou sans conscience nous lui sommes redevables
de corps et que pendant des millions d'années nous n'avions que
le corps pour juger du monde et passer outre le désespoir ...
Le
Bonheur, ce vieil ami des ivrognes et des nourrissons, n'a rien à
voir avec le juste prix de la Vie. Les prêtres le promirent à
tours de bras et d'indulgences, la main du Prophète, noueuse à
souhait, l'offrit au tranchant de son sabre ... mais c'était dans
l'au-delà ... On ferait
bien de s'aviser que les philosophes
n'ont fait du bien qu'avec parcimonie, que les instituteurs firent au
carré le lit des boucheries de Verdun et de la Somme... D'autres
artisans du Bonheur, comme Henri Ford qui avait son portrait dans le bureau
du Führer, firent du parti Nazi un parti de masse... Ce n'est pas
un hasard si tant d'esprits "lucides" après 1920 puisèrent
des énergies neuves dans la Troisième Internationale et le
paradis de Staline... Ils appelaient cela la
"Fin de l'Histoire", comme d'autres avaient parlé de
la "Fin du Monde" et comme beaucoup parlent aujourd'hui de la
"Mondialisation", nouvel Age d'Or... Si nous avions trois sous
de jugeote nous comprendrions que les hasards de l'évolution font la part
trop belle aux cerveaux malades et aux pulsions de mort.
Dans
les mondes recuits les corps sont notre dernière chance. Ainsi
vécurent d'étranges créatures de femmes au
siècle de Napoléon III et de la reine Victoria :Isabella Bird évadée d'un presbytère écossais,
de la maladie et de l'ennui mortel pour cavaler dans les rocheuses en
compagnie de desperados... Alexine Tine richissime hollandaise, refusant les hommes providentiels, allant
en vain vers les sources du Nil, tuée par des touaregs avec ses
domestiques et femmes de chambre aux confins de la Libye... L'extraordinaire Mary Seacole, métisse de la Jamaïque, épicière
et infirmière bénévole de la guerre de Crimée,
honorée jusqu'à sa mort par toute l'armée britannique... Ida Pfeiffer, autrichienne et puritaine, exploratrice infatigable de Borneo... May Sheldon, la Reine Blanche du Kilimandjaro....
Sauvées par leur
inflexible solidité de corps du bourbier de la vie reçue.
|
POUR VOIR SI ....
huile/toile 90x30 cm.MD
Un bandeau a été coupé en trois trapèzes. A gauche une tête à l'envers et endormie. Au centre un trapèze plus dense, plus coloré et contrasté. Deux fragments de personnages s'y entassent avec des boules vertes sur fond gris. A droite , toujours sur fond gris, un esoèce de monument rouge à colonnes et marches d'escalier qui ressemble à un temple. Les couleurs sont parfois vives: les bouches, les chevelures, les vêtements, le temple, les yeux. Ailleurs sont amortis les ciels en gris plus ou moins pâles, les parties ombrées des visages, et les végétations en verts plus ou moins retenus.
L'ensemble ne raconte rien, puisque ces fragments ne renvoient qu'à un vrac de scènes perdues dans un passé indéfini. Il y a le parti-pris d'une sorte " d'Antiquité " rêvée, à peine plus localisée que l'île des morts, un peu Toscane, plus "renaissante" que tirée de l'archéologie.
Ces fragments remontés ensemble par une main peu soucieuse de vraisemblance, d'envers et d'endroit, sont une manière de puzzle où les portions de couleur sont calées dans des formes précises et arbitraires à la fois. Des végétations réduites à des boules irrégulières, des chevelures en juxtaposition de croissants, un temple ou mausolée sans ornements, le vêtement en quelques morceaux à plat... les visages simplifiés en lignes, les yeux formant ellipse, les passages du clair au sombre réduits à des clôtures... Cet agencement de réticulations découpées dans des plaques fait une sorte de mosaïque où l'activité de la peinture s'est dénuée de gestes, de modulations fines, de frémissements de matières, de tout le maniérisme habile qui fait la réputation des artistes de chevalet, cuisiniers de pâtes fines et passionnés de microcosmes. On ne verra pas ici d'explosions, de déchirures, de graffitis, de coulures, griffures, salissures et traces écrasées à la gloire d'un ego en souffrance ou d'une société en panne... Pas de "collages" finauds pour en dire long sur les mules du pape, les vulves marchandes, les tortures d'innocents, les souffrances des pauvres et la flagornerie des riches... Pas d'enthousiasme communicatif. Pas de ricanements sur les gloires défuntes. On ne virgule pas sur les peintures anciennes...
S'il est vrai que seuls les morts sont civilisés, il est patent que les vivants se fatiguent et meurent de tant de spirales autour du soleil. Tourner sur une boule n'est pas une vie. Il faut des illusions, des mensonges et de la curiosité pour voir plus loin que le bout de son nez. Quel chaman ne s'est pas empiffré de champignons pour voir les mammouths en rose, battre des ailes au-dessus des montagnes et copuler enthousiaste avec sa callipyge ? Les prophètes , grands orateurs, hallucinés de l'avenir et dresseurs de peuples ont taillé des routes pavées de promesses, montré les chemins du ciel et désigné les portes des enfers... Il y en eut un qui se fit becqueter l'oreille par un pigeon voyageur déguisé en archange Gabriel... Ces camelots ont eu l'audace de faire travailler l'imagination de ceux qui ne pensaient à rien, de lancer les frustrés dans de saintes perversions, de plier les femmes à l'ingratitude des hommes et de rassurer chacun sur les troubles de sa vision. L'humanité prolifère, plus ils sont nombreux moins les hommes portent le poids du monde sur leurs épaules. Déchargés de trop de science et d'efforts, ils se racontent les uns aux autres, élèvent les témoignages de leur splendeur. Leurs ancêtres faisaient de la place aux bêtes, aux murmures d'une infinité de fées, de nymphes et de génies ...
Ceux d'aujourd'hui tirent du pétrole ce qui suffit à leurs étonnements et à leurs surprises. Il y a tant de couleurs, de bruits, de vitesse, de dangers et de plaisirs dans les cités, de vie souterraine et de courses poursuites que sous la voûte céleste suffisent le béton, le désir et la chair pour emplir l'existence et remplir le dictionnaire... Il ne peuvent désespérer de l'horizon puisque ils campent dans l'Olympe. Il suffit à leur bonheur et leur bonheur est clos.
Encore une ou deux générations pour que les corps prennent le pli des nerfs et des drogues, que la mémoire divague dans les "clouds", que les machines insinuent les ordres et dévoilent les obligations...
Il restera sous les cendres des feux de joie, quelques morceaux d'images et découpes de mythes que des réfractaires s'amuseront à mettre ensemble
pour voir si .....
7.08.2013
SOUPE PRIMITIVE ...
Tout a commencé dans un océan primordial. Une molécule plus grosse que les autres s'est coupée en deux parties. Pour des raisons que je ne connais pas ces morceaux n'ont pas éclaté. Ils se sont divisés à leur tour et les suivants ont recommencé... C'était il y a un milliard d'années, personne n'était là pour le voir. Ces grosses molécules ont laissé des traces que nous savons lire. Pour d'autres raisons que je ne connais pas, elles se sont agglutinées. Elles ont pris des formes et des couleurs. Le hasard les faisait dériver des mers chaudes vers des eaux plus froides. Un jour elles se sont mangées entre elles, ont eu des pattes ou des nageoires. Dans un coin du Paradis terrestre ces agglomérations de carbone, d'azote et d'eau de mer se sont données des airs , se sont dressées sur deux jambes et se sont lancées à la conquête du monde. Cette bataille a commencé à coups de bâtons et en jetant des pierres.
Ces créatures schizophrènes s'étaient persuadées que des dieux les avaient chargées de dominer la terre, l'air et les eaux pour en faire une sorte de parc à vertus où la beauté et l'intelligence auraient triomphé du vice et de l'infortune.
Le bruit courut qu'un peuple élu s'était enfui d'Egypte et rendu au désert, qu'il y avait adoré un veau d'or et trouvé des lois... Les royaumes succédèrent aux royaumes mais en dépit de tous les saints et de quelques sages, rien ne prouve que les hommes sont meilleurs qu'avant le déluge... Quelques cinglés, un peu moins féroces que les autres, parlent de sauver la planète.
Se rendent-ils compte qu'elle saura se débarrasser des importuns, qu'elle a plus d'un tour dans son sac, étant capable de donner la priorité aux mouches pour le gain de la vie éternelle...
Sans compter qu'un peu partout les arbres désespèrent de pousser en quinconce et les moutons de se tenir au garde-à-vous. L'ordre cèdera-t-il la place au désordre, comme si tout était à refaire ?...
Inscription à :
Articles (Atom)