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8.15.2013

COLETTE HEDOU ...


Lisieux, 14, Juillet 2013.


A 84 ans, Colette Hedou, a fermé pour raison de santé " La joie de connaître " . Cofondatrice du Prix des Libraires en 1955, elle avait inauguré sa librairie en 1950 puis était devenue une figure des libraires de  France. Signe des temps, le magasin n'a pas trouvé de repreneur. Il est en liquidation judiciaire : Les quatre employées assurent la réexpédition des livres chez les éditeurs.
 elle a contribué à la découverte de noms très connus de la littérature, comme Patrick Modiano, Didier Decoin, Delphine de Vigan etc...
                                                              
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 souvenir personnel, 2009








8.13.2013

DIMITRI ...






Vos jambes ne sont plus ce qu'elles étaient, vos promenades sont plus courtes, votre chien est mort dans vos bras la semaine dernière. Ce soir vous avez évité le bord de mer, vous ne faites attention à rien , vous êtes seul sur le trottoir, c'est une journée de juin qui ressemble à octobre, tout vous semble banal, vous ne pensez qu'à rentrer. vous comptez machinalement vos pas, vous en êtes à 1348. Vous vous rappelez que votre grand-mère passait ses dernières années à craindre les courants d'air, à dire aux uns et aux autres de prendre un chapeau avant de sortir... vieilles rengaines d'avant les antibiotiques, quand un notaire pouvait comme tout le monde passer d'un coup de froid à une pleurésie... Et puis reviennent quelques souvenirs du Maroc, le maillot jaune de la colo, les chants obligatoires, la traversée des dunes avant la plage... Les filles des années cinquante embarquées sur le sable avec des militaires, l'ambre solaire, les shampoings Dop...







 Vous aimez les bords de mer où la solitude fait du bien. Vous n'avez plus d'âge. Vous n'avez pas besoin de raisons pour marcher, renifler les vagues qui se terminent à quelques mètres, et tout regarder comme les mouettes. Il suffit d'enlever ses chaussures et de fermer les yeux pour tenir compagnie aux premiers hommes, de patauger dans l'écume pour avoir frais comme à trois ans, de prêter l'oreille pour que le vent vous renvoie le rire de votre mère, de vous retourner pour que vous suivent les copains... que vous pensiez aux courses dans les rues sans voitures, tiré par votre chien sur vos patins à roulettes... pour que les heures passées à se raconter des films de cow-boys sur l'escalier des villas de la rue de Provence  reviennent en masse, que les bateaux que vous voyez au large viennent vous chercher. Le 1er janvier 1951, l'ancien légionnaire Dimitri Kareff jouait aux échecs avec mon père et racontait que sur le port de Casablanca un capitaine norvégien le fit monter à Noël et lui remit un uniforme, lui donna pour quelques heures le commandement du navire et qu'ils burent et mangèrent servis par l'équipage en gants blancs... Très longtemps après, j'ouvris une enveloppe qu'il avait remise à mon père contre promesse de ne pas l'ouvrir de son vivant : il n'y avait qu'un prénom et un nom sur un petit papier: "Dimitri Vassiltchikov". Il disait qu'il était parti d'Odessa sur un cargo, avait plongé dans le Bosphore et par chance atteint la rive, âgé de dix-huit ou dix-neuf ans... vers 1920. 
Jouez à cache-cache avec vos souvenirs, il y en a forcément un qui vous attend, vous épie et se prépare à bondir pour qu'à votre tour, vous comptiez jusqu'à cent et partiez à leur recherche. Rappelez-vous la danseuse blonde aux yeux d'émeraudes dans  la troupe de Tokito et de madame Zita qui donnaient représentation au théâtre du parc Lyautey et que vous avez croisée lorsque vous quittiez  le grand bassin des voiliers. 
Les premières fois durent toute la vie, profitez-en pour que dans vos rêves sur fond bleu, soyez un oiseau multicolore et volontaire

HEUREUX BOUGAINVILLE ...





  On me reproche de ne croire à rien. Je pense que c'est moins grave que de croire aux extra-terrestres, aux pieds fourchus de Satan, aux ailes des anges, au Paradis d'Allah débordant de vierges, au Dieu vengeur de Jérusalem ou à la mort du Fils pour l'expiation de mes péchés. 
Suivez mon regard, vous verrez qu'il ne porte pas sur des dogmes. J'ai vu autour de moi l'effondrement ou la lézarde des choses, des opinions, des empires. Tant mieux, j'aurai vécu longtemps. J'ai grandi avec des livres d'autres siècles ( le dix-neuvième et le vingtième...). Je suis aussi sensible à l'atmosphère des ruines qu'à celle de la rue, j'ai passé le clair de mon temps à l'étude des époques anciennes. Il me reste du passé beaucoup de traces et fort peu de conclusions. Je n'ai pas de nostalgie, sauf peut-être celle de paysages que nous ne verrons jamais, de l'air que nous ne respirerons plus et des animaux si proches de l'homme pendant tant de siècles. Heureux Bougainville et bienheureux peintres de Lascaux... C'est la Terre qui m'attriste faute d'illusions pour soigner les fous en route pour le bonheur ...  Nous avions marché sur les vieilles lunes de la Providence, cru les philosophes qui disaient que nous naissions sans taches, enseignaient que nos progrès rendraient le monde exemplaire et l'Histoire chaleureuse. 
Fallait-il que nous penchions de travers sans nous en rendre compte? Avons nous fermé les yeux sur d'insupportables évidences? La pire étant que de tous les microbes et virus mortels du monde, nous sommes les plus actifs... 
Hiroshima, Fukushima...  les pendules sont à l'heure et les illusions perdues...



NATURE ....





La Nature n'est l'amie de personne. Elle est ici et ailleurs, elle nous fabrique et nous distribue quelques pompons pour offrir des tours supplémentaires autour du Soleil. Il y a moins de pompons que de passagers dans notre manège et plus nous tournons plus s'en vont les uns et débarquent les autres. Les chanceux décrochent le pompon cent fois de suite et les champions de la poisse ont mal au coeur dès le premier tour... Vivre autour du Soleil consiste encore à tourner en rond sur la Terre. 
C'est trop de virages pour les amoureux des lignes droites, pourfendeurs de sacs de noeuds et autres fondateurs de principes immuables... De quoi rêvent-ils ces redresseurs de torts? D'harmonie universelle, d'égalité de destin, de montagnes de droits et de devoirs... De foules réjouies tournant des rateliers sans caries vers les caméras de surveillance, d'une disparition du temps qui commence et se termine, d'un présent utérin à température constante, d'une jeunesse moyenne pour tous. Mais ces  bonheurs s'écroulent chaque fois que nous prenons des raccourcis vers la félicité. Ainsi fut dézingué le "Reich de Mille ans" qui n'en vécut que douze. Ainsi creva de maladresses le paradis communiste aux statistiques formidables. Sur la guillotine la vertu courbait les têtes et la place la plus sanglante de Paris fut celle de la Concorde, sentant la charogne et le sang caillé... 
Allah, Iavhé, le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne rassurent que les candidats à l'unanimisme, rendent les femmes pénibles, nous encombrent de pénitences et d'obligations inutiles aux méninges... "Le malheur veut que quand il veut faire l'ange , il fait la bête..." disait de l'Homme l'inventeur de la machine à calcul,  parieur oublié des pédagogues bisounours. 
Décidément, la Nature n'est l'amie de personne... Qui peut se vanter d'être plus près du Soleil que de la Lune, puisque les générations d'hommes se suivent comme les générations de feuilles? (Homère).



JARDINS ...



Les jardins durent un peu plus longtemps que les jardiniers. On se promène à Versailles, les nymphéas de Monet planent encore sur les étangs de Giverny. Il n'y a pas de village sans jardin, ni de grand homme loin des squares. Qu'est-ce que cela veut dire?
A Babylone ils étaient suspendus, furent des merveilles. L'Homme naquit dans un jardin aux allures de Paradis, il s'y réveilla près de la première femme. Ils goûtèrent aux fruits amers de la connaissance puisqu'ils avaient choisi de quitter l'enfance... Ils furent chassés comme des malpropres par un Dieu névrosé. Il y eut d'autres jardins extraordinaires comme celui de la Dame à la licorne ou ceux des Très riches Heures du duc Jean de Berry... Les Humanistes déclinèrent du grec et du latin dans l'hortus quadratus des grandes cervelles de la Renaissance. Se multiplièrent les labyrinthes proches des châteaux, propices aux baisés volés. On y vécut ce que vivent les roses, on y donnait de l'épée, on y disait des vers et soulageait les ventres après de longs banquets... La Nature fut amicale, peuplée de nymphes et de cortèges aux embarquements pour Cythère, complice des divinités et des hommes. Les jardins d'aujourd'hui nous ressemblent, plus doués pour le spectacle que pour la méditation. On y convoque les signes de notre compréhension des choses, on s'y donne rendez-vous pour dire son amour de la planète et de la société... On les peuple parfois d'objets révolus comme si les mondes passés rassuraient davantage... Nos cruautés restent à la porte et n'entrent que nos meilleures parts plus un peu de drogue, de sexe et de nostalgie... Il n'est pas dit que nous sommes humbles dans les jardins, moins fous, plus charitables ou plus heureux, mais nous les aimons parce que lieux de repos, dévoués aux corps, modèles réduits d'un agencement désirable du monde...
Tel qu'il devrait-être...



8.10.2013

REPOS EN AOUT ...










Des créatures sous le soleil prennent des formes, jouent de l'ombre et de la lumière, se donnent des volumes surprenants, accumulent les courbes et leurs contrepoints, ondulent au vent, s'ouvrent sous le ciel, laissent voir et frémir le plus intime de leur chair... Leurs apparences fort singulières se doublent de parfums qui attirent l'attention. Cet exhibitionnisme a quelque chose de sacré quand il joue avec le nombre d'or, divine proportion si différente de nos symétries faciles. On dirait que ces créatures sont à l'apogée de leur existence, que le temps s'arrête et que l'espace vibre autour d'elles d'une musique qui les traverse et les copie. On sent qu'il faut s'en approcher, que nous sommes invités à une visite, que notre curiosité sera récompensée, qu'on nous réserve les meilleures places... Nos ancêtres y furent attentifs bien avant de savoir compter ou faire des phrases. Les néandertaliens aimaient les fleurs et les disposaient sur les morts. Cette complicité de la nature et des hommes est universelle depuis que nous avons le goût des métaphores. On se parfume et on s'habille... De miracle en miracle un singe devint Apollon et sa compagne se tint sur les eaux comme Vénus sur la vague de sa naissance. On essaie d'imaginer l'interminable succession des regards depuis l'Australopithèque jusqu'à  la Haute-Couture... On ne peut y voir que force mythologies, car la Nature nous est devenue lointaine. Nous sommes encombrés de vieilles lunes et voyons dans les lilas et les roses d'autres nous-mêmes, fort satisfaits de nos apparences et persuadés qu'une mère attentive veille sur nos plaisirs. Lucrèce et Virgile l'ont chantée à leur manière , Hippocrate la saluait bien bas et Rousseau qui n'y connaissait pas grand chose, versait des larmes rien que d'y penser.
La Beauté est là où se débrouille la vie avec adresse, visible dans les formes et les contours, saisissable comme une mélodie, passe les murailles et affole les jours ordinaires.
Nous sommes ainsi consolés de notre brièveté et de notre inachèvement.




8.06.2013

PLEIN AIR ...







    huile sur toile marouflée sur bois, 102x73 cm. Juillet 2013.




L'enfance est l'âge d'or de l'humanité. La faire durer n'est pas une sinécure, et la Peinture prend quelque fois l'air d'y toucher pour chausser certaines bottes de sept lieues, car on ne fait pas de l'espace sans pratiquer la ruse. C'est ainsi qu'on trouve dans des compotiers des systèmes solaires où les oranges et les pommes font plus de chemin que nos planètes, sur des tables trois asperges aussi vastes que des montagnes enneigées, dans un bocal des poissons rouges de toutes les fièvres, sur un carrelage délavé des pantins plus forts que  les chevaliers de la Table ronde...
La magie des peintures  ne fait ni sentiment ni morale, il ne s'agit pas d'images, ces cache-misères de la vision, mais d'assemblages et de saute-moutons où les couleurs sont des aires pénétrables, les lignes des occasions de faire aller les yeux, les correspondances proches et lointaines des astuces pour rapprocher ou repousser le corps à corps entre un tableau et son visiteur. Les formes se servent les unes des autres pour se faire des signes de reconnaissance ou se confondre. Leurs vies se soustraient, se conjuguent, s'empruntent, s'unissent, se battent, se poussent... Mais rien ne s'arrête sur les bords, et la poigne qui tient l'ensemble obéit à une cervelle qui a aussi la tête ailleurs, sur les chemins d'anciens pélerinages où sur  des sentiers qui ne mènent nulle part. C'est pourquoi les tableaux débordent, se prolongent, s'accrochent aux souvenirs, aux nuages, aux replis des paysages, aux désirs, aux mots... Quelques fois dans l'un ou  l'autre  recommencent indéfiniment la naissance et l'agonie du jour...


CUISINE.....

8.04.2013

DE MARBRE ...







Les enfants ne sont de marbre que dans les cimetières, sages comme des images... Ils ont les mains jointes ou les bras croisés, jettent un oeil définitif sur les pages d'un livre ou les oiseaux du ciel... Ils sont enfin comme on les désirait sur le banc de l'école ou dans la cour de récréation... Ces petits anges, droit sortis des pages dorées de la bibliothèque rose et des livres de prix sont morts trop tôt pour connaître les feux d'artifice de la civilisation... Ils ont raté la Marne, la Somme, Verdun, l'Armée rouge, les SS, Sedan, la Blietzkrieg, le pont de la rivière Kwaï, hiroshima, le Vietnam, l'Algérie... 
Curieux comme la pierre peut mentir et comme seuls les morts semblent civilisés...  Nos enfants du siècle ne sont ni chez Lewis Caroll ni chez Madame de Ségur... Il arrive que leurs jeux défraient les chroniques et occupent les ingénieurs.  L'enfance qui fut presque le quart de la vie, n'en sera bientôt que le dixième... Se perdant avec les dents de lait puis l'apprentissage forcé du business... 
C'est que le bonheur est à vendre... Pour le moment.

UN PEU DE NEIGE ...







Il suffit d'un peu de neige pour faire d'une bricole une oeuvre d'art et de presque rien le spectacle de l'année... Les neiges d'antan sont perdues comme les dames du temps jadis, y-a-t-il des écoliers qui s'en souviennent ?... Au train des collèges relookés en rose, Villon et Rutebeuf  sont allés comme feuilles mortes, ramassés à la pelle et balancés aux placards, peu utiles aux pédagogues entrepreneurs d'enfants... Car en termes de compétences les plus transversales possibles, il vaut mieux croiser des poulets aux frites que des cailles blanches aux poètes coquillards... 
Jamais détestation d'ancêtres ne fut mieux organisée qu'à l'école post-républicaine de l'égalité des chances... Savoir lire à quinze ans y est une prouesse, savoir compter sans calculette un risque de fièvre, ne rien savoir un jardin de projets... Voguent les galères des dates inutiles et des fantômes détestables... Fument les sacrifices sur les autels du politiquement correct où tout poil est une miette de connaissance et toute oreille d'âne un sosie de Newton... Les hussards de la République ne montent plus de grands chevaux et leurs poneys mendient le droit de vivre sans entraves... Tel corniaud, subtil directeur d'école, dépose de rudes exigences sur un cahier d'écolier : " son demander " (sic) en effet, les entourages des lettres verticales puis du prénom "Paco"... Pareilles secousses vous dressent de petits bonshommes et font des citoyens de choc... Tel furoncle en jupons monte sur l'estrade et calligraphie:" Rimbaud, c'est l'Echec. " nourrie d'Harlequin et vertueuse comme une pomme d'Adam en Abyssinie. Tel demeuré vous convie aux analyses transactionnelles et autres "psychanalyses de poche" pour que pigeons et petits pois sourient du bonheur d'être ensemble dans la casserole de l'Histoire... Tels flagellants enseignent  le mépris de l'esclavage et l'antiracisme à ceux qui viennent de naître... n'ayant jamais su que fouiner dans l' horreur est une jouissance, que le sadisme ordinaire et la compassion sous surveillance sont culs et chemises... Le tir aux nuisibles n'étant pas l'amour des bêtes... 





LES SAINTS ....







Dans les rues étroites des villes, quand les égouts n'existaient pas et que les épidémies frappaient, il fallait se protéger des mauvaises surprises. Les saints du Paradis faisaient l'affaire sur les façades. Taillés dans le chêne et placés par les propriétaires, ils surveillaient le train-train des affaires et le jeu des enfants. Beaucoup n'ont pas résisté aux intempéries, d'autres furent arrachés par des républicains qui rêvèrent un temps de Raison et de cornes d'abondance. La plupart furent embarqués par des antiquaires noctambules qui les ont revendus à des minorités sexuelles, à des cinéastes ou des commissaires aux comptes... certains passèrent l'atlantique pour grimper des étages et jeter un coup d'oeil sur Central-Park... Ainsi finirent des neiges d'antan... à Neuilly ou très loin à l'ouest.





 Dans les églises, antichambres du Paradis, les pauvres bougres, écrasés du fardeau de leurs péchés, les yeux illuminés par les cierges, pouvaient aussi relever la tête, s'adresser au ciel, admis dans la maison de dieu. Pour qu'ils ne soient pas déçus, les meilleurs architectes et les plus grands artistes mêlaient aux vapeurs d'encens et de cire les formes les plus achevées du savoir-faire. Des portiques de marbre plus ornés que des palais antiques, creusés de niches et d'encorbellements , furent lieux d'apparition des saints et des anges, surpris en pleine effervescence. Ces tourments de pierre sous les voûtes miraculeuses des grands édifices prouvaient aux âmes que les prières et la grâce vont main dans la main, qu'il n'y a pas loin du plancher des vaches aux extases du ciel... Que les cailloux des lapidations sont du même grain que les cuisses de séraphins. Les riches, qui ont toujours tant à se faire pardonner, pouvaient jeter un oeil complice sur les meubles à tiroirs et les autels qu'ils offraient aux chanoines... se faire bénir par des mains ornées d'améthyste, chanter avec les orgues, se mêler à la populace dont les chicots et les fringues passaient inaperçues sous le prisme des vitraux...



 Cette époque est révolue... Le Paradis n'est plus au Ciel... Il est sur le trottoir. Il prend des allures de Caisse d'épargne pour les plus sages et les gagne-petits. Les autres s'y promènent de jour et de nuit. Les anges ont abandonné leurs ailes ridicules, ils essayent d'avoir un sexe. Ils se plaisent dans la chaude ambiance des vitrines, débarrassée des sueurs, des guerres, des angoisses et des épidémies... Les passants peuvent s'arrêter où brillent les lumières, contempler des corps rescuscités, sans graisses ni courbes gênantes ni rides dégoûtantes, caresser des yeux les objets de convoitise, voir comment sont tenues des promesses infiniment recommencées... Il ne leur reste qu'à pousser les portes avec leurs cartes de crédit, ce qu'autrefois dans les églises on appelait des indulgences.





8.02.2013

ORDRE ET DESORDRE ....


http://www.conseillemoi.com/proposer_site.php









L'angle droit est une invention de l'Homme. Ce goût pour la ligne droite, imprudemment définie comme le plus court chemin d'un point à un autre, en dit long sur ce que nous sommes. Le Monde, c'est à dire ce qui se trouve en deçà de notre horizon est peu à peu devenu intelligible par le biais séduisant des mathématiques. Il s'est même élargi jusqu'aux frontières de l'univers astronomique et on en connaît l'histoire depuis quinze milliards d'années. Bien que ses deux ou trois premières secondes d'existence restent absolument mystérieuses, personne ne doute qu'un jour ou l'autre on réduira cette ignorance de quelques pour cent . Nous sommes fiers de ne plus grimper aux arbres et de promener nos belles filles sur les autoroutes.
Dans l'océan des chiffres et des formules, il faut vivre... Les Grecs, pas idiots pour deux sous, avaient compris que la Muse des mathématiques ne rassasie pas les poètes, ne donne guère de forces aux guerriers, ne rend pas les femmes plus faciles ni les hommes plus gracieux, ne délivre pas des amours malheureux ni des infirmités mentales. Ils acceptaient volontiers l'idée que le plus court chemin d'un point à un autre passe par l'Olympe et le détour compliqué des volontés divines. L'histoire d'Ulysse rendait le monde aussi intelligible que les théorèmes de Pythagore. A Rome on était d'accord et pour que cela soit clair, les cités antiques furent bourrées de statues bonnes et mauvaises qui donnaient du corps à ce que savaient les sages : on ne va jamais d'un point à un autre, on ne sait ni d'où on vient ni où on va, on est là.
 
L'effondrement de l'Empire, a laissé des ruines impressionnantes, comme la tête colossale de Constantin ou les arcs de triomphe etc... Sur ces ruines innombrables , après quelques siècles de k.o. technique, on construisit des églises romanes puis gothiques qui à leur manière firent une fois encore la démonstration que de la Terre aux Cieux le plus court chemin passe par les méandres du savoir vivre. Une simple croix servait de poteau indicateur entre les ténèbres les plus noires et la plus absolue clarté. Cette manière de se déplacer dans le monde finit par se compliquer, chacun voulait y ajouter son expérience et à force de multiplier les intermédiaires et les professions, les choses redevinrent obscures. Des hellénistes et des savants retournèrent aux mathématiques pour y voir clair. Et la Terre fut ronde une fois pour toutes...
 
Les progrès de la Raison, des techniques et des sciences se sont accélérés dans des proportions inouïes, c'est pourquoi on ne sait plus ce qu'il faut le plus admirer autour de nous. Par exemple, la solidité de ce camion et de cette grue n'ont d'égales que la fine géométrie des immeubles parisiens. Dans cet ordre matériel et mécanique des choses qui prouve l'efficacité de nos calculs, trois créatures de bronze lèvent les bras au ciel. Il ne serait pas étonnant qu'elles jouent au ballon, mais aussi qu'elles tendent leurs mains sans nerfs à la recherche d'un peu d'esprit et d'un brin de lucidité.Cette image prouve que nous savons faire des camions, des grues, et du béton...Que pour le reste, nous nous sommes perdus entre le blanc du papier et le noir des textes imprimés. A force de mettre de l'ordre et de tracer des lignes droites sur toute la terre, nous avons oublié que la vie n'est heureuse que dans le désordre

8.01.2013

EN RUINES ....


 
Voici des restes d'un monde fichu pour cause de défaillances économiques, de bagarres monothéistes et de tremblements de terre. Nous, nos images ne seront pas de marbre au jour lointain de nos remontées à l'air libre : nos bouts de plastique, nos vieux papiers, nos vanités exponentielles et vulgaires, nos médicaments sauvés des eaux, nos langueurs sur écran et nos traces numériques, nos vantardises, nos ciels bleu des mers du sud et nos cocotiers pour normalisés, nous rendront à jamais ridicules et inquiétants.
Nos classes moyennes, autant dire nos liquides-vaisselle , s'étant gavées d'épidermes de luxe et de retours d'âge, viennent se taper les cloches où des peuples anciens sont payés au lance-pierre... Fricoteuses de boutiques, posant de vieilles pattes sur de tristes occases venues de Chine, sables mouvants de l'esprit,  caricatures de corps, ces armées chenues de la consommation s'en remettent des couches-culottes culturelles et gastronomiques, indifférentes aux Parques, les doigts accrocheurs sur des buffets de cinq étoiles comme les mains d'aveugles sur les épaules des aveugles de Brueghel ... Se remplir les boyaux de sursauts, rêver de prolongations sous les chasses d'eau... Gagner le pompon d'un tour supplémentaire ...
La descendance des vaincus et des vainqueurs de 1940 ne vaut guère mieux que les romains d'Odoacre , après qu'il eût plié les insignes de l'Empire et fait porter la caisse à Byzance...




COMPLETE ....