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9.27.2013

DIEUX IMMORTELS ....








Le bleu couvre les dieux immortels sur les hiéroglyphes du "Livre des morts". Les Pharaons devenaient d'or et de lapis-lazuli, car la chair des dieux était d'or et leur épiderme d'azur. Les chasses, les banquets, les actes d'amour, les danses, les parfums, les fleurs, les vols d'oiseaux , les chants et tous les délices de la terre suivaient leurs majestés dans la tombe pour d'infinies et délicieuses occupations. L'ordre du monde était circulaire comme le Disque sacré du Soleil et les divinités souriaient aux hommes quand le fleuve débordait de ses rives... Ces dieux-là n'étaient ni vengeurs ni jaloux, prenaient plaisir à se couler dans la pierre, le métal, le cristal de roche... Ils étaient éternels dans un monde inusable, nés d'une masturbation ou d'un crachat. Les hommes les ont aimés plus de 5000 ans. On leur porterait encore des corbeilles de fruits et des agneaux de lait , si des vagabonds et des pillards sortis du désert, n'avaient hurlé des paroles de feu, volées à Méduse, où il était question d'un "Tout Puissant" solitaire, grincheux, créateur par désoeuvrement, pourfendeur de la désobéissance, jaloux des amis, bricoleur de prophètes tourmentés de la cafetière.. et dérangés par leurs érections matinales. Ce générateur du monde n'aurait travaillé que six jours pendant sa vie éternelle... Voilà qui expliquerait le désordre et la douleur des hommes, les ambitions des grenouilles qui veulent être plus grosses que des boeufs et la multiplication des petits malins qui rêvent de paradis sur terre... Plus il y a d'hommes, plus il y a de rats, de démons et de désirs ... La chair n'est pas plus faible que l'esprit, au contraire, elle pousse, grouille, consomme et défèque à grande échelle alors que les merveilles du monde se comptent sur les doigts : il reste quelques pyramides, visibles de la Lune au téléobjectif, témoignant d'une curieuse époque où il suffisait d'un désert et d'un fleuve pour que des dieux d'or et d'azur fassent venir la lumière, l'eau et l'abondance, partagent la nourriture des hommes et aiment les femmes.
"Vous, les grecs, vous n'êtes que des enfants..." Ce fut dit à Hérodote par un prêtre de Memphis. Les Sioux ne pensaient guère autre chose de la cavalerie des Etats-Unis... et de même pensent les caddies de ceux qui les poussent et les remplissent... Combien de cartes encore, dans le jeu des flambeurs?

INSUBMERSIBLE ...







A la table des invités un célèbre chanteur s'amusait à propos du sexe des anges... Le capitaine Smith avait souhaité le bonsoir. La nuit était magnifique, le bateau taillait une mer d'huile ... Deux amoureuses se livraient à fond dans une cabine d'acajou . Un pasteur rougit près d'un jeune homme. Mademoiselle O'Flaneygan souriait les yeux trop ouverts, Lord Badluck caressait la jambe de Miss Penny et il y avait dans l'air comme un parfum de carnaval, les yeux brillaient, on serait le surlendemain aux portes du Nouveau Monde...
Vladimir Roubinov tapotait de l'index un cigare. La commissure de ses lèvres faisait de brèves apparitions à l'extérieur de ses moustaches. Il gardait les yeux mi-clos sur les courbes d'une merveille de seize ans dénichée en Pologne. Tout sur ce navire était de bonne humeur, les recoins débordaient de communications furtives, de froissements d'étoffes... C'était la première fois qu'une machine de trois cent mètres rapprochait à toute vitesse des centaines de riches et de pauvres de leurs rêves... Les passagers de première avaient payé 39000 € pour l'aller simple. Ceux de seconde environ 18000... Le paquebot filait à un kilomètre  par minute, dévorant 900 tonnes de charbon tous les jours dans ses 29 chaudières... 46000 chevaux faisaient tourner les hélices et les générateurs alimentaient l'éclairage de10000 ampoules. A vingt trois heures 40 on entendit trois coups de cloche sur la passerelle. A 2h18 le bateau se cassa en deux et à 2h20 il disparut. 1359 personnes avaient péri au matin du 15 avril 1912. On n'a jamais su vraiment ce qu'il advint du capitaine Smith : il se serait enfermé dans sa passerelle , on l'aurait vu plonger au secours d'un bébé dans les eaux glacées, il se serait tiré une balle dans la tête...

QUE DISENT LES NUAGES ? ...




 
Que disent les nuages? Qu'ils reviendront, que le temps change, que nous n'aurons jamais le même ciel sur la tête, que semblables ils étaient au-dessus des gibets et des chats bottés, qu'ils seront là quoi que nous fassions les jours de noces ou de funérailles...Ils abritaient les anges des catéchismes ... Bergers et bergères y voyaient des troupeaux, des visages, des palais étranges, des chevaux pommelés, des chevaliers, le panache blanc du Roi de Navarre... En Picardie, pays de roses, ils furent mêlés aux avions , aux gaz et aux cris des civilisés...Ils passèrent sur les ghettos, les coupoles, les jardins carrés... Indifférents aux amours et aux labeurs ils se cognent aux montagnes et pleurent... Charriés, gonflés, filés par tous les vents, on dit qu'ils annoncent les douleurs , qu'ils rident les visages, passent comme les illusions et reviennent comme les regrets... Les malheureux rêvent de printemps interminables, de fugues amoureuses ou plus modestement de bonnes soupes et d'Azur ... A Montfaucon sur les pendus déssèchés et brûlés passaient les nuages et leurs ombres allaient plus loin sur les fenêtres et les coiffes des dames du temps jadis...Ils couvrent nos désirs et nos tombes, vont ensemble comme les hommes , tombent quand ils sont lourds et volent quand ils sont légers...


9.26.2013

FOCALES ....






37 + 18,5 = 55,5 mm de focale équivalent 24x36 , pour ce MIR-1B monté sur un Pentax numérique, fermeture à 8, la profondeur de champ calée à 5,6, soit de 2 mètres cinquante à l'infini. Le paysage passe dans un système physique où des inconnus mêlent des courbes à des équations. La lumière étant ce qu'ils croient, l'oeil étant ce qu'on peut en savoir, le nerf optique et le cerveau des uns ressemblant peu ou prou à celui des autres, les ingénieurs se mettent d'accord sur ce qu'on doit considérer comme net et contrasté pour un certain prix de revient ... Les clients fortunés, daltoniens ou affligés de strabisme, font monter les enchères et des physiciens de haute volée leur concoctent des optiques somptueuses, mécaniquement irréprochables et dont le rendu pète le feu... Bien qu'ils ne soient pas philosophes, les industriels font de la prose sans le savoir et chacun sait que les optiques des uns ne révèlent pas le monde comme celles des autres... Les écoles françaises et allemandes ont eu leurs générations de sorciers, puis les japonais firent presque aussi bien pour trois fois moins cher... Mais le record de l'intelligence consistait en optique à faire ce que font les meilleurs pour d'autres clients que les maharadjahs, les rois du pétrole ou les souverains en exil... Ainsi naquirent en Russie et Allemagne de l'est des cailloux robustes comme des kalachnikov, précis, liants et fermes dans les couleurs, les contrastes et les détails... qui varient entre 20 et 150 € sur le marché du web, aussi efficaces que les colliers de perles qui garnissent le cou des photographes mondains....Ces "Industar", "Pentacon", "Mir", "Hélios" et autres babioles ont en plus le mérite d'exceller sur les capteurs numériques, car ils sont peu garnis de couches anti-ceci ou cela... Ils se contentent de parasoleils ou de photographes peu obsédés par les contre-jours...
Où l'on voit que le paysage fait rarement la photo et que l'optique fait le paysage, combinée aux névroses, obsessions, délires ou curiosités du photographe. Pour ce motif un certain rythme, une certaine organisation des masses, quelques manies et quelques attentions nous rapprochent de nous mêmes et de nos savoirs avec la complicité de que les ignorants appellent "la Nature"...


DU PAYSAGE ....








Les roseaux pensants vont dans la même direction...

Au bord du trou s'interposent les monuments, panthéons, livres révélés, oeuvres d'art, jardins, labyrinthes, bistros, bordels, ipads, vitrines... sont distribués les guides... Les touristes, les bons fils, les oies blanches, les grenouilles grosses comme des boeufs, l'armée des natifs de bonne volonté viennent voir ce qui se passe. Les prophètes et les vendeurs distribuent des lointains à ces voyageurs. Ils voient sur des prospectus qu'au-dessus de leurs têtes passent les signes du zodiaque. Un peu plus haut les anges et les saints chargent leurs semaines de musiques et d'actions de grâce, plus haut s'ouvrent les paradis où banquets, coïts interminables, petits garçons et vierges en pagnes légers offrent les plus étonnants transports aux âmes des justes ... Plus haut.... Plus haut.... les mots et les images ne servent à rien. En bas, sous les semelles de pélerins, grouillent les démons fort semblables aux pirates sarrasins, bouilleurs d'huiles effrayantes, cuiseurs de chairs, piqueurs de reins, suceurs de sang, arracheurs de morceaux, mâcheurs de cervelles... Telles sont les bornes des croyances, les maisons du Bien et du Mal... Telles sont les écuries des créatures du Tout Puissant, abreuvées de phrases, égorgées halal ou munies des sacrements... Leur vie ne mâche pas les mots des textes sacrés, ils avalent les postillons des prêcheurs et les éclairs des sabres de la "Vérité", les mains jointes sur un prie-dieu, le cul en l'air au-dessus d'un tapis ou la tête remuante contre un mur de lamentations...

L'Orient interdit les images. Ses paradis et ses enfers restent dans les crânes, sautent par coeur de génération en génération comme les puces de chat en chat. Il suffit d'un mot de travers pour les remuer, secouer des craintes comme la neige des boules de verre, de quelques phrases pour déchaîner des anges et des diables, faire d'un privé de dessert un porteur de nitroglycérine ou de cyanure, un éboueur de péchés, l'index d'un céleste vengeur ou l'épée d'un prophète en colère... A force de tempêtes , de soufre, de bruits, d'eaux lustrales, de prières, les fusées de la Foi remplissent les têtes soumises et poussent dans les reins sur les pentes des vallées de larmes...

 


L'Occident à la grecque, porté sur les athlètes, les gladiateurs et les philosophes, rassemble des foules autour des moissons et des vendanges, cadastre sa nature, échelonne ses ambitions, glisse en toutes formes une géométrie, une pesanteur... Ses barbares laissaient vivre leurs femmes, les menaient armées à la guerre... Rome avait son mur d'Hadrien, ses forts du Rhin et du Danube...Il fallait aux légions des itinéraires, des provisions, des prostituées et des marchands syriens... Ceux d'en face bavaient sur les aqueducs et les fontaines des villes, les terres à blé des frontières, le quadrillage des voies, les bornes miliaires, les casernes chauffées l'hiver... A l'Ouest les crânes s'ouvrent sur des extérieurs déversés dans les mosaïques, les fresques, les bassins à portiques où se mirent les Narcisses et les Antinoüs et où se penchent les sourires, les bouches ornées, les courbures... Dans les forêts, des satyres montés comme des ânes suivent des cortèges d'ivrognes à demi dieux...

Giorgione s'intéressait aux nuages , aux cuisses, aux porteurs de hallebardes et fermait son horizon de nuages bas et d'éclairs... Car entre le ciel et l'enfer se déclinent les aventures de l'homme. Chacun sait que l'au-delà est fort court après la dernière aspiration d'un certain mélange d'oxygène et d'azote, et que les plus profondes respirations servent aux conséquents à voir le bout du monde , juste derrière la ligne d'horizon.... Tout paysage est un arc du cercle planétaire, une frontière de soi-même et une proposition d'aller voir ailleurs ce que font les grand-mères... On ne s'y déplace pas qu'avec les pieds, on y prend la mesure des temps et des températures de la vie, on y sonde les puits de la naissance et de la mort, on y regarde passer les saisons qui jamais ne nous appartiennent, on y épouse les joyeusetés de la lumière...
La Nature est une vieille idée de philosophes, elle n'a jamais existé que dans leurs têtes...Et sur le tard dans leurs culottes... Ils disent qu'elle est bonne fille et mère généreuse...Ils disent que le bleu de l'air, le vert des forêts le blanc des nuages et l'or des blés sont les cadeaux de la Providence et que des signes savants y bornent les chemins du Bonheur...Mais serait-elle si différente s'il n'y avait d'yeux que ceux des loups et des agneaux pour contempler les rosées du matin? Quels esprits se sont attribués de l'âme ? Avaient-ils peur des ombres et des vents au point que leurs barbes dans les flaques eurent un air d'immortalité? Nos traces dans la poussière, les brumes de nos paroles au lever du jour, nos excréments plus fréquents que nos amours et nos amitiés, nos cueillettes de champignons et nos rires mériteraient-ils un sort plus enviable que les cabrioles de libellules ?... Il suffit de vingt ans pour faire d'un palais un pigeonnier en ruines, d'une route un petit bois, d'une ville un repaire de cafards et d'une prairie la roncière où jouent des hérissons... Quand sera tournée la page de l'Homo sapiens, les océans se rempliront de chair fraîche, les chiens redeviendront des loups, les sangliers feront du lard sur les gravats des banques, des minarets et des clochers...


 

9.25.2013

SUR L'INDIGNATION ......







Un vieux monsieur bien élevé s'indigne de la marche du monde et de la mauvaise foi des puissants... Des milliers de jeunes gens s'indignent du mauvais sort ... Ont-ils raison ? Le monde serait-il mal fait, serait-il ingrat? 
Si nous y sommes  c'est parce que nous naissons d' improvisations contre des périls mortels comme les glaces, les volcans, les épidémies, les carnivores, les guerres... Nous devons autant à la fuite qu'au combat. Les méchants et les bons à rien sont dans le même bateau que les doux, les géniaux et les inventeurs... Ni les apôtres, ni les prophètes ni les saints ne rendent la destinée plus facile. Rien ne prouve que de bonnes moeurs et des lois parfaites rendraient les cités respirables, que les foules vertueuses parfumeraient l'air des rues et des jardins, feraient sourire le jour qui se lève. Nos ancêtres furent aussi riches de splendeurs que de crimes. Si la Terre devenait insupportable à des milliards d'aspirants centenaires, ce ne serait qu'une affaire  d'eau, de carbone, de technologie vaniteuse, de vaccins trop efficaces, d'agronomie violente, de flots de pétrole, de confort excessif et d'excès de pommades ... Tout ce qui fut mieux serait  pire... Qui aura de la chance ? ... Nos vers sont dans nos pommes d'amour, nous ne crèverons que de nos mains, n'ayons pas peur des comètes...  Trois vertus et quatre principes suffiront-ils pour que nous baissions les yeux devant le Soleil ?  Nous multiplions nos limites... Quelle vigilance des corps, quels instincts  l'emporteront sur les folies douces et les ambitions furieuses?... Il n'y a rien dans l'espèce qui la  prouve plus honnête, durable et innocente que les mousseron des prés ou les tortues terrestres . Elle est absolument seule à s'éprendre d'amour éternel... Fille de Dieu le dimanche... Empoisonneuse, vandale ... le reste de la semaine.


QUELQU'UN PRENDRA CECI OU CELA ....







Le temps n'est à personne, il passe comme passent les étoiles, les chagrins et les fleurs. On y échappe par la ruse en mettant du passé et de l'avenir dans les images, en laissant des mots aux bons soins des vents... Le temps est myope : s'il nous rattrape, il est facile de cacher nos bagages dans un coin, des inconnus les porteront . Quelqu'un prendra ceci ou cela puis s'en ira. Les dessins et les verbes font des sauts de puces d'une vie à l'autre, s'éloignent des lits de mort, résistent, logent au hasard des rencontres... Les horaires détestables, les occupations contraintes, les dates pénibles et les mensualités tueuses ne résistent pas aux voyages de l'âme... Il n'y a pas plus indifférent que le Soleil et la Lune, plus sourd que la Voie Lactée, plus immobile que ton cadavre, ni plus drôle que les jeux de voyelles autour des consonnes, plus excitant que les ombres autour des lumières...



9.16.2013

VIE NORMALE ...








Il a fait quelques études, on lui a parlé d'Adam Smith et de la concurrence. En Histoire il donna de bons exposés sur les droits de l'Homme et la violence à l'école. Quand Madame Jobard en parlait, elle disait que Sébastien avait une élégance naturelle, une absence d'agressivité, un art bien à lui d'exprimer les choses ... " On sent qu'il n'est pas prisonnier de ses fantasmes !... Ses copies ne sont pas longues mais il y a toujours une petite phrase bien tournée qui laisse voir le côté charmant de la vie..." Au Bac de Français il fit un carton à l'écrit en expliquant que Baudelaire l'empêchait de dormir et que Rimbaud lui faisait peur. Sa phrase la plus remarquable, soulignée deux fois par le correcteur et annotée d'un SANS-DOUTE, fut:" Que faisait Baudelaire de toutes les photographies qu'il gardait sur lui ? Je pense personnellement qu'il avait des manies de collectionneur, une insatisfaction de naissance comme la plupart des poètes, alors que les gens normaux se contentent d'une vie normale. "

Comme il réussissait bien en comptabilité, que le monde des entreprises mélange l'aventure et la respectabilité, il se dit qu'un beau jour il serait son propre patron. En cherchant un site de chalets en bois, il tomba sur un forum de commerce électronique et parmi les interventions il remarqua celle d'une certaine Daisy qui ne mâchait pas ses mots à propos des banques françaises :" ... Toujours en avance d'un retard...". Il dit qu'il était d'accord et aussi qu'un directeur du Crédit Agricole lui avait confié que les Français ne veulent pas des cartes de crédit, qu'ils préfèrent les chèques ou la fraîche et que si on supprimait les chèques ils mettraient leur argent dans des bas de laine et que les banques passeraient à côté... Daisy savait reconnaître les types sérieux, surtout dans les forums où tant de crétins hurlent avec les loups... Elle attendit une petite semaine et lui posa un mail bien frappé dans le genre :" ça fait du bien dans ce forum d'avoir un peu d'air... je monte une boîte de bijoux, j'achète à Singapour et je revends aux américains... Ils n'y verront que du feu... J'en ai repéré un qui cherche à vendre un émail ... HI...HI...HI... ça représente un alsacien et une alsacienne en costume folkhlorique et il croit que ce sont des tunisiens parce son père a trouvé l'objet dans un souk ... Wouah!!!!! " A vrai dire elle avait cru elle-même que c'étaient des amiches mais sa grand-mère, échappée d'Oradour, savait distinguer les alsaciens des amiches, elle lui expliqua où se trouvait l'Alsace... Daisy, de son nom Jennifer Toutaine, avait un BTS et cherchait à gagner des sous entre Lisieux et Mantes-la-Jolie. 

Sébastien vivait sans copine depuis un trimestre. Il n'avait personne à qui téléphoner, ses copains passaient les week-ends chez les parents de leur nana ... Les dieux du web sont parfois sympathiques, il se dit que cette Daisy avait de l'idée. Il remit quelques mails sur le tapis, surveilla les temps de réponse, et finit par craquer en lâchant son postal et le détail de ses projets. Jennifer découvrit sur le calendrier des Postes qu'ils habitaient du même côté de la Seine. En Normandie c'est une chose qui compte, on est sûr de mieux se comprendre... 

Il y avait une foire-à-tout près de La Barre avec un concert des British Coffee, elle proposa de s'y retrouver. Ils s'étaient donné rendez-vous à son stand, elle y vendait ses Barbies, une caisse de cadeaux des Trois-Suisses, un fer à repasser des années cinquante, trois rabots et deux laisses de chien. Ils prirent des merguez et des frites avant de se poser près de l'orchestre. Toutes les Barbies furent vendues, un professeur acheta les laisses de chien et le fer à repasser. Jennifer s'en tirait avec soixante trois euros de bénéfice, et comme ils avaient passé un bon moment, ils se donnèrent rendez-vous pour la fête de Saint-Germain-la Campagne...

 

9.15.2013

BRAQUE .....






Détail du "Grand Guéridon" 1929.

A vrai dire la "sensualité discrète" évoquée dans le titre de l'article de "Libération" autorise tout ignare à dire trois mots sur la rétrospective du Grand Palais,  entre la poire et le fromage ou à mi-parcours, ce qui est plus vraisemblable,  de sa pizza. L'objet du Cubisme ne fut pas la sensualité, ni à l'eau de rose ni au lance-flammes... Le projet d'une représentation de l'objet, du paysage ou de la personne par  accumulation, retournements et compression des points de vue semble obéir à d'autres désirs que des recherches entre l'inavoué du dessous de nombril et l'explicite de la construction par géométrie, collage, surimpression ... 

Certes , Picasso et Braque ont pendant quelques temps fonctionné comme un couple dans lequel l'espagnol  prétendit jouer le rôle du mari, et nombreuses sont les oeuvres qu'il est difficile d'attribuer à l'un où à l'autre... La peinture s'est donnée une occasion d'échapper via le cubisme au maniérisme sentimental qui est le signe de ses essoufflements .... et que les grands impressionnistes, puis Cézanne avaient su ridiculiser après d'autres... Au lendemain de 14-18, Les expressionnistes de petite ou grande volée, allemands surtout et viennois remirent sur le marché une couche de misérabilisme, de souffrance au premier degré, de haine sociale et de tortures de l'ego avec le succès que l'on connaît  car dans le fil des défaites de l'esprit , du déclin de l'Europe et des poussées totalitaires.....

Quel public aujourd'hui pour ce cubisme oublié ou incompris, quel public pour un peintre dont le côté artisanal, consciencieux et lent fut aux antipodes de la frénésie contemporaine de rigueur, si proche d'autres frénésies sexuelles, financières, religieuses ?... Je me le demande d'autant plus que l'oeuvre ne s'est pas développée ni renouvelée au rythme d'une corrida espagnole ou d'une personnalité explosive... Braque n'aurait jamais dit :"Si je n'avais pas été peintre, j'aurais été un assassin" (Picasso), n'étant rescapé de la première guerre que brisé comme ceux d'une génération qui perdit ses amis et ses frères à l'âge de 20 ans.... (on mesurera ici la flagornerie de la fausse génération perdue et plaintive de nos trentenaires et plus...)

Enfin  Nous n'avons plus de Malraux pour faire entrer au Panthéon tout ce qui le mérite... L'Histoire de l'Art ne consiste plus à construire de fabuleux musées imaginaires...  Nous sommes dans le collectivisme "bienfaisant", la transdisciplinarité, le discours pédagogique prévalant sur l'expérience cruciale de vie et de mort.  Les corridors de notre quotidien sont désodorisés, nos écarts de langage sanctionnés, nos vices normalisés, nos joies ramenées aux petits bonheurs, nos haines tenues secrètes sous peine de disparition sociale.... Il faudrait quelques loups, quelques sorciers, quelques professeurs experts de vie et de mort pour remettre de la Peinture là où nos semblables louchent.

Mais de Jérôme Bosch  à ses très lointains successeurs il y a tout l'écart d'une révolution bourgeoise qui fricotait avec le dessous du dessous dès avant 14 et celui d'une religion du social dont les anges et les démons fréquentent les mêmes boulevards sur des trottoirs différents, l'artère principale charriant ses breloques, machines, ravis, estropiés et images de bienheureux vers la place du Grand Marché,  le temple de l'Inconscient ou la société sans classes.... Je ne crois pas que la Peinture gagne aux arrières pensées, aux remords, aux tristesses, aux accusations et aux vengeances plus explicites que des cauchemars hors du temps et des terreurs universelles.
La dernière leçon de Goya fut la "Laitière" de Bordeaux, Hogarth fit une "Marchande de crevettes", Le Nain des paysans au repos, Monet des nymphéas, Manet des asperges, Picasso finit en vieux mousquetaire... Rebeyrolle avait aussi envie de rire de ses ahurissements... et Marcel Duchamp qui n'en finit jamais de descendre l'escalier et de faire sa valise ....  Nos misères et nos déchéances ont besoin de grand style, d'épopée, de forces implacables du genre que l'on atteint  lorsque pour reprendre le mot de Cézanne , on repeint indéfiniment son tuyau de poêle... et que d'immenses oiseaux blancs survolent l'océan des travaux et des jours ....

9.11.2013

HEDONISMES ...







L'Hédonisme est à la mode, vanté aux lisières du Parti des Travailleurs, aux antipodes du stakhanovisme repris par les acharnés du F.M.I.. Il promet beaucoup à peu de frais. 
" Jouis et fais jouir, sans faire de mal ni à toi, ni à personne, voilà je crois, toute la morale " ( Chamfort)...
Ce programme rescapé de Platon et d'Epicure, consiste à rechercher les plaisirs, tous les plaisirs indolores, ce qui n'est pas la même chose que tous les plaisirs honnêtes. Il s'agit d'éponger la sueur de son front, d'enfanter sur des lits de fleurs en se privant de toutes les poisses des enfants de Caïn... Les désirs y furètent ailleurs que dans les vallées de larmes et les précipices de la transgression. 
Jouir n'est pas encore une science mais c'est une industrie florissante en cours de globalisation, que les neuro-chimistes, les colorants et les musiciens métissent entre les hémisphères. Fuir sa peine n'est pas simple, il faut se passer d'enfants à torcher, de vieillards à laver et de conjoints à supporter... Car l'indulgence et la compassion, ces vieux ciments de la fraternité ou de l'amour, gâtent le plaisir où il se trouve, précèdent l'ennui, endorment les épidermes... Mieux vaut soigner ses caresses, se trouver bien dans sa peau, désodoriser son corps, se vêtir de textiles sympathiques, se chausser de bonnes marques, veiller à la remontée de ses fesses, à la saillie du muscle abdominal, aux courbes de ses glandes mammaires, aux millimètres de sa barbe, à la bonne suspension de ses couilles, à la disparition de ses poils superflus, aux rondeurs de ses lèvres, aux plis artistiques de sa vulve, aux nouilles bordières de son trou de balle... 
Lorsqu'il est bien en place, qu'il dispose d'assez d'engrais et de protections sociales, l'amateur de prunes peut s'adonner à l'amour raisonné du prochain, s'inscrire sur les files d'attente du Bonheur. Chaque jour est une occasion de mettre le doigt sur ce que les autres montrent du doigt, de composer un psaume sur les boîtes de soupe, de crier quand une mouche se pose sur une motte de beurre ... L'hédoniste-nouveau, souvent sur la montagne à l'ombre du vieux chêne, au coucher du soleil promène au hasard son regard sur des plaines dont le tableau changeant se déroule à ses pied... 
Ouaf ouaf... Je m'étonne parfois d'être né sur un quart de la Terre et de finir mes jours dans une mare aux canards ... Où des têtards causent d'amour universel, où des petits poissons jurent d'être fidèles aux petits oiseaux, où des moustiques rêvent d'un monde meilleur que le plaisir démange.
Durent sucer force noyaux d'olives les sénateurs de Rome au sixième siècle... Se querellant pour des cerises, s'embrassant pour des gaufres, s'enculant pour des riens et lorgnant le Forum de César truffé de moines pouilleux , le Colisée confié aux corneilles, les livres dans les sacs et les thermes de Constantin sans chauffage... Il était devenu plus difficile à un riche d'entrer dans le royaume des cieux qu'à un chameau de passer par le trou d'une aiguille...
 

CHEFS-D'OEUVRES ...








Le marché a de bons serviteurs. Ils tuent les cauchemars, les remplacent par une saine intelligence du Bien, stimulent les co-locataires du Progrès par des affirmations heureuses, un enthousiasme sans relâche, une profusion de témoignages sur les lieux et les choses de la réalité... Il faut que chacun voie son extase.

Les peintres de jadis se contentaient des apparences du monde pour en costumer les puissants, étant entendu que ceux-là tremblaient comme les autres de la fragilité des chairs ... Furent ainsi posés dans les tableaux des velours, des ors, des cuirasses, perles, soies et ornements qui désignaient les enfants chéris de la Providence . Il n'y avait en somme de visibles que des illusions et des chimères, des battements d'ailes dans une vallée de larmes . Toute beauté avait à se faire pardonner, tout orgueil à se faire oublier... Une espèce de gratitude générale était le propre de l'art, car le monde n'était pas celui des hommes mais celui du Créateur... Lui rendre hommage était suffisant. Parfois un regard de peintre croisait un homme ou une femme comme jadis croisait Diogène dans les rues d'Athènes.
Un jour d'après la Peste Noire, quand il fut compris que les rats distribuent la mort sans jugements, les hommes furent plus attentifs aux miroirs. Ils s'outillèrent de compas et de nombres, comptèrent leurs pas dans les antichambres et sur les voies du commerce... Avec moins de prières et plus de raisons, des cartes précises, des observations plus nombreuses, des livres plus savants et peu à peu des cervelles plus philosophes, ils s'occupèrent des chairs plutôt que du Destin. Enfin seuls avec le  monde, ils apprirent à en faire le tour, à le quadriller sur les globes, à creuser les montagnes.. Ils  chargèrent de pauvres diables sur des navires pour les vendre contre du sucre, du tabac et de l'or. La balance des changeurs prit la place de celle du Jugement dernier. Plus il y eut d'écus plus il y eut d'artistes et plus il y eut de modèles... La commodité des échanges couronne les individus. Elle anoblit leurs digestions et leurs pets, multiplie désirs et richesses pour que chacun voie l'horizon au bout de son nez, se pousse sur sa pente, progresse vers sa royauté en tremblant du menton... Le monde se peuple d'occasions, de bonnes fortunes et d'histoires folles. La société vire au chef-d'oeuvre, s'explique jour et nuit à elle-même, se retourne pour examiner ses excréments, analyser ses urines , faire ses bilans, ses échographies, ses scanners, ses radios, ses repérages de marqueurs spécifiques... Elle y consacre les trois quarts de la journée pour qu'enfin, à l'heure du "prime-time", commence le grand déballage des résultats et soit donnée l'autorisation de dormir.
Mais il faut surtout que personne ne fasse de mauvais rêves, que la nuit soit reposante car le lendemain, les citoyens doivent oublier la veille.

BACCHUS ...









Bacchus n'était pas regardant sur les moyens de ses adorateurs. Le comble de l'art sympathique fut longtemps la soupe au chou, le gros qui tache et la tranche de lard. Un matelas de laine pour les inspiratrices, du tabac gris et des Boyards pour l'inspiration, une certaine résistance au froid, des vestes de velours côtelé pour la galerie...
J'ai connu à Vienne, ancienne capitale des Allobroges, un restaurant près du théâtre antique où vers sept heures du matin le patron gaulois mettait son tablier bleu, prenait une chaise et devant sa porte écossait les petits pois... Les maquignons avaient depuis quelques heures digéré leurs morceaux de hampe, viendraient sur le coup de midi les facteurs, ouvriers plâtriers et les jeunes archéologues du coin. Un ou deux militaires, parfois un veuf, presque toujours des habitués du menu à 9 francs, vin compris. Il y avait à Lyon, milieu des années soixante, un restaurant des Ardéchois, à la hauteur du 31 ou 33 de la rue Saint-Jean, où l'on avait une entrée, un plat chaud et un bout de fromage arrosés de beaujolais maison pour 5 francs...soit environ 5 euros de 2013... Des années 20 jusqu'au tournant des années 80, on pouvait vivre de peu sans déchoir... 10% des français avaient le téléphone en 1970... La masse des ouvriers et des employés vivait hors-consommation, les besoins étaient dans la cuisine et les enfants grandissaient à trois ou quatre par chambre. Les corps sentaient le corps puis à vingt ans la moitié de la France était mariée avec des gosses ... Quelques clochards ornaient quelques façades, le chômage n'existait pas, le "low-cost" non plus... Les artistes étaient rares. Il fallait une agglomération de 300 000 âmes pour trouver deux ou trois vrais peintres, deux ou trois libraires conséquents, un conservatoire de musique... Connaître un sculpteur hors monuments funéraires était une prouesse... L'imaginaire était à portée de la main , moitié à la campagne, faisait de la pêche à la ligne, des parties de boules ou chassait le perdreau via les catalogues illustrés de Manufrance... fusils Idéal, bicyclettes Hirondelle, cannes en bambou refendu... Quelques bacheliers, quelques voyageurs, quelques étrangers faisaient craquer les parquets cirés des musées où des conservateurs aimables rassemblaient des collections en prenant le thé chez des veuves, un bout de fromage et un verre de Sancerre dans les ateliers. Tel fut constitué le vingtième siècle au Musée de Saint-Etienne par Claude Allemand qui dès 1960 avait ses tableaux vivants de peintres jeunes... Des écoles des Beaux-Arts jouxtaient les jardins publics, protégeaient des plâtres de l'humidité, on y roulait des conversation et coupait des tranches de saucisson...
Les flacons de la mélancolie, chevaliers à la triste figure, les Châteaubriand sur le Grand Bé, les chevaux de Lebrun, les olives de Chardin, les bras nus de mademoiselle Rose, Les airs d'Offenbach dans les yeux d'Yvonne Printemps, le zouave de Van Gogh, les arrosoirs de Seurat, toutes ces neiges d'antan, cerises et fleurs sur les chapeaux, sourires de laitières et de marchandes de crevettes, embarquements pour Cythère et ciels de Plat Pays, les mots et les rires anciens, sont depuis remisés dans les chambres froides de la Culture, comme sont triées et rangées les graines de la bio-diversité dans les souterrains du Spitzberg...

Dans un monde sonorisé, filmé, climatisé, désodorisé, des riens suffisent à pousser les caddies du Bonheur dans les rayons du Désir...

9.07.2013

CE QU'ON VOIT ...





"On s'étonne trop de voir ce qu'on voit rarement et pas assez de ce qu'on voit tous les jours" Mme de Genlis.







PIVOINES ...

Elles éclosent et se précipitent, ne durent pas, fatiguent au vent. Ce sont les fleurs de la fin du printemps quand les lumières sont encore acides et les couleurs plus froides. En noir elles ont davantage de matière et de volume qu'en couleurs, solides dans l'espace et courageuses dans le naufrage... Sans parfum, peu visitées rutilantes ou virginales ... Invendables coupées, fanées dans les heures qui suivent leur séparation d'avec la terre, inamicales aux poètes ... En somme, jamais tropicales, plus libres que les roses et débarrassées du fardeau des métaphores. Un amour de fleur.





A DANTE ...














Si nous avions le talent universel de la lumière et de l'ombre, nous aurions celui de l'absolue vanité des choses. Car nous saurions que des étoiles tombent des poussières impalpables qui se traînent dans les vents stellaires, forment des nuages dont le plus infime dépasse mille milliards de fois l'empire d'Alexandre... Nous saurions que tout s'échappe de nulle part et que les paradis sont des folies passagères, comme les nuées qui vont des mers aux montagnes, arrosent les escargots et donnent de l'oxygène aux poissons... Nous parlerions la langue des tortues qui se montent dessus depuis deux cent millions d'années. Nous saurions qu'on n'explique pas le monde, qu'on l'épouse à la rigueur, bien heureux de trouver chaussure à son pied... Nous plaindrions les fondamentalistes des Nombres et de la Raison qui nous emmerdent depuis Socrate, nous éloignent des arbres et des bêtes, voient la nuit et rêvent le jour, nous maquillent en civilisés dans les banquets et les foires... Nous détesterions les prophètes hallucinogènes, renifleurs de paroles divines et autres ficelles à gêner la station debout puis couper les cheveux en quatre et les femmes en rondelles... Nous observerions l'application des cervelles à produire des déchets, des poisons, des excréments d'hydrocarbures et dix mille molécules servant à désodoriser les parties intimes, tuer les insectes, embellir les porcs et conserver les confitures.... Tous déchets qui vont à la rivière et à la mer, ainsi qu'hormones, et chimiothérapies pissées et chiées dans la porcelaine ... finissent dans les coquillages, les algues, les crustacés et les poissons puis se réinstallent dans les assiettes pour un deuxième tour dans les artères et les lobes du foie, s'attardent dans les cartilages, les graisses,  au rythme de 5 ou 7 milligrammes quotidiens de colorants, métaux lourds, organochlorés etc...Pour la première fois dans son histoire l'humain tartine son pain aux 2000 additifs de sa merde chimique et technologique, se la mélange aux frites et viandes hachées, salades, oeufs, fromages et mayonnaises de sa gourmandise. Jamais serpent ne s'est mordu la queue avec tant de savoir faire, n'a roté avec autant d'ardeur au concert de ses amours et de ses digestions... Des milliards de singes nus, pesant le double du nécessaire, ayant excrété du pôle nord au pôle sud , vidé tant de poubelles, de citernes, de cuves, de containers, de valises, de wagons, de cales, de soutes et de gros intestins se lancent dans la grande aventure de l'auto-production et consommation de la mort via le boire, le manger, le souffle et l'empire du slip... Acharnés à croître, à  nuire, à se précipiter sur leur planète pour se grimper dessus, talonner des têtes et des enfants, écrabouiller les gêneurs , se ronger mutuellement les chairs, triompher à jamais de la finesse et du savoir...

LES RESTES ...






Tels sont les restes d'un monde fini pour cause de défaillance économique, d'invasions monothéistes et de tremblements de terre. Nos images ne seront pas de marbre au jour lointain de nos remontées sous le soleil : nos morceaux de plastique, nos vieux papiers, nos vanités multipliées, nos médicaments sauvés des eaux, nos longueurs sur écran et traces numériques, nos vantardises, nos ciels bleus et nos cocotiers pour gagnants du loto, nous rendront à jamais ridicules... et inquiétants.
Nos classes moyennes, autant dire nos liquides-vaisselle , s'étant gavées de luxes minables et de retours d'âge, viennent se taper la cloche là où les peuples sont anciens et payés au lance-pierre... Fricoteuses de boutiques, posant de vieilles pattes sur de tristes occases, sables mouvants de l'esprit et caricatures de corps, ces armées chenues de la consommation s'en remettent des couches, culottes culturelles et gastronomiques, indifférentes aux morts anciens, les doigts accrocheurs sur des buffets de cinq étoiles comme ceux des aveugles de Brueghel ... S'emplir les boyaux de sursauts, rêver de prolongations sous les chasses d'eau... Gagner le pompon d'un tour supplémentaire ... La descendance des vaincus de 1940 ne vaut guère mieux que les romains d'Odoacre , après qu'il eût plié les oripeaux de l'Empire et fait porter la caisse à Byzance.... 



9.06.2013



C'étaient de bonnes vacances! Bonjour aux amis de l'Annuaire pour les Nuls!

9.05.2013

A CIORAN...






Si la vie a un sens, c'est parce qu'on y entre poussé aux fesses et la tête en avant... C'est le seul qu'on puisse prouver. Ensuite commencent les aventures de l'esprit et du corps qui consistent à tourner autour de la Terre d'ouest en est, en évitant les accidents. La valse autour du soleil se prolonge dans la Voie Lactée. Tel est le sens de la vie pour les gens sérieux. Les autres gardent les yeux fixés sur la porte étroite de leurs origines, prêts à toutes sortes de sottises, déguisements et mensonges pour briser le mutisme des savoirs vrais. Qu'y-a-t-il de plus vain que les lettres d'amour, conséquentes dans les romans mais tout juste bonnes aux tiroirs ? La Carte du Tendre fut ridicule aux vrais amants, sornette inutile aux baiseurs... Nous sommes lâchés sur Terre avec de l'inconscient pour bagage et quelques désirs empruntés. L'amour du prochain n'est pas une sinécure, c'est à peine s'il fatigue moins que celui des bourreaux pour les victimes ou des victimes pour les tortionnaires. Se débarrasser du fardeau de l'être, fort semblable à la couronne d'épines d'un certain bouc-émissaire, fait qu'il faut se casser la tête pour s'éloigner le plus loin possible de la porte étroite, du pertuis, dirait Jude Stéfan, qui nous donna le jour... Donc sauter droit devant soi comme un bouchon de champagne , ne demander ni son reste ni sa route... 
Ainsi font les chats, incroyablement courageux et viveurs, ne donnant de leçon qu'à eux-mêmes...

A PIERRE LOUYS ....














Nos vies étaient plus courtes quand nos vaisseaux de bois couraient aux nouveaux mondes. Mais en compensation de nos fragilités, nous avions d'immenses paysages, des mers fabuleuses, des terres inconnues à profusion... Tout marin pouvait comme Ulysse faire de longs voyages, croiser la baleine de Jonas, saluer des sauvages en cherchant de l'eau douce et cueillant des fruits. Personne n'était à l'abri des colères du vent et des vagues, d'une dérive sous la Lune vers du corail à fleur d'eau. La violence des hommes ne pouvait rien contre les tempêtes. La Nature faisait naître et mourir dans ce qui fut le Paradis Terrestre... Quelques canons de bronze ne changeaient pas grand chose, la mémoire commandait de se taire quand les éléments n'en faisaient qu'à leur tête... On s'accommodait de la mort pour mieux vivre, on souffrait rarement de mélancolie. On ne croyait pas plus aux miracles qu'au triomphe d'Orphée et si tout Paris chanta :" J'ai perdu mon Eurydice...", il ne manqua ni à la cour ni à la ville, de belles dents pour mordre dans les pommes d'amour... Comment faisaient-ils, nos ancêtres, pour prendre autant de coups et partager leurs fortunes avec tant de grâce? Vénus sommeillant sur les nuages, nymphes endormies, Ariane à Naxos... les femmes aussi belles que les ciels , paysagées et païennes, vastes demeures pour de brèves rencontres... Qu'avons-nous gagné depuis que nous rêvons moins ? Que toutes sortes de détails nous sont accessibles, que tant de spectacles nous gavent d'obscénités ? Nos femmes stériles à vingt ans et mères à quarante, nos désirs insatiables d'objets, nos liftings accélérés, nos yeux toujours ouverts, nos aventures entre des pompes à essence, nos toilettes mortuaires aux cinquième sous-sol des CHU par des mains étranges, comme furent aux enfers convoyés les pêcheurs ... 
Tels sont les naufrages qui nous reviennent, puisque nous avons choisi d'être seuls au monde en étant dix mlliards, nous moquant des sources, des ténèbres et des paresses...

LES AILES DU TEMPS ...







détail baroque . Autorisation Flammarion.


Le Temps se porte bien. Il se portait comme un charme avant que la Photographie ne balaie devant les portes du Paradis. Une duchesse dans les bras d'un vieillard, faisant fi du poids des ans et versant une larme de bonheur, s'embarquait pour Cythère dans une sorte d'épilepsie et gagnait l'Olympe pourvu que le vieil homme eût des ailes et sût jouer avec les aiguilles des montres... Car il suffit d'aimer les femmes sans chercher à les comprendre. Les dons du Ciel furent abondants à la Cour, les antichambres ouvraient sur des mots d'esprit, les mots d'esprit sur les appartements des princes, les vins de Champagne et autant de chandeliers qu'il y eut d'alcôves... Puisqu'on ne mourait que de ridicule, on faisait la fête comme on faisait la guerre, l'épée à la main. Il ne reste rien de ces réussites de la cervelle. Les "Tyrans" pendus aux lanternes, d'autres maîtres se pressèrent au portillon de la Nation Souveraine... Le Temps se mit à l'heure des habits noirs et l'on fit depuis plus de bruits et de voyages que tous les dieux depuis l'origine du monde. Nos pauvres ont désormais plus d'énergie sous la main que les sénateurs de Rome, il fait moins froid dans les caravanes que dans la chambre de Louis XIV et nos ivrognes frisent les deux-cent kilomètres à l'heure avec des 150 chevaux... Nous serons bientôt dix milliards dans cinq milliards d'automobiles et ce n'est qu'un début de notre apothéose... 

Le Ciel s'est vidé des créatures de rêve que nos ancêtres y avaient trouvées. Les nuages ne sont que de la vapeur d'eau, la Terre n'est que le support de l'agriculture raisonnée, l'ivresse ne mène à rien et là où fut conquise la toison d'or on se chamaille pour du pétrole.  Nous avons froid au dos depuis que l'atmosphère se réchauffe. Personne ne sait que faire de nos mauvaises habitudes et dans le désarroi qui nous tient lieu de vérité, tous les mensonges semblent utiles. Comment dire aux enfants qu'on tient dans quelques armoires assez de virus pour ramener le nombre des hommes à ce qu'il fut sous Tibère Auguste... Que nous ne sommes pas plus indispensables que les ratons-laveurs ?  Une loi naturelle gouverne les migrations de lemmings ...  Il ne manquera pas de riches pour admettre que les débordements de populations méritent de partir en fumée... Trois cent millions de cervelles ont suffi pour les sept merveilles du monde, la philosophie, la géométrie et l'amour du prochain... La Terre serait plus vaste et les progrès infinis des techniques permettraient de sauver les éléphants, les poissons et les oiseaux... D'organiser une pédagogie mondiale du Bonheur, le retour à des températures rassurantes, la réapparition de l'Etre Suprême et autres signes de la bienfaisance politique... 

Ni vu ni connu, telle pourrait être la tentation du siècle après quelques bagarres, projections de particules radioactives et agitations médiatiques... Car les sources seront plus rares et les empoisonnements faciles. 
Les forêts de Pologne reposent de ci de là sur des couches de cendres... 
La mer, toujours indifférente aux galets et grains de sable...



9.03.2013

PRETEXTES ....







Quatre ou cinq traits noirs. Curieux... on parle de désir. Vous pensez, vous, que les objets sont plus ou moins désirables, comme les corps, les bonnes et parfois les mauvaises actions... C'est ce qu'on a appris à l'école et ce qui est écrit où rôdent les marchandises. Le génie des industriels, des artistes et des éducateurs consisterait à glisser dans les choses une force d'attraction particulière, capable de détourner les regards, de faire saliver les bouches bées. Un psy genre pasteur à lunettes vous a-t-il demandé en vous regardant bien en face :" Quels sont vos désirs ?" Avez-vous ressenti de la gêne en fouillant tous vos recoins pour en trouver?...
Vous faites une drôle de tête, vous croyez qu'on se moque de vous. Vous vous demandez ce qu'il y a là-dedans, vous ne voyez rien de séduisant : cela ressemble vaguement à un dessin académique, la reprise en accéléré d'un sujet millénaire. Les dessins d'autrefois ont la valeur de l'ancienneté, mais celui-là est trop sommaire pour être ancien. Les dessinateurs que vous connaissez font des bandes dessinées. Ils racontent des histoires, leurs dessins sont aboutis, leurs idées accessibles. Vous tournez les pages des albums et vous adorez retrouver des ambiances qui vous sortent de chez vous,  un peu comme les cigarettes et les bières que vous préférez. 
Ce dessin sert-il  à quelque chose? Vous sentez qu'on ne cherche pas à vous joindre. 

Les serial-killers, les pervers, les obsédés, les dictateurs connaissent leurs désirs... Hitler savait et parlait. Ils adorent leurs victimes, ils jouissent de les retrouver infiniment jusqu'à ce qu'un feu d'artifice ou de secrètes décisions du destin viennent tout arrêter. Leurs fièvres grimpent quand la mort les prend dans ses bras parce qu'elle seule sait les aimer... Et ils sont affamés de ces amours là.

Les peintres cherchent autre chose. Ils lâchent ou construisent des couleurs, ils se taisent. Ils s'arrangent pour être seuls, ils aiment se pencher sur le vide. Si vous êtes perspicace, vous accepterez de vous priver des désirs d'autrui, et vous vous jetterez de l'autre côté des miroirs, ignorants de ce qui vous attend. En d'autres termes les peintres n'ont pas de désirs, ils sont le désir-même. Ils élaborent et figurent leurs objets, comblent d'attentions l'espace qu'ils attrapent, tendent des filets quelque part au-dessus de tout et de rien. A force d'aller et venir à travers des reflets, il arrive que la Mort perde la tête et se prenne dans les fils de la toile. La Peinture est imprévisible... Les tableaux servent à ceux qui ferment les yeux et se bouchent les oreilles quand on leur donne un caddy pour visiter le paradis terrestre , mais qui les ouvrent dès que s'arrête la musique d'ascenseur et que s'éteignent les projecteurs ... La Peinture commence où finit l'image et tous les prétextes sont bons....

SUR LE DESIR ....





On s'aime mais il est lassant de ne jamais sortir de chez soi. On garde, au delà de ses souvenirs, quelques étranges sensations que nous offrit notre mère. On ne sait plus qui faisait quoi. Nous avons participé à certaines affaires essentielles en goûtant aux cruautés de la naissance. Cette chute qui vous brûle les poumons et vous contraint à pousser de grands cris, cet effroi de sentir s'évaporer les substances qui nous baignaient, cette violence immédiate de la socialisation, ce brusque courant d'air, tout nous travaille pour que nous n'arrêtions plus de bouger. Nos mouvements, nos désirs en quelque sorte, nous commandent de choisir entre l'amour de soi et l'imitation d'autrui. Ce que nous appelons l'amour du prochain ou l'amitié ou je ne sais quelle passion, se nourrit d'une espèce de cannibalisme qui consiste à prendre du plaisir et de l'énergie en imitant les autres. Au bout du compte nous ne désirons rien que les désirs d'autrui et quand nous croyons faire étalage de nous-mêmes, nous parlons à la première personne alors que nous devrions parler à la deuxième ou à la troisième. Les rois parlaient au pluriel, les bons à rien parlent trop au singulier. Les peintres choisissent de se taire. C'est qu'ils ont un avantage sur les bavards. Ils sont capables d'aller et venir là où les autres ne savent que montrer du doigt. C'est toute la différence entre la peinture et les images. Les tableaux n'ont que des apparences de sujet. S'ils sont trop près des choses ou des idées, ils maigrissent, finissent par ressembler à des feuilles mortes... S'ils trompent assez sur les intentions, qu'ils conduisent sur des chemins qui ne mènent nulle part, il arrive qu'on prenne du corps et des antennes en les regardant...

9.02.2013

UN RENARD ...






Un renard connaît son coin. Il prend des itinéraires tranquilles pour faire sa tournée, une petite marche élastique sur des kilomètres pour se mettre en chasse sur un territoire éloigné de celui qu'il habite. Il n'est jamais idiot au point d'installer sa famille à cent mètres des poules qu'il étrangle. Soyez certains qu'il ne commettra pas de dégâts s'il vit près de chez vous. Cette courtoisie dans le voisinage est aussi millénaire que celle des peuples nomades et chapardeurs quand ils ont décidé de se mettre au repos. C'est que dans les deux cas on se trouve en présence de créatures intelligentes... Aux dernières heures de la nuit, aux premières lueurs de l'aube, quand la lune éclaire encore on peut voir des ombres furtives se déplacer, s'arrêter, repartir...Un jour, sur l'étroite plateforme d'un piquet de bois, j'ai vu se tenir des quatre pattes un renard expérimenté... Il inspectait la porte d'entrée de mon poulailler, sans se presser, du nez, des yeux, et des oreilles. Avec la souplesse et l'élégance d'un danseur, il quitta son observatoire et s'enfonça dans les herbes grises.
Les hommes en général se méfient de la nuit et de la lune, ils ont l'esprit de propriété.C'est donc en plein jour qu'ils commettent leurs petits larcins et se font de petits bonheurs. Mais les plus forts, qui détestent avoir un fil à la patte, gouvernent la nuit pendant que les autres rêvent....

TROIS AS ...






Il y a des jours où la Peinture fatigue. Plus exactement des jours où elle se répète en moins bien. On se désole, on laisse filer les heures, on lit et on relit n'importe quoi, on est lourd comme après un repas copieux. Il faut attendre que cela passe. C'est le corps qui répond mal, la main qui traîne, les yeux qui ne voient que le déjà vu. On s'encombre la tête, on parle trop, on regarde ses instruments de travail, on les tripote sans rien en faire. On s'était cru sur le point d'aboutir à des trouvailles, de régler leur compte à toutes les hésitations et à tous les à-peu-près des dernières années. Ce marécage n'en finit pas. Il n'y a plus qu'à sortir et traîner n'importe où. On regarde les femmes, on sent qu'une relation pourrait se nouer pour pas grand chose, que cette disponibilité nous rend intéressant. On déconstruit et on reconstruit la vie dans sa tête. On s'arrête devant un moineau. On trouve que tout le monde est intelligent. On a envie de se fondre dans la masse, de renouer des liens tombés en désuétude... Un jour où on ne s'y attend pas, une parole, un geste cassent l'ambiance. On sent pour de bon qu'on n'a rien à faire des plaisirs et des jours, qu'on n'est pas né pour ça, qu'on se dégrade, qu'on crève trop de la vie des autres et du monde avoué. On saisit son secret. On saisit qu'on ne veut pas vivre une vie qui existe déjà, se déguiser en humain jusqu'à la mort. On prend du papier, des couleurs à trois sous, un pinceau de monoprix, on s'installe où on peut, on repousse les tasses à café et le bouquet de mimosa, on jette un coup d'oeil sur la plage des Buses, on aimerait y voir un sous-marin ou un cachalot, on dessine un brelan d'as, on colle un bout de sac en papier, on passe la couleur en étant soi-même. C'est reparti. Nunc et sic .

LES PIEDS SUR TERRE ...







Vous êtes sur un pont neuf et sous vos pieds la terre se transforme. Des boeufs et des chevaux l'avaient retournée deux mille ans, ils s'arrêtaient près des bois où le silex affleure. Les soirs tombaient sur les charrues dételées. Les chevreuils sortaient des ombres et commençaient leurs promenades. Les renards longeaient les haies, les sangliers cognaient les talus... On ne sait pas si des armées sont passées par là et s'il y eut des batailles. Mais on y marche sur d'innombrables ancêtres et on se dit que dans la rosée du matin remontent les sueurs des bêtes et des hommes, que le plus idiot des champignons tire dehors toute une lignée de saveurs nées du miracle des générations. Vous êtes à la hauteur des arbres, vous posez les coudes sur la rambarde et vous regardez comme si vous étiez en ballon. Un petit vent que vous ne connaissiez pas vous donne l'impression d'être plus haute qu'en réalité. Derrière vous la forêt s'arrête, coupée par une esplanade de terre. On se croirait dans un pays neuf. Vous avez un grand ciel au-dessus de vous et la route qui va au sud vise l'horizon comme une épée. Un type qui passe par là vous explique que les machines qui servent à tracer cette route sont précises au centimètre et qu'elles sont commandées par satellite. Vous serez bientôt plus près de l'Italie que Montaigne de La Boétie. Les chevreuils s'arrangeront, les renards et les sangliers poursuivront leurs petites affaires et les tracteurs retourneront la terre aux minutes indiquées par la météo spatiale. Vous aimeriez comme les hirondelles arriver début avril et partir fin septembre, pour suivre le soleil en Afrique en passant par le Caucase....