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2.19.2014

ILE DESERTE ? ...





Les danses macabres remplissent des salles obscures, crèvent les écrans plats... Nous sommes rissolés en vers et en prose. Les artistes contemporains dansent aussi à Venise sur le Grand Canal , à Bilbao, New-York etc... Où des jeans coupés en Tunisie, teintés en Allemagne, relookés aux Indes et distribués sur les grandes avenues du Monde, se frottent aux carnations de milliardaires amoureux de l'Art... Pinaud, Getty, Gates, Chose et Machin dépensent sans compter pour des exhibitions sur le très grand marché, installent tout ce qu'il peuvent de matière sociale, d'électronique futée, d'oiseaux rares sortis des hydrocarbures ... sous des lambris illustres, au sein de corridors et de cavernes pédagogiques. L'Occident s'y montre, s'y dépense, s'étale, renseigne sur ses petits ou grands râles. Ses maîtres s'y font pardonner trop de calculs et se ruinent en leçons particulières pour que les australopithèques des provinces les plus reculées s'émeuvent du vertige des enchères et des intestins de la sociologie.
Adieu naïfs! Qui pensiez que le créateur avait fait les choses et que lui tendre le doigt comme l'Adam de la Sixtine était le comble de l'Art. L'Homme n'est plus ni beau ni singulier, il est pluriel et massif, cruel et puissant, inventeur de machines à idées, de chapelets en binaire et de moulins à paroles. Car sa charité consiste à faire payer aux moutons le spectacle des abattoirs ... Telles sont les arènes contemporaines, les vagins à produits dérivés, tee-shirts, cendriers, tasses à café, parapluies, producteurs d'étranges amulettes, non dénuées d'humour et de savoirs-faire, contemporaines de l'Anthropocène... Il n'y a rien à voir que la magie des échanges, les hyper-logos de la cervelle en quête de grand commerce et consumée d'amour pour ses étals, breloques de désir et crécelles des lépreux... 
L'épousaille du pouvoir et de l'art n'est pas neuve... Combien de rétables et de martyres ne furent qu'armes secrètes de leurs vaniteux commanditaires ! Evêques parfumés adonnés au vino santo, aux biscuits à la cannelle et aux petits mignons... Princes terrifiant les inquiets et claquant des doigts pour clouer les becs, usuriers passés à la banque et redoreurs de blasons... Mais l'Enfer n'était pas encore de ce monde . Les puissants vaille que vaille gardaient leur troupeau du côté de Saint-Pierre. Personne n'avait osé faire descendre le Paradis sur Terre et la vie restait un chemin tortillard, sablonneux, malaisé.... où le cheval tirait son coche et supportait les mouches....
Les artistes contemporains sont, eux, des demandeurs d'emploi comme les autres. Pas un seul ne rêve de gloire posthume, ne craint les vols de vampires ou les sabbats de sorcières. Fra Angelico et Goya furent en comparaison des cinglés schizophrènes.... Car les prouesses les mieux payées du deuxième siècle après Rousseau, sont des coups de pied dans les ballons, des postillons dans les micros et des inventions de machines à relier les petits ruisseaux pour faire de grandes rivières. Les scènes sont immenses, les associés innombrables, la renommée coûte le prix des médias et le va et vient de l'argent public aux poches privées n'est pas une mince affaire... Les maîtres collectionneurs et ordonnateurs de fulgurances supportent en riant les intraveineuses, fumeries, cuites et divagations sous le slip de leurs poulains... C'est que la crasse des addictions et des mauvaises santés donne le sentiment de la démocratie et de l'égalité des chances... L'horloge culturelle est  insensible aux petits malins qui tripotent ses aiguilles. L'Art des injections de culture repose sur la minutie, comme en son temps celui des clystères . Il faut  naître, paraître et mourir dans des règles collectives de bienséance, dernier avatar d'une "Nature" débarrassée des satyres, nymphes, bacchantes, orgies et processions... Repeuplée d'objets pneumatiques, de fleurs pétrolières, de savants déchets et de bonnes chimies...
Ce monde n'échappera peut-être plus des mains qui le tiennent, des têtes qui le pensent, des routes qui l'entaillent, des laboratoires qui l'enfument et le parfument, des chirurgiens qui le dérident, des banquiers qui l'accommodent  et des justes qui le vendent. Les désirs y sont plus forts que les rêves. 
Au bazar il faut des objets nouveaux, des sciences amusantes, des miracles pour tous, des preuves irréfutables des victoires du Bien et du Bon, des vérités portatives, des années d'oubli pour des vies en taule. Car doivent être supportables les bétons armés de la Raison, les animaux empaillés dans les parcs, les vaccins contre l'air frais, les détournements d'enfance et les contrats d'assurances tous risques. Quel arbre, quelle porteuse de crevette ou repasseuse, quelle asperge ou tournesol ne peuvent être empaquetés comme le Pont-Neuf ou le Reichstag , impuissants sous la ficelle comme la Terre ficelée par les réseaux et bientôt couronnée d'épines puis  moquée par le Soleil ? ....



Filez à l'anglaise. Laissez tomber l'amour. Il n'y a plus de sentiments qu'aux chiottes. Dites que la pièce est vide, que les murs sont gris, faites quelque chose entre violet et jaune... Comme Robinson, sortez d'une épave des outils et des armes...  Il se trouva une grotte, tailla des planches, fit un parasol, un enclos et s'organisa pour les jours et les nuits. Recommencez l'art pour le plaisir, suivi de votre ombre sur une île déserte aux plages lisses... 


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