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3.08.2014

TRISTESSE, TRISTESSE .......






Ma tristesse n'est pas infernale, elle traîne. Je n'ai aucune raison de me révolter, ne suis pas romantique. Les chagrins de l'Amour ne m'ont jamais crucifié pendant trop de mois. Je suis sous une espèce de lumière qui baigne les choses et les gens que j'aime. Cette lumière venue d'une accumulation imprudente de savoirs trop variés, me montre d'abord le peu de valses qui me restent pendant que tournent sur elles-mêmes les beautés du monde... C'est dans l'ordre des choses, il ne fallait pas naître et grandir.  J'ai préféré les parfums , les couleurs et les bonnes températures à la nuit noire. Je ne regrette rien, même pas d'avoir cru au diable et au bon Dieu, car les mensonges délient la langue et entre menteurs les conversations donnent du relief au temps qui passe. J'aurais été malheureux de me rendre à la mort trop tôt, n'étant pas fait pour les champs de bataille, les courses de moto, encore moins pour de précoces maladies mortelles, bien que j'aie résisté de toutes mes forces et d'extrême justesse à perdre la vie sans antibiotiques... J'avais moins de deux ans, personne ne put choisir à ma place et mon destin paria sur l'avenir en sortant de l'oeuf.
..........Attentif aux subtiles variations des saisons et des institutions, je navigue au près du grand âge en ne jalousant personne, conscient qu'avec ou sans progrès les deux tiers de mes collègues ont passé l'arme à gauche, que j'ai vécu sans guerre mondiale ni choléra, mangeant à ma faim et buvant avec joie. Cela ne peut durer. Une grippe nouvelle viendra faire le ménage, un oriental se paiera une pétoire atomique, un ivrogne me coupera la route, je serai distrait... Ce qui m'attriste,  c'est que s'en ira ce que j'admirais, devenant invisible ou carrément rien, comme certaines odeurs de la campagne, musculatures de mains, allures de corps et tournures de langage... Que les bêtes sans résignation et sans peur iront au carnage, que les chats si savants ronronneront trop fort... Que mes amies si jeunes encore et toujours vives dans mes songes, n'approcheront plus leurs yeux lilas... Que mes enfants perdront des joues et de l'âme... Que les récits de mon père s'aboliront et les sons de sa voix... Que ma femme aura des chagrins cruels... Que personne après moi ne verra sur ses tréteaux, un jour d'hiver dans une église glaciale, le cercueil de ma mère plombé sur sa robe de tergal à fleurs bleues ... Que mes tableaux seront crevés ou en incertaine compagnie, que quelques restes de photos tomberont d'un livre pendant son transfert à la décharge ...
..........Les dieux meurent, les époques finissent à la ramasse et j'ai vu chez le brocanteur une colline de légions d'honneur dans une bassine de cuivre...
..........Que faites-vous contre la tristesse? Que pensait Pétrone, se taillant les veines, penché sur les cheveux dorés d'une esclave nubienne?...

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