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5.25.2013

VIVRE AU GRAND AIR .....



 
      A  une vieille amie vous avez emprunté une voiture d'un certain âge pour prendre
      l'air au bord de la mer. 
     Vous pensez à ce loulou de Poméranie qu'un certain
      Bressolles de Gaillac déposait tous les ans sur les plages de Sète, immobile
      et aveugle, ayant passé vingt et un hivers, ce qui est une prouesse olympique
      pour un toutou à pépère. Il restait là toute la journée et pendant une semaine
      on le portait et on le posait matin et soir. Vers le dixième jour plus
      personne ne faisait attention à cette portion de peau de bête. Et soudain on le voyait flageôlant, 
      s'orienter comme une girouette le nez vers les vagues et fort inquiet de respirer.
      Puis à peine plus rapide qu'un caméléon, très concentré sur son affaire, il approchait du ressac, se fixait
      là cinq minutes puis , toujours comme une girouette, il faisait aller sa truffe
      du côté des dunes et plaçait deux ou trois fois la patte gauche devant la
      droite, jusqu'à ce que son pépère vienne le prendre dans ses bras et le
      couche au travers d'un coussin en face une soucoupe de lait et de mie de pain.
      Le lendemain il faisait dix mètres et huit jours après il se portait tout
      seul jusqu'à l'écume de mer y trempait une courte langue et revenait sous
      la tente pour goûter un peu de terrine et mordre de  petits morceaux de jambon.
      Il rendit ses maîtres philosophes, car l'usage qu'il faisait des embruns
      et du soleil fut une leçon de sagesse: les corbillards, tout cendrés et
      confortables qu'ils soient, n'emmènent pas voir la mer et mieux vaut
      se porter sur de vieilles jambes que sur des poignées de bronze. De toutes
      les bonnes fortunes , la meilleure consiste à mettre le nez au
      vent du large.


      Les cadavres ne sont pas fréquentables. Il faut les vider de leurs
      entrailles, les tremper dans le natron, les décerveler par les
      narines et les lacer de kilomètres de bandes de lin pour que
      l'air soit respirable. Au Fayoum on posait sur le visage leur
      portrait d'avant la mort et on les rangeait debout, au mur des salles
      à manger, pour qu'ils assistent aux banquets et aux danses. On le sait
      parce que des archéologues subtils se sont aperçus que ces momies
      avaient des moisissures aux pieds, signe du frottement des serpillères aux
      heures de ménage. Vous posez vous aussi vos pères et mères sur les
      cheminées, encadrés d'or ou de nacre, réincarnés en deux dimensions et
      parfois en couleur. Mais les momies ne trompent personne. Au bout
     de trois ou quatre générations, elles encombrent et on les fourre dans
     des caveaux ou des tiroirs. Pas question de
     les planter dans les squares ou de les accrocher aux murailles. Sur les
     cheminées trop de poussière fait passer le chiffon... 
     Il y a  de temps en temps des statues de pierre pour succéder aux hommes. " Parles, mais
     parles donc !..." Michel-Ange en colère jetait  ses outils sur le marbre.
     Pygmalion eut de la chance mais personne n'a dit que sa créature fut
     ravie de prendre chair et de périr comme telle, au lieu de braver les
     intempéries pendant dix générations.

 
     L'Art nous déguise mais notre génie ne nous prolonge pas plus que nos tisanes.Sur les
     chemins que nous avons pris nos empreintes font des zigzags. Nous
     posons des pierres en passant les cols. La brume nous enveloppe et nous n'avons 
     qu'une chance de ne pas mourir idiots : entre les fêtes marcher en silence face au vent.

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