Je
ne crois pas au Père Noël et je n'ose pas vous demander si vous
avez une idée du temps qui me reste à vivre. Je m'emmerde
dans l'herbage à cause du bruit de l'autoroute et des odeurs de
gazole qui viennent de l'est. J'appartiens à des vieux qui ne
vont sûrement pas tarder à péter un fusible parce que j'ai de plus
en plus de mal à comprendre ce qu'ils marmonnent du matin au soir.
La vieille oublie de me traire une fois sur quatre et le grand-père
ne bêche plus le jardin. Le chien n'aboie jamais car personne ne longe
mon pré depuis que la route est coupée. La nuit passaient
des chevreuils qui allaient du petit bois à la grande mare, je n'en
vois plus. Le gros sanglier ne fait que des visites éclair, les renards
ne passent qu'en février. Soyez gentil de vous arrêter.
J'espère que vous avez les mains solides, que vous êtes de taille
à fendre des arbres. Vous avez sûrement une idée de
ce qui se prépare. Moi, je ne souhaite de mal à personne.
Je voudrais que les hirondelles soient plus nombreuses, que les grenouilles brunes
reviennent dans mon pré, que les grillons se remettent à chanter,
qu'il y ait moins de boutons d'or et davantage de pâquerettes... Je n'ai plus de pommiers pour m'abriter,
des types sont venus avec une pelleteuse, ils ont enlevé
la grande haie du nord et je suis en plein vent quand il fait froid. Je
pressens qu'on se moque des bêtes, que les hommes ne
nous aiment plus, qu'ils se détestent entre eux et meurent de chagrin. J'ai vu dans leurs yeux qu'ils ne savent plus où aller ni quoi
faire pour être heureux. Si mes voeux servaient à quelque chose,
je souhaiterais qu'on les chasse encore une fois du Paradis Terrestre...
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:-))