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8.13.2013

DIMITRI ...






Vos jambes ne sont plus ce qu'elles étaient, vos promenades sont plus courtes, votre chien est mort dans vos bras la semaine dernière. Ce soir vous avez évité le bord de mer, vous ne faites attention à rien , vous êtes seul sur le trottoir, c'est une journée de juin qui ressemble à octobre, tout vous semble banal, vous ne pensez qu'à rentrer. vous comptez machinalement vos pas, vous en êtes à 1348. Vous vous rappelez que votre grand-mère passait ses dernières années à craindre les courants d'air, à dire aux uns et aux autres de prendre un chapeau avant de sortir... vieilles rengaines d'avant les antibiotiques, quand un notaire pouvait comme tout le monde passer d'un coup de froid à une pleurésie... Et puis reviennent quelques souvenirs du Maroc, le maillot jaune de la colo, les chants obligatoires, la traversée des dunes avant la plage... Les filles des années cinquante embarquées sur le sable avec des militaires, l'ambre solaire, les shampoings Dop...







 Vous aimez les bords de mer où la solitude fait du bien. Vous n'avez plus d'âge. Vous n'avez pas besoin de raisons pour marcher, renifler les vagues qui se terminent à quelques mètres, et tout regarder comme les mouettes. Il suffit d'enlever ses chaussures et de fermer les yeux pour tenir compagnie aux premiers hommes, de patauger dans l'écume pour avoir frais comme à trois ans, de prêter l'oreille pour que le vent vous renvoie le rire de votre mère, de vous retourner pour que vous suivent les copains... que vous pensiez aux courses dans les rues sans voitures, tiré par votre chien sur vos patins à roulettes... pour que les heures passées à se raconter des films de cow-boys sur l'escalier des villas de la rue de Provence  reviennent en masse, que les bateaux que vous voyez au large viennent vous chercher. Le 1er janvier 1951, l'ancien légionnaire Dimitri Kareff jouait aux échecs avec mon père et racontait que sur le port de Casablanca un capitaine norvégien le fit monter à Noël et lui remit un uniforme, lui donna pour quelques heures le commandement du navire et qu'ils burent et mangèrent servis par l'équipage en gants blancs... Très longtemps après, j'ouvris une enveloppe qu'il avait remise à mon père contre promesse de ne pas l'ouvrir de son vivant : il n'y avait qu'un prénom et un nom sur un petit papier: "Dimitri Vassiltchikov". Il disait qu'il était parti d'Odessa sur un cargo, avait plongé dans le Bosphore et par chance atteint la rive, âgé de dix-huit ou dix-neuf ans... vers 1920. 
Jouez à cache-cache avec vos souvenirs, il y en a forcément un qui vous attend, vous épie et se prépare à bondir pour qu'à votre tour, vous comptiez jusqu'à cent et partiez à leur recherche. Rappelez-vous la danseuse blonde aux yeux d'émeraudes dans  la troupe de Tokito et de madame Zita qui donnaient représentation au théâtre du parc Lyautey et que vous avez croisée lorsque vous quittiez  le grand bassin des voiliers. 
Les premières fois durent toute la vie, profitez-en pour que dans vos rêves sur fond bleu, soyez un oiseau multicolore et volontaire

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