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6.08.2013

LE TEMPS ....


Industar 50-2, Pentax k10D  
     
  Le Temps passe, amoureux de rien, parfois tué par la cigarette.... Qu'en faisons-nous? Ce que nous savons faire depuis que nous avons appris à casser les cailloux en deux ... Nous croissons et nous multiplions pour le meilleur et pour le pire... Nous ne savons jamais ce qui nous attend et nous savons rarement de quelle cuisse de l'Olympe nous sommes sortis. Aux alentours de la mort de Louis XVI chacun s'est dit qu'il valait quelque chose, qu'il avait dans la tête de quoi refaire le monde , qu'il suffisait de trancher tout ce qui dépasse pour que la société nage dans le bonheur... On se souvient que la Place de la Concorde débordait de sang frais et de sang caillé, puait la charogne, que la machine à "élargir" couchait les corps sur une planche à bascule et qu'entre deux ou trois battements de paupières les inégalités tombaient dans un panier... Non sans honte puisque le bourreau gifla Charlotte Corday, séparée de son tronc, et que la malheureuse rougit encore des deux joues avant de s'éteindre complètement... Ainsi moururent des têtes humaines, disparaissant des représentations, cédant le passage à la fièvre des ego. Puis vinrent au monde les zombies des romans fantastiques , les morts-vivants, les belles de cimetières caressées par de pauvres moines ou des amants cinglés de 1830, toutes préfigurations des esclaves de la mine, de la filature et de la finance... L'homme devenant carcasse, corps sans tête et tête sans corps, le citoyen enclos dans l'individu, artiste sans Apollon, poussé dans les cordes par les microbes, vaccins, éprouvettes de mille sortes plus performantes que les cornues d'alchimistes ... Il fallut s'aimer, se comprendre, faire marcher les balances... Dans les rêves les dieux ne rendaient plus visite. Les diables, jadis cadenassés aux enfers, jouèrent de la lanterne magique et du frisson, reléguèrent les âmes dans les réserves du Far-West... les progrès de l'Inconscient suivirent ceux de la mitrailleuse et puisque un seul doigt suffisait sur la gâchette, tout possesseur de main put ravager des enfilades de paysans, tout malade put presser son jus, exprimer du moi à la mesure de ses indigestions scolaires, construire ses chambres à gaz... l'homme simple fut accoucheur de fulgurances, l'érection de cinq heures du  matin fut prétexte à métaphores, les reins de pucelles à métamorphoses de l'absolu, voyages dans l'espace et divinisations du poil... Passé le cap du chacun pour soi, vient celui du délire explicatif, du renversement de la perception... Car les hommes sans tête ne voient que ce qu'ils tripotent, se fuient comme jamais rivaux se détestèrent, rêvent d'enculades plus géantes qu'au siège de Troie, devenus quadrupèdes et fourmis du libre-échange, inlassables fourbisseurs d'inédits, sculpteurs de crottes et propriétaires des droits à l'orgasme... L'Art est devenu l'affaire des incapables de sciences, maladif, convulsif, malin, résigné aux cuisines sociales, additifs, colorants, caresses et horions... aux manies des obsédés de présent, dépossédés de mémoire et voleurs de lendemains... Dans ce monde où l'état est une ombre, le peuple une chimère, la révolution un truc en plumes, les foules se manoeuvrent comme bancs de sardines où les désirs de chacune sont les désirs des autres... Il y aura pourtant des anfractuosités, des cachettes, des lieux invisibles où les hommes en prendront pour leur grade, où de nouvelles apparitions serviront à d'autres mythologies, où le bonheur sera d'être heureux comme Ulysse, soumis aux caprices des vents puis rentré au port après un long voyage...





  

EN JUIN ....



 Les pivoines


 éclosent et se précipitent, ne durent pas, fatiguent au vent. Ce sont les fleurs de la fin du printemps quand les lumières sont encore acides et les couleurs plus froides. En noir elles ont davantage de matière et de volume qu'en plein air, solides dans l'espace et courageuses dans le naufrage... Sans parfum, peu visitées rutilantes ou virginales ... Invendables coupées, fanées dans les heures qui suivent leur séparation d'avec la terre, inamicales aux poètes ... En somme, jamais tropicales, plus libres que les roses et débarrassées du fardeau des métaphores. Un amour de fleur.































NOUVEAUX SAINTS ....







La transparence de l'air ou de l'eau permet en principe une vision des lointains ou des profondeurs. Les devins, devineresses, oracles, voyants, tireuses de cartes, marabouts, sorciers, prophètes et druidesses voient à travers les gens et les choses. Des montagnes de données autorisent les futurologues à dire le présent du futur. Enfin tout sera parfait quand  les oeuvres et les hommes seront transparents. La démocratie se chauffe au soleil, avec des orateurs absolument clairs, des citoyens ardents à dissiper les malentendus, des lois connues par coeur et respectées de tous.  Dans les familles  le bonheur est évidemment la conséquence de la disparition des ombres et  en amour le silence ne mène qu'aux drames. La vie heureuse,  repérable jusqu'aux détails infimes, tel est le programme des saintetés modernes. Plus besoin d'avoir des ailes dans le dos pour faire des miracles, soyez du cristal, laissez vous traverser par les regards affectueux, faites une dinde rôtie de votre inconscient et servez le sur la table de la communication. Quand vous boirez  le nectar de Vérité, faites que votre bol alimentaire se voie de votre gueule ouverte à votre pylore, qu'on le suive dans les méandres de votre tube digestif, qu'on devine ses restes près de votre rectum, qu'on puisse à la couleur de vos selles dire si vous étiez homme de bien ou citoyen de troisième zone...
 
Rien n'est plus fou que le savoir définitif, les aveux parfaits, ou l'Axe du Bien... Il faut être cinglé pour chercher à vivre en totale connaissance d'autrui, de soi et du monde... refuser toute lacune, toute espèce de confiance et de risque sous peine d'excommunications et de liquidations. Vouloir de l'amour, passe encore, mais réclamer des preuves et des certificats d'authenticité à chaque tour d'horloge et au moindre bruit, c'est vivre dans un tombeau, comme phraraon ou vizir, entouré d'écritures magiques et de serviteurs éternels portant d'inusables boissons et des repas clonés. Le brouillard est au moins aussi utile que la sagesse dont les anciens disaient qu'elle n'a qu'un oeil. La vérité campe entre les lignes des livres, sous les tableaux, flotte dans des plans fugitifs où tiraillent les contraires, insaisissable comme l'écume des vagues. Les passions ne pardonnent qu'à elles-mêmes et la mort en fait son affaire.
On peut voir dans l'Atlantique, au large d'Essaouira (Agadir) quelques étranges quadrilatères gravés sur l'écorce terrestre, celui-ci grand comme la Bretagne, invisible de près puisque gigantesque, retransmis par satellite via Google earth... Il ressemble au plan de quelque monastère carolingien, au tracé d'une ville antique... Mais une ville antique de 150 km de large c'est bizarre, même si on imagine la grande cité des Atlantes, engloutie au large des colonnes d'Hercule ( Platon ). La géologie ne nous a pas habitués aux plans en damier, creusés de fossés rectilignes larges comme le val de Loire. Objet sous-marin non identifié. Il ne manquera pas de fous pour dire qu'il s'agit des portes de l'Enfer ni de savants exégètes pour signaler que telle est la marque du Tout-Puissant sur sa créature.





6.05.2013

IL Y EN A QUI DISENT QUE CE FUT A CAUSE DU DIABLE ....




On dit qu'en ce temps-là, celui de Saturne, c'était l'âge d'or. Les hommes n'avaient qu'à tendre la main pour satisfaire leur gourmandise. Ils s'occupaient de contemplation... La Terre débordait de fleurs, de lait et de miel. Entre les hommes et les bêtes on se parlait souvent. Personne ne s'étonnait des différences.
Un jour cette paix a fui le Monde. Il y en a qui disent que ce fut à cause du Diable. Il aurait énervé les femmes et suggéré aux hommes d'autres plaisirs que le spectacle du ciel. Je n'en sais rien. Mais je connais quelques secrets tenus de génération en génération par des animaux intelligents qui parlent à qui sait les entendre. Ce cheval descend d'une famille venue d'Asie à l'époque des Huns. Ce boeuf a des ancêtres du côté de la Dordogne. Un jour que je passais à côté, je leur ai demandé pour rire la permission de les photographier. Une étrange lueur leur vint aux yeux et, à ma plus grande surprise, ils se mirent à chuchoter.... " Nous sommes de bons herbivores... nous n'ennuyons personne... la compagnie nous plaît... êtes-vous un ami?..." Je sentais des frissons dans mon dos... J'avais entendu bien des choses sur les bêtes, j'avais lu les aventures du Capitaine Corcoran, je leur faisais confiance. Je ne pris pas le temps de réfléchir. Je répondis que je les trouvais sympathiques et que je vivais à la campagne pour me défatiguer des gens. Le boeuf parlait peu, ruminait beaucoup. "Hmm... Hmm !". Le cheval était plus vif, remuait ses crins, ses lèvres et ses oreilles. " Nous savons presque tout ce qui se passe. Les oiseaux nous racontent des tas de choses. Une mouette m'a dit qu'il y a plus à manger près des villes qu'au bord de mer. Elle connait des Goëlands qui chassent les chats sur les toits du Havre. Il passe par ici des rats qui vont de ville en ville. Ils n'osent plus se cacher dans les cages d'escaliers parce que des chômeurs les attrappent et les font rôtir. Une oie qui remontait d'Afrique a vu des renards se promener sur les Champs-Elysées, elle m'a juré que les loups ne tarderaient pas à en faire autant. Mais ce sont les hirondelles les mieux informées..." J'ouvris de grands yeux, relevai les sourcils. "Voyez-vous, nous ne disons rien parce que nous sommes tristes. Les hommes sont de plus en plus nombreux. Ils font déborder toutes les poubelles. Il paraît que les albatros avalent par erreur des cartouches d'imprimantes et les dauphins des couches culottes... Ici les chiens sont mal élevés. En ville des enfants croient que les nouilles et les frites poussent en pleine terre, les grands portent des cagoules avec des trucs sur les oreilles, ils passent des heures à se dandiner comme des canards et se racontent des histoires qui tiennent dans des mouchoirs de poche. Il y a des odeurs bizarres . Avant-hier un type est passé en face avec un tracteur et des bonbonnes. Il s'est arrêté un moment, il était pâle et toussait d'une mauvaise toux. Quand il est parti j'ai vu des milliers de vers qui sortaient de terre et qui traversaient le chemin pour passer chez nous. Des taupes se sont sauvées en courant. Un lièvre s'est avancé de quelques mètres et a fait des bonds prodigieux. Les escargots crèvent en bordure. Il se passe des choses terribles dans les bâtiments que vous voyez derrière moi et qui sentent si mauvais. On élève des cochons à la bretonne. Des types les coincent dans des cages, les forcent à bouffer des merdes aux antibiotiques et les enculent avec des seringues... tous les trois mois des camions viennent les prendre et on en entend plus parler. Plus loin ils concentrent des poules sur des étagères en fer... une chauve-souris dit qu'elles vivent dans la pénombre et pondent sans arrêt, coincées sur 10 cm2 de ferraille... Qu'elles ne peuvent pas se retourner, que des types qui portent des masques leur coupent un morceau du bec pour éviter qu'elles se blessent entre voisines... Que tous les matins les types au masque passent ramasser les cadavres de celles qui ont crevé dans la nuit... Qu'elles avalent de force des farines qui sentent la viande pourrie et des granulés qui font changer la couleur des oeufs..." Le pauvre cheval reprit sa respiration. Le boeuf rumina un peu plus:" Hmmm... Hmmm ... Pour sûr que c'est vrai... J'en ai vu qui jouaient au foot avec les porcelets crevés..." 
Je baissais la tête. Les temps sont durs pour les âmes... Comment leur dire à ces deux là que nous déraillons depuis qu'un salaud de Genève nous jura que nous étions bons de naissance, depuis qu'un salaud d'anglais nous promit le bonheur grâce aux progrès de l'égoïsme, qu'un taré de Républicain lança la conquête de l'Afrique pour faire oublier la perte de l'alsace, qu'une bande de paranos Moscovites fit table rase du passé, que des bateleurs en chemises foncées promirent aux cons qu'ils seraient forts et depuis que Dieu protège le Dollar et la Terre Promise sur les océans du monde... Finalement nous puons la crasse, le surnombre et le renfermé comme si dix millards de cervelles montées sur deux jambes n'étaient capables in fine que de camps de concentration. Au Spitzberg on termine la construction d'une Arche pour les plantes.
Sur Mars on mesure les quantités d'eau. Ailleurs les innocents croient encore que le Soleil est à tout le monde.



OPTIMISME ....








La Jeunesse ne rend pas moins aveugle que le grand âge. Entre les brumes de mars et celles de novembre on ne voit pas mieux le printemps que l'automne.  Dans le brouillard l'horizon est tellement flou qu'on va d'un seul coup du bout de son nez aux autres galaxies. Les poètes et les philosophes  s'en réjouissent, qui ne sont bien  qu'avec le vertige sur des chemins qui ne mènent nulle part. Les  petits enfants sont-ils  optimistes quand ils ouvrent de grands yeux? Quand ils se cognent au pied d'une table, apprenant à marcher, ils ne savent pas s'il s'agit d'un accident ou d'une chatouille. Alors ils choisissent de rire ou de pleurer devant ce premier signe du destin. Nous qui voyons à peine le temps qu'il va faire, qui passons tous les jours l'heure exacte de notre mort, qui perdons nos amis et nos amours sans le vouloir, qui passons forcément des cadavres aux statues, peintures et photographies, nous qui cherchons des raisons d'aimer les mots et les gestes, aurons-nous le courage de plonger dans la brume  et de vivre stupéfaits?  
Car l'optimiste n'est ravi de rien, connaît toutes les stations du chemin de croix.  Il sait que dans les nuages blancs, des avions ont explosé sur des pentes blanches, furent couverts par les avalanches... Ainsi des valises diplomatiques et des vertèbres vont avec les glaciers jusqu'aux moraines frontales. 
Mais puisqu'il faut voler, naviguer, passer de siècle en siècle d'un ventre à un autre et ramener de ces aventures quelques mots de plus, quelques images  et quelques signes pour savoir que l'on ne sait pas grand chose, il choisit de rire quand l'homme se cogne et de le siffler quand il gémit sur son sort.
 
 
 

 
 

    

LES LIEVRES ET LES TORTUES ....







Dans le bestiaire de nos futilités les lièvres ne sont pas moins intéressants que les tortues.
Ne nous plaignons pas, nous aurions dû mille fois disparaître à cause de nos précipitations ou de nos lenteurs.
Pour se venger des puissants les modestes disent que le hasard fait bien les choses. Il se pourrait que le Hasard soit Dieu et la Raison fille du Diable. Parce qu'enfin chaque fois que nous avons été plus loin dans nos voyages et dans la réussite de nos travaux, c'est en sachant lire, écrire et compter. Les ingénieurs de Rome et d'Alexandrie furent aussi malins que les comptables de Louis XIV et les fondeurs de canons des Habsbourg... Ceux là n'étaient pas moins rusés que l'invention des moteurs à pétrole et des jeux video... L'intelligence des hommes n'est plus à prouver, mais le monde n'est guère plus habitable qu'au temps où les bêtes parlaient... Nous sommes dix milliards et nous vivons trois fois plus longtemps... Nos poèmes sont-ils plus beaux ?... Les nuages qui passent sur nos têtes suivent de mauvais vents, nous arrosent de tristes nouvelles à propos des mers, des fleuves, des forêts et des montagnes... Nous sommes devenus la lèpre de la Vie. Nous avançons masqués pour cacher notre contagion, oublier un peu que nous sommes perdus d'orgueil et puants de suffisance... Toujours plus à l'aise dans nos odeurs et nos organes, inquiets de nos épidermes et tourmentés de copulation, déshabitués du partage, de la gratitude, de l'empathie pure et simple, nous tuons l'air, les sols, les végétaux et les espèces ... Nous ne méritons guère de vivre depuis longtemps, mais nous n'avons pas le courage de nous planter nos poignards dans nos gorges et de nous taire.
Nous attendrons jusqu'au bout que le Hasard nous aide à mourir puis comme Néron, l'assassin de sa mère, nous dirons avant le râle "Quel Artiste périt !..."

5.27.2013

LES MOUCHES SAVANTES .....

 









Les mouches ne se font pas de souci parce que plus les hommes sont nombreux, plus il y a de mouches... On ne sait pas exactement ce qui les attire. " Je voudrais être mouche pour savoir ce qu'ils se racontent..." Cette expression reprise par des gens sérieux  montre que la mouche prêterait volontiers des ailes et des cuisses à des apprentis détectives. Dans le grand monde de la communication les progrès de la science feront sûrement qu'il y aura  des drones en forme de drosophiles,  qui se poseront au bord des tables de restaurant ou sur les mollets des baigneuses. Ces drones seraient plus efficaces que leurs modèles, car ceux qui enculent les mouches risqueraient d'en abuser... Alors qu'avec les drones, quelques instructions logicielles les feraient décoller  avant l'irréparable  et se poser un peu plus loin, sans perte de mémoire.
Qui veut connaître l'extrême fond de l'être humain pourra se procurer les flots de paroles qui s'échangent sous les parasols et devant les apéritifs. On saura ce que disent ceux qui vendent des frigos aux esquimos ou des belles-filles à des belles-mères en suçant des pattes de tourteaux.  Les affaires des hommes d'affaires gagneront de la transparence et on saura pourquoi les gens de l'humanitaire consomment des huîtres et du muscadet. Les drones passeront sous les tables et pourront épier qui fait des pieds et des mains, analyser des phéromones, repartir au-dessus des plats pour capter quelques postillons au fil des  échanges. La totalité du processus communicationnel sera dominée. 

 Lorsque les données fournies seront à l'échelle des 100% d'évènements, que les staffs d'informaticiens traiteront en temps réel la complétude de la communication mondiale, il ne sera plus possible de se moquer du monde car les symboles auront disparu. Toutes les poupées auront un sexe. Les instants succèderont aux instants. Le temps aura en permanence de la valeur, on sera dans l'achat et la vente, sans âme, sans Dieu, sans connaître ni ses besoins ni son image réels, sans rien voir au second degré, sirotant la vie comme on tire sur la paille d'un coktail choisi sur une carte, n'ayant plus de personne à construire ou à défendre. Cette  transparence du Monde, son abondance concrète ou virtuelle, cette "démocratie" poussée à bout,  nous épargneront les drames et les tragédies d'autrefois, nous feront les joueurs inlassables d'un jeu interminable... Mais avant de sombrer dans cet alzheimer, s'il nous reste un peu de goût pour la conscience et le mal, nous devons fuir comme la peste les Moïse du Bonheur, réinventer la survie, la solitude, la douleur, le temps démesuré, l'absence de miroirs et d'affiches, nous garder du pour ou du contre quoi que ce soit, fuir  " l'Art " et les " Objets " copains comme cochons. Car nous crèverions comme des mouches sur la "Terre Promise" de la Publicité, dans les vitrines de la Consommation, déboussolés par les joueurs de flûte comme le furent les enfants et les rats.

DANS LES NUAGES ...



J'ai souvent la tête dans les nuages. Ils me consolent de ne pas voler. Ils sont indifférents, passent au-dessus des toits en se déliant, suivent les vents mauvais ou précèdent le soleil... Leur monde est moins lourd que chez nous, varie à l'infini entre de bons signes et des colères. C'est de leur côté que mes ancêtres roulaient les yeux au moment des choses sérieuses, armés sur un champ de bataille ou craignant la grêle. Les ciels gris  conviennent aux  chrysanthèmes,  feuilles mortes et ornières.  Ciels de funérailles menées jadis par des curés en prières  avec cheval et corbillard. Cortèges d'héritiers, chapeaux baissés face au vent, mains serrées, coeurs tenaillés de vaches , de labours et d'herbages... Cortèges de poètes, de peintres, d'amies en larmes et d'étudiants, chevaux blancs ou pommelés n'ayant jamais connu la vitesse, voitures grises et noires des pompes funèbres qui vous mènent droit à la cave pour oublier...
Les ciels de la vie ont des nuages, ils prolongent les frondaisons, suivent les courbes des collines, reprennent en choeur comme dans un Cézanne  les directions de branches et les toitures, font des volutes avec les désirs et les angoisses d'en bas. Il pleut dans mon coeur comme il pleut sur la ville. Tels sont les vers des amateurs d'espace et spécialistes de l'âme. Il y en a pour tous les goûts. Nuages des Andes où tournoyèrent comme les condors des avions de toile cherchant un col. Nuages de l'Ouest, à cent mètres d'altitude, sentant la mer, arrosant les jardins et les terres que les vents d'est dessèchent en trois jours . Nuages du Sud  portant l'orage en Forez. Dans ma campagne, comme dans ma vie, il fait beau p
lusieurs fois par jour.




PLOMBERIES BIOLOGIQUES .....


S'ils lèvent les yeux, s'ils recouvrent la vue quelques secondes avant de retourner au feu, d'avoir le foie rongé par des becs, les reclus et les torturés verront ce qu'ils ont détruit pour une place au soleil. Il y avait des eaux, de l'air et d'incessantes distributions de chairs. Au début n'étaient que les bêtes et les fleurs, à l'aise avec les chromosomes. Personne n'était gentil, nul n'était méchant. Il n'y avait pas de juges. Il n'y avait ni couronnes ni royaumes. Les vies allaient à leur terme au gré des circonstances et chacun multipliait ses cellules sans souci du lendemain, car il n'y avait jamais de lendemain, seulement d'autres jours. Au commencement, on se coupait en deux et chaque moitié remuait jusqu'à sa division et ainsi de suite...Le plus étonnant fut qu'un jour ces morceaux restèrent agglutinés au lieu de tenter de grandes aventures et que par des hasards tortueux on se construisit des organes , on se donna des appendices, des poils, des tubes, des entrées , des sorties... D'autres prirent des tiges après s'être échoués sur des plages, puis montèrent en graines que le vent et les eaux repiquaient plus loin. Ceux qui avaient des queues et des pattes, qui remuaient davantage dans l'oxygène, devinrent amphibies puis il y en eut qui grimpèrent aux arbres et jetèrent un oeil sur les fleurs. De fil en aiguille les minuscules et les géants se répartirent les nuits et les jours, ceux qui manquaient de place sur les branches se laissèrent pousser des ailes... Pour simplifier les hommes se sont raconté de pieux mensonges, disant que toute cette affaire n'avait pris que sept jours, qu'un vieillard à barbe blanche en était l'unique responsable. Ils lui donnèrent des noms à coucher dehors, du genre Iaweh, Allah, Dieu le Père etc....







Leurs pauvres cervelles sujettes à l'angoisse ne supportaient que des explications simplettes où on jouait au papa et à la maman... Ils se gardaient bien d'interroger les animaux et les plantes... Ils serraient les fesses en traversant les forêts et les marécages, avaient horreur des moustiques et ne pensaient qu'à deux choses : le cul de leurs femelles et leur creux à l'estomac. Comment voulez-vous que de pareils égoïstes soient utiles à qui que ce soit? Ils avaient failli disparaître mille fois sous des inondations et des éruptions de volcans, le tonnerre les faisait sursauter, les arcs-en ciel les rendaient fous , ils n'avaient pas de poils aux pattes et se faisaient piquer par les vipères quand ils marchaient dessus. C'étaient des proies faciles qui devaient s'accroupir au bord des points d'eau, qui ne couraient pas vite et se disputaient du matin au soir. Ils avaient des problèmes pour se reproduire. Les femelles avaient besoin de petits malins ou de gros bras pour se sentir en sécurité. Leurs ondulations et leurs grâces à l'âge nubile attiraient les mâles. Ceux-ci se battaient en permanence. Les vieux faisaient battre les jeunes entre eux pendant qu'ils se tapaient des filles ou des garçons tout juste pubères, les jeunes ruminaient des assassinats de barbes grises entre deux visions de gros seins, les femelles se jalousaient comme des teignes, les progénitures des uns et des autres se mordaient ou se poussaient dans les orties. Ces dérivés de primates cumulaient tous les défauts des autres espèces et pendant longtemps nulle chouette n'aurait parié sur leur compte. 




Personne ne sait ce qui s'est passé. A force de casser des cailloux, de peler les poux, de s'étriper et de copuler sans cesse, ils devinrent habiles et méfiants. Ils accumulaient des images à profusion sous leur crâne et leurs cris ressemblaient à des paroles... Quelques naissances produisaient des individus moins vulnérables, plus intelligents et plus attentifs à leurs souvenirs. En quelques générations le nombre des imbéciles chuta aux trois quarts puis fut stabilisé. Les malins se gardèrent de les exterminer car ils avaient compris qu'ils avaient besoin d'eux pour les tâches pénibles. Ils avaient aussi remarqué que les femelles apprenaient trop vite ou trop bien et ils s'arrangèrent pour que restent suffisamment d'idiotes. Ils leur contèrent des fariboles en organisant des concours de beauté, en engrossant les naïves chaque fois qu'ils pouvaient, puis ils les autorisèrent à parler de conneries autant de fois qu'elles voulaient. On calma les vieillards en décrétant qu'ils étaient sages et on ne les écouta plus. On battit les enfants qui ne voulaient pas de leur soupe et on raconta des histoires d'ogres et de loups pour qu'ils se tiennent tranquilles. Des groupes de plus en plus nombreux réussirent à vivre ensemble et pour se donner de l'allure, ils se donnèrent des dieux. Des spécialistes s'occupaient des offrandes, inventaient des généalogies et des prières, faisaient pendre les sceptiques... Quand tout allait bien, on remerciait les dieux et on leur portait des viandes et du miel. Les malins s'aperçurent assez tôt que les spécialistes se remplissaient les poches et profitaient de ces viandes et de ce miel pour s'offrir du supplément de femelles et fabriquer profusion de futurs spécialistes qui apprenaient à lire, écrire et compter. Un jour il fallut se rendre à l'évidence , les dieux étaient roublards. Les hommes forts qui portaient des casques et des cuirasses, passèrent alors des épées dans quelques ventres de scribes et de prêtres et construisirent à côté des temples des palais pour cacher de l'or, des grains, des esclaves ou des harems. Ils laissaient les villes pousser autour d'eux, ils élevaient des remparts sous prétexte de les protéger. Il y eut autour de Babylone des lions et des éléphants. Les rois et les prêtres creusèrent des canaux pour maîtriser les fleuves. Sur des tablettes d'argile furent notées les entrées et les sorties de bétail, de céréales, de vin et d'huile ... Les quantités de serviteurs et de contribuables. 

 
Mais le monde s'épuise quand il est immobile. C'est un mystère. Pour comprendre ce qu'il est, les prières sont inutiles... Il faut se faire tout petit et passer partout, se condamner à l'exacte mesure des choses, aller aux mathématiques, fuir la magie. Il faut connaître et mesurer les effets de la gravitation universelle pour prendre du poids dans sa tête... aller vers l'ouest pour trouver un continent, faire pousser des haricots pour tomber sur les lois de l'hérédité... Ce que nous tenons des grecs ne fut pas mis en conserves... Devant les cadavres , certains n'ont pas tourné la tête, les ont posés sur une table de dissection, les ont ouverts , démembrés et fouillés, les ont mués en "anatomies"... Des lentilles nous avons fait des télescopes, des gouttes d'eau des microscopes... Nous avons compris que les foules étaient vides et que des hommes seuls pouvaient déranger la mort... A quoi bon faire tourner les peuples autour d'une pierre noire tombée du ciel? Pourquoi rassembler des pèlerins autour des tombeaux, dresser des croix à tous les carrefours ? ... Consulter les oracles ?... Faire des billets de banque où l'on écrit sa confiance en Dieu ? ... Quel extra-terrestre aurait ordonné de battre les femmes, de piller les mers et dorer les coupoles ? De proclamer la déchéance des animaux et la gloire des cow-boys? ...
Il fallait aux enflures de ce monde des flatteries à distribuer aux minables. Les pauvres ont le menton qui tremble et la larme à l'oeil quand ils apprennent qu'ils sont enfants de Dieu, peuple élu ou autres bricoles... Que sur les nuages et dans des jardins extrêmes des séraphins androgynes, des vierges peu farouches et des boissons délectables les attendent pour l'éternité... Qu'ils seront récompensés d'avoir supporté pétasses et maquereaux, d'avoir engendré des perroquets... Mais de toutes les flatteries, la plus dégueulasse, celle qui remplit le mieux les oreilles, consiste à montrer les bêtes du doigt et à dire que tout crétin qui se respecte est bourré d'une âme immortelle, que chaque fois qu'il parle, il se propulse à des années-lumière de ce monde animal et prouve qu'il n'est pas un tuyau à faire de la merde.
Chambrés par de beaux parleurs et des penseurs maladifs, des millions de tuyaux furent persuadés qu'à une de leurs extrémités, celle de l'alimentation et de la cervelle, ils pouvaient acquérir de l'instruction et donner des ordres pour que tout fonctionne à merveille, que le Bonheur remplisse les coffres des banques et des chaumières, que les méchants demandent pardon des offenses, que des égaux se partagent la Terre, que les meilleurs soient récompensés qu'ils soient admirés par les vilains... Tant de bonnes volontés méritèrent le vingtième siècle : saccage des hommes, des ressources, des coeurs, des cultures et de tous êtres vivants... Triomphe des primates supérieurs, bientôt dix milliards de tuyaux au service d'eux-mêmes, allumeurs de mèches et poseurs de pétards pour que crève la vie terrestre, que plus jamais rien ne freine leur désir: un monde parfait et cuit.

5.25.2013

VIVRE AU GRAND AIR .....



 
      A  une vieille amie vous avez emprunté une voiture d'un certain âge pour prendre
      l'air au bord de la mer. 
     Vous pensez à ce loulou de Poméranie qu'un certain
      Bressolles de Gaillac déposait tous les ans sur les plages de Sète, immobile
      et aveugle, ayant passé vingt et un hivers, ce qui est une prouesse olympique
      pour un toutou à pépère. Il restait là toute la journée et pendant une semaine
      on le portait et on le posait matin et soir. Vers le dixième jour plus
      personne ne faisait attention à cette portion de peau de bête. Et soudain on le voyait flageôlant, 
      s'orienter comme une girouette le nez vers les vagues et fort inquiet de respirer.
      Puis à peine plus rapide qu'un caméléon, très concentré sur son affaire, il approchait du ressac, se fixait
      là cinq minutes puis , toujours comme une girouette, il faisait aller sa truffe
      du côté des dunes et plaçait deux ou trois fois la patte gauche devant la
      droite, jusqu'à ce que son pépère vienne le prendre dans ses bras et le
      couche au travers d'un coussin en face une soucoupe de lait et de mie de pain.
      Le lendemain il faisait dix mètres et huit jours après il se portait tout
      seul jusqu'à l'écume de mer y trempait une courte langue et revenait sous
      la tente pour goûter un peu de terrine et mordre de  petits morceaux de jambon.
      Il rendit ses maîtres philosophes, car l'usage qu'il faisait des embruns
      et du soleil fut une leçon de sagesse: les corbillards, tout cendrés et
      confortables qu'ils soient, n'emmènent pas voir la mer et mieux vaut
      se porter sur de vieilles jambes que sur des poignées de bronze. De toutes
      les bonnes fortunes , la meilleure consiste à mettre le nez au
      vent du large.


      Les cadavres ne sont pas fréquentables. Il faut les vider de leurs
      entrailles, les tremper dans le natron, les décerveler par les
      narines et les lacer de kilomètres de bandes de lin pour que
      l'air soit respirable. Au Fayoum on posait sur le visage leur
      portrait d'avant la mort et on les rangeait debout, au mur des salles
      à manger, pour qu'ils assistent aux banquets et aux danses. On le sait
      parce que des archéologues subtils se sont aperçus que ces momies
      avaient des moisissures aux pieds, signe du frottement des serpillères aux
      heures de ménage. Vous posez vous aussi vos pères et mères sur les
      cheminées, encadrés d'or ou de nacre, réincarnés en deux dimensions et
      parfois en couleur. Mais les momies ne trompent personne. Au bout
     de trois ou quatre générations, elles encombrent et on les fourre dans
     des caveaux ou des tiroirs. Pas question de
     les planter dans les squares ou de les accrocher aux murailles. Sur les
     cheminées trop de poussière fait passer le chiffon... 
     Il y a  de temps en temps des statues de pierre pour succéder aux hommes. " Parles, mais
     parles donc !..." Michel-Ange en colère jetait  ses outils sur le marbre.
     Pygmalion eut de la chance mais personne n'a dit que sa créature fut
     ravie de prendre chair et de périr comme telle, au lieu de braver les
     intempéries pendant dix générations.

 
     L'Art nous déguise mais notre génie ne nous prolonge pas plus que nos tisanes.Sur les
     chemins que nous avons pris nos empreintes font des zigzags. Nous
     posons des pierres en passant les cols. La brume nous enveloppe et nous n'avons 
     qu'une chance de ne pas mourir idiots : entre les fêtes marcher en silence face au vent.

LE CIEL N'APPARTIENT A PERSONNE ....

Le ciel n'est pas aussi bavard que les textes sacrés. Je me demande
pourquoi on lui fait dire tant de choses. Mes ancêtres craignaient
qu'il tombe sur leurs têtes. Régulièrement de petits prophètes et
quelques grands illuminés décrivent la fin du monde où des morceaux
d'étoiles et de comètes nous massacrent.
La mécanique céleste ne fait pas de bruit mais les prêtres disent qu'elle punit les ivrognes et les
fornicateurs, que nous ne faisons rien de bon depuis le Paradis Terrestre.
Un déluge n'a pas suffi pour noyer nos ordures et la génétique
ne nous a rien appris sur les bons et les méchants. Les anciens disaient
que dans les étoiles étaient les âmes des morts, qu'il y avait de
bonnes et de mauvaises étoiles, qu'il suffisait de les surveiller de
près pour en savoir long sur le lendemain. L'Argent, l'Amour et la
Santé dépendraient des étoiles et des positions de planètes. Cette
théorie parut fumeuse bien avant l'imprimerie, mais par précaution, de
grands démocrates comme François Mitterrand ou de vulgaires dictateurs
comme Staline et Hitler, se renseignèrent sur les
constellations et tâtèrent de la devineresse.




A Wall Street un certain Madoff tira les cartes aux
génies de la finance. Ce génie inspiré levait les yeux au
ciel,  faisait la charité aux quatre coins du globe et plus
encore en Terre Sainte. Mais il suffit d'un grain de sable
dans l'oeil pour que les étoiles ne soient plus tout à fait où elles
devraient être et que la confusion prenne le dessus . Est-il vrai que
les nuages nous cachent des anges et des séraphins qui chantent? Il ne
manque pas d'enfants pour dire que des nuages ressemblent à des anges; j'ai aussi connu des bergères qui ont juré voir le loup dans un cumulo-nimbus. Il en est une qui entendit des voix en gardant ses
moutons , mais les Anglais la brûlèrent à Rouen et Gilles de Rais qui
l'aimait bien ne dit à personne que Saint-Michel fut son confident.
Lamartine,  à l'ombre d'un vieux chêne,
s'asseyait tristement au coucher du Soleil. Il ne vit dans la plaine que le
fantôme de sa bien-aimée... Georges Adamski  publia deux ou
trois best-sellers où il racontait que des Vénusiens posaient le pied
sur le sable du désert et acceptaient d'échanger quelques mots avant de
reprendre la route dans une soucoupe en forme de casque de pompier. Ce
grigou littéraire et génial raconteur d'histoires fit une petite fortune dans les années cinquante,
comme d'autres qui écrivaient sur les mystères des pyramides, les apparitions de
Satan, ou photographiaient le visage du Christ dans un verre de
vinaigrette....Heureuse époque, pas si éloignée des apparitions
de nymphes et des voyages d'Ulysse...
Les vieilles lunes ne reviendront pas. Le ciel n'est pas encombré d'âmes et de divinités.
Des bouts de ferrailles s'y croisent sur 800 km d'épaisseur, des
espions bien de chez nous braquent leurs télescopes sur nos habitudes.
Ils mesurent tout ce qui est mesurable, disent comment nous faisons
notre lit et mesurent notre puanteur. Certains nous braquent des
pistolets sur les tempes, d'autres nous arrosent de musique, d'autres
noient l'atmosphère de paroles incolores et sorcières... On ne sait plus qui fait
quoi dans les paraboles. Le ciel est à tout le monde, comme le droit de propriété... Les anges
du Paradis et de l'Enfer s'y croisent le jour et la nuit. Dieu n'y
reconnaît pas les siens. Allah, Iaweh, la Sainte Trinité jacassent en
même temps... Quelques riches américains s'y promènent en cendres... Je
l'avais connu silencieux et avare entre deux orages, juste habité d'images, propriété de
personne et miroir des âmes.. Dérangé par des étoiles filantes et quelques avions à hélices,
couché en août à la belle étoile, j'attendais des heures qu'il fasse un signe. Je lui parlais à voix basse. Un jour il fit du feu dans les yeux d'une chrétienne de la Place Saint-Jean .....

12.11.2012

TROP COURT VOYAGE .....





Aux Dardanelles, loggia de l'hôtel....




En Anatolie, les chiens sont calmes, les ruines innombrables et l'antiquité affleure écroulée sur elle-même au fil des tremblements de terre, des invasions et des croyances....Mon voyage était fort court, mes nuits se passaient dans des cinq étoiles où des "groupes" de touristes menés par des guides fatigués se rassasiaient de platées abondantes et de détaxes faciles... Ailleurs l'agitation de la croissance autorisée par la gouvernance mondiale, un décollage couleur béton, des paysans en sursis, des voitures , des hommes au regard clair, des femmes sous la garde d'Allah, des enfants nombreux, des marchés foisonnants... En somme l'Europe de l'Ouest en 1960-65 oubliée chez nous ...Une sorte de santé transitoire entre l'immuable et le jetable ... Barré par la langue, débarqué trop vite, je n'ai pu me lier aux gens, me suis attardé sur des détails, fort songeur sur les vainqueurs de Byzance et méditant sur l'incroyable longévité des empires défunts, si semblables aux oliviers immortels, razziés, gelés, brûlés et repartant des racines....

"PRESENCE DE LA MORT" .....

Depuis qu'ils savent casser des cailloux, les hommes cassent tout ce qu'ils peuvent: des branches pour faire des bâtons, du sucre sur le dos des autres, des molécules pour faire tourner les moteurs, des gènes pour donner aux salades le courage de flinguer des limaces... Quelques singes nous imitent et cassent des noix, ce qui prouve qu'ils sont intelligents et créés à l'image de Dieu. Si nous ne cassions pas nos pipes de temps à autre nous ne saurions de quel bois nous chauffer pour maîtriser le monde. Notre arme absolue c'est la Raison. Sans elle nous ne pourrions couper les cheveux en quatre, débattre sur le sexe des anges, exterminer les hannetons et faire des vaches à lait avec de l'eau potable... Jamais nous n'avons eu autant de philosophes que depuis les guerres mondiales, les holocaustes et les batailles planétaires. Nos économistes veillent sur l'embonpoint des nations, les sociologues portent la chandelle du bonheur, les moralistes collent des feuilles de vigne sur les bonnets rouges de la Liberté... Les tempêtes pédagogiques remuent de l'ignorance dans les verres d'eau. 
De fil en aiguille tout ce qui est réel devient rationnel... Nous sommes à l'abri des barbaries, sauvageries et cruautés grâce à notre prodigieuse compréhension de l'Homme et des choses. Notre avenir sera prévisible comme la Météo, ce n'est qu'une question d'ingénieurs et de machines. Il est probable que rien ne peut plus nous échapper, que nos dieux seront à notre image et que nous fabriquerons des raisons de croire comme nos ancêtres taillaient les pierres en faisant quelques étincelles... Nos chats peuvent dormir tranquilles et remuer des pattes en rêvant, ce n'est pas avant quelques centaines d'années qu'il fera chaud en janvier, que le Panthéon cachera des murènes ou que les bigorneaux prendront de l'altitude... Le cerveau n'aime pas les coups de chaleur, mais en 1922, Charles-Ferdinand Ramuz décrivit en beauté la métamorphose de la Planète Bleue en marmite du Diable...

 
Pattes de chat  pendant sa sieste


Dans "Présence de la Mort", un titre peu suspect de marketing, il pousse le bouchon de la canicule aux dernières extrémités, à mesure que dans les plaines explosent le thermomètre et l'amour du genre humain. La marée de toutes les déchéances grimpe avec les températures sur les pentes des montagnes et passe les sommets. La cuisson finale vaut largement celle des langoustes puis le monde débarrassé de ses maîtres, poursuit sa ronde, cloqué-grillé... Le réchauffement de la Terre n'est plus à craindre, il commence. L'extrême du comique serait qu'elle brûle à pierre-fendre, parce qu'un singe cassait des cailloux pour aller plus vite et plus loin sur la voie de la Raison.

12.09.2012

LES BOUTEILLES PEINTES / PAINTED BOTTLES




En ligne sur mon site, symphonie inachevée....


Voilà, vous êtes sur une planète qui chauffe, vous nagez dans vos déchets, vos semblables sont si nombreux que vous doutez de la Providence. Vous aviez une passion pour les animaux sauvages mais c'est fini, vous êtes en deuil des forêts, des montagnes et des mers... Vos informateurs vous racontent que les bêtes s'effacent devant les singes savants , disparaissent sans un mot de la scène du monde et que de l'Amazonie aux chambres d'enfants, des têtes de tarés remuent le menton sur des écrans. Des voix d'institutrices montées sur silicones chantent les mérites de la douceur, des hommes graves distribuent force papiers hygiéniques aux oublieux des Droits de l'Homme, les balances de la Justice n'arrêtent plus de monter et de descendre, la peine de vivre chasse la peine de mort.
Quelles sornettes devez vous apprendre par coeur pour rendre le monde habitable ? La ville la plus dégueulasse de la Terre est moins peuplée de fous que Jérusalem des trois religions, des croisades, des lamentations et des barbes?... Quels fumistes vous persuadent qu'il n'y que les lois pour générer l'amour? Quels voleurs vous disent que la Terre est à celui qui la possède, que les bêtes sont des échantillons gratuits de la Création, que vous méritez plus de ciel que d'enfer et plus de cul que de pitié ?... Les obsédés de lois sont obsédés de batailles. Laissez tomber les coupeurs de cheveux en quatre, les proxénètes du Bien, les gardiens des femmes, les merdes du trottoir et les rues bondées... Soyez sages, ne voyez que d'un oeil, c'est assez pour voir l'Homme qui n'est estimable que de loin et devient irrespirable quand il s'approche, étale ses varices, chicots et mauvaises haleines dans ses prières... Faites semblant de l'aimer pour lui-même, c'est le mensonge auquel il ne résiste pas, vous aurez la paix pour admirer le Soleil, les occupations des plantes et des oiseaux, vous serez tranquille pour pleurer sur l'irrésistible beauté du hasard et vous aurez tous les diamants dans les mains quand vous boirez à la fontaine... N'achetez rien aux riches et ne vendez rien aux pauvres, faites vos bagages, votre dernier voyage sera interminable, et ne gardez avec vous que la rosée du matin et la fraîcheur du soir...



11.29.2012

PASSER A BERLIN ....

 
La reine de Berlin fut reine d'Egypte, sans doute de petite taille, fine dans le plus fin calcaire, les cuisses habituées aux bains de lait et massages nubiens, frottée d'huiles essentielles... Sa marche émerge d'un nuage d'encens, elle accède au Soleil pour des noces perpétuelles... Loin et ne se retournant pas, les pommettes irradiées, les lèvres habituées aux liqueurs divines, le menton et le front ne concédant plus rien, elle ouvre les yeux sur le disque sacré, absolument complice de l'Etoile, comme le montre un certain frémissement de narine, abandon d'épaule et décentrement du nombril...



11.20.2012

VASE BLEU en PEINTURE.... Une affreuse question...


 

La Peinture est sans défense.
Petits ou gros diplômes lorgnent sur son compte... C'est la rançon des invasions scolaires, des prises d'otages de sociologues, des intrusions de la politique à deux balles dans l'imaginaire moyen. Tout citoyen se boursoufle du côté de ses profondeurs. Puisqu'on lui vend des catalogues, c'est qu'il peut les lire, faire son profit des proses. La machine, la chose, la bondieuserie de l'art versent des camions de vérités recrues et recuites sur les tourments de l'Ego et du paysage social... Pas un cyclope qui n'ait l'oeil du peintre, qui ne débusque les cachoteries de l'Inconscient, les coquetteries de l'Histoire ou les impasses de la volonté sur son bloc-notes... ne se fende de jugements philosophes , d'indulgences religieuses et de grimaces constituantes dans la chasse aux mensonges, suivi par des mères, des vierges et des veuves affamées d'artistes... Quand la Peinture n'est plus qu'intrigues, crises de successions, partages d'influences, considérations sur le sexe, la politique et la fortune... Les dames-culture quittent les bénitiers pour des navigations plus excitantes... Question d'art, le pot de chambre n'est jamais loin des diarrhées et le crachoir des logorrhées, ils traînent sous les chaires des professeur(e)s, endiablent l'atmosphère et débordent de raison raisonnante... La classe des demi-instruits et des aventuriers en TGV sait pourquoi la Peinture est utile... Elle donne de l'esprit aux filles, du froncement de sourcil aux boutonneux, fleurit les plafonds blancs et les moquettes grises, pourvoit l'industrie des produits dérivés ( Ver Meer sur nos chemises...) , fait grimper le chiffre d'affaire des compagnies aériennes ... Il faut lui remuer la langue, parler pour elle, cacher de sordides intérêts, meubler les pulsions d'un peu d'ébénisterie, tatouer les orgasmes des signes extérieurs de l'aventure. Les filous qui n'ont de tripes à poser sur aucune table, un caillot d'amour-propre dans chaque artère, se la jouent en tee-shirt et converses sur le rocher monégasque de Prométhée... Les "moyens" se trouvent du sens de la vie chaque fois qu'ils tournent une page... Leur dévouement au bonheur général et à la santé n'a plus assez de mots pour remercier cet "Art" qui montre où sont les pieds quand on aime son prochain comme soi-même, qu'on veille sur ses têtes blondes et la sûreté des espaces de loisir.... Toutes passions qui furent celles du Führer, du petit père des peuples, du Grand Timonier, du génie des Carpathes... Le nuage des clones finira-t-il par triompher de l'abomination des cinq sens, raclera-t-il jusqu'à la dernière feuille de l'arbre de vie... Il sertirait les yeux humains dans des boîtes de sauces... justifiant à l'infini un Monde défini... et mortel.




Il y a des peintres qui posent une affreuse question:
Pourquoi la Peinture est-elle bonne ou mauvaise? C'est LA QUESTION , celle qui sépare fumistes et fumeux des vivants. Question difficile car la Peinture est bonne ou mauvaise quand on la fait, quand on la voit et quand on y pénètre.
Il ne va pas de soi qu'on sache ce qu'on fait dans l'acte de peindre : le corps manoeuvre, le corps prolonge l'esprit mais l'esprit ne pense pas avec des mots, il se vit une histoire...Il baigne dans un torrent d'images, de sensations, de souvenirs et d'obsessions qui lui joue sa musique , le transporte, l'installe dans un certain vécu qui n'a rien à voir avec celui des écoles et des administrations... Il respire en somme un air bien à lui dont l'oxygène va aux organes avec plus ou moins de vivacité, donne aux articulations , aux muscles, aux nerfs et aux sens de très personnelles capacités d'être ensemble, aide à la progression du travail... Ce corps, si distinct de l'esprit chez les pénitents de la pensée, retrouve sa place d'honneur, sa fonction de génération, celle qui fit d'une caillasse de silex une feuille de laurier, d'une peau de chèvre une outre d'eau fraîche... Toutes les métaphores ne sont pas grandioses... Il y a loin des amulettes à la figure du quattrocento, des poussières aux nuées, des grognements aux hymnes... Mais à force de déplacements, de transports, d'étals, de répartition de blancs, de noirs ou d'ocres, de correspondances entre autour de soi et entre ses mains naissent des figures qui s'appellent, s'engendrent, se battent et se reposent. Passer de la paroi au mur, du mur au panneau, du panneau à la toile et de la toile au papier... Ces passages ont accompagné des ruses infernales pour vivre plus vieux et plus nombreux dans des lieux plus sûrs... Mais dans le même plan que celui des cartes, des épitaphes et des mythes, les corps sont inscrits dans les pleins et les vides de la Peinture, dans leurs ombres et leurs lumières, dans les dessous et les glacis, dans les contrastes, les accidents, les ornements, les arabesques... Les pigments comptés jadis sur les doigts de la main, nommés à peine, sont devenus des centaines, oxydes, sulfures et carbonates de toutes les terres et roches... La bousculade ou la hiérarchie de ses parties et de ses détails, tel est le spectacle organisé de la Peinture, "cosa mentale" mais incarnée deux fois dans les gestes d'abord dans l'épiderme posé sur le support ensuite. Il y a donc des rythmes, des pulsations, centre ou absence de centre, vibrations, échos, renvois, douceurs, violences tous phénomènes acceptés, choisis, déterminés, mémorisés, désignés, mesurés, médités... Projection de soi, dira-t-on, quand on ne saura rien dire, bien plus : projection d'un ordre ou désordre, celui qui s'arrondit autour de soi, mais aussi brèches de l'horizon, coulées vers nulle part... Tout cela ne pèse rien, tient sur deux millimètres d'épaisseur... Guère plus résistant que cinquante kilos de Miss Monde dans le système solaire... Ce qui est bon c'est la pertinence des analogies, la rythmique oculaire et lumineuse des formes au sommet de leur santé... L'instinct de vie n'a pas d'âge, une trille d'oiseau vaut les psaumes et quand des mains se tiennent chaud, viennent l'amour, l'amitié, la confiance... La Peinture est bonne sans morale, sans justice , sans règle ni charité...
La santé se voit, se sent, s'entend, bouge d'une certaine façon, pose d'une autre... Elle ne discute pas, au contraire des horreurs ( ce fond de commerce pour parasites, mendiants et sorciers...tous bâtards de l'existence). Telle fut l'excellence des millénaires, qui fit monter le meilleur des bêtes et des plantes dans les vallées heureuses, qui distingua d'entre les rejetons ceux qui porteraient les bons fruits . Ce qu'il faut voir dans la Peinture est une santé du corps et nouveauté du monde. Un teint de pêche n'est pas la couperose, le blanc de l'oeil est de faïence, les doigts musiciens ne sont pas osseux, les vertèbres de l'amour ne saillent pas, les chevilles des coureurs sont fines... L'infinitude des signes que tout va bien faisait partie du bagage des marchands de chevaux et des trafiquants d'esclaves... La santé se moque de la beauté parce qu'elle échappe aux pervers. La santé a ses lois, ses germes, son calendrier, culmine après de braves expériences et de durs efforts, se dresse sur des millions d'années de digestions et d'agonies... Il ne suffit pas du nombre d'or pour qu'elle se fourre dans le plan, stupéfie les voyeurs. Elle se donne à ses semblables. Pour être vue la Peinture doit être refaite. Qui la refait prend la place du peintre et celui-là n'oublie jamais ses allées et venues , regarde de près et de loin, trouve la bonne distance avec le bon oeil, se pose où il a rendez-vous avec ses trains de mémoire et ses lignes d'horizon. Pour voir il faut regarder, faire ce qui fut fait, revoir ce qui a été vu, repasser où l'on est passé, calculer son élan se lancer, se rattraper en vol, atterrir où on n'avait jamais mis les pieds... c'est ainsi qu'a plongé pour l'éternité l'étrusque de la villa Amalia... Le tableau danse et fait danser ... Malheur aux vêtements en loques , aux souliers crottés, aux cochonnailles dévorées trop vite, aux faibles respirations, aux flots impénitents d'adjectifs, aux mauvaises compagnies... aux remords, aux ventres creux, aux blessures, aux boiteries, aux doigts crochus, à tous les tremblements de corps, de coeur et d'esprit qui font rater la lévitation et mordre la poussière...
Mais cette Peinture ne patine pas en huit avec plus ou moins de grâces. Elle va loin et profond quand elle travaille l'espace. Il peut s'agir d'une brodeuse, d'une asperge sur une table de cuisine, d'un gribouillage de lignes et de gris, d'un modeste épanchement de couleur... Dans cette intimité la respiration des formes peut émerveiller comme le parfum d'une joue de bébé, remonter en surface les indices d'un commencement du monde, les éclats et les tournures des premières fois de toutes choses... Ce paradis terrestre des renaissances, reluqué par les voleurs et les amis de la mort, est l'antidote des poisons et des remords de l'esprit, car les peintres voient les poisons dans les plats et les larmes séchées sous les yeux. Ce paradis survole un continent à la dérive... Les montagnes, les fleuves, les incendies, les viols, les orgueils, les furies, les tempêtes, les crasses, les obscurités, les explosions, les pourritures, les puanteurs, mensonges, boues, et raz de marées de l'étrange déconnexion des hommes et de la Terre s'empilent, se cabossent, et se meuvent comme les pommes sous la meule... Car les hommes ne sont pas faits, ils restent à faire et personne ne sait pourquoi ces singes se sont débranchés de la commune existence et du destin qui fut celui des requins , des cafards et des reptiles... Personne ne sait ce qu'ils deviendront. Avaient-ils envie de rire ? La peinture fut au commencement de leurs peines. Ils ont inondé d'ocre rouge et couvert de fleurs les premiers morts véritables, ceux qu'ils ne jetaient plus au fond d'une tanière ou dont ils cessèrent de sucer la moelle... Il est probable qu'ils se sont couverts de signes, scarifiés, décorés pour donner du corps à leurs songes. On a vu leurs traces de pas, les brindilles résineuses de leurs lumières et leurs collections de mains soufflées, détourées, leurs chapelets de bêtes au fond des grottes... Leurs désirs et leurs lendemains ensorcelés... Et puis toujours du désir et de l'au-delà sous les cendres du Vésuve, aux plafonds, aux murs des églises, des palais, des chambres ... Des conquêtes du monde, des pelotages de fesses, des chasses, des moissons, les âges de la vie, des fumées de l'industrie, des portraits d'ancêtres... Les horreurs de la guerre, les corbeaux de Van Gogh, Guernica, les kolkhoziens, les tarés de Georges Grosz, les vélos de Léger, les soupes à zéro calories de Warhol, les plages de Raysse, les dentelles d'Alechinsky, les traces de Pollock, les suicides, mutilations, reductions et hurlements en pagaille... Mais aussi, devenus plus vrais que les vrais, les arbres de Cézanne, dindons blancs de Monet, travailleurs de Caillebotte et landaus de Berthe Morisot. Le roulement des egos dans le flux et le reflux des marées, la descente progressive des angoisses des rois et des papes sur les paillassons de banlieue et dans les cachotteries de la mode, les bandes dessinées, le vieillissement bolide des enfances, la culture débitée en tranches... Les matériaux innombrables et incertains comme les hommes...La Peinture traîne dans les sédiments, les poussières, les scories, les dépôts des déchets innombrables de dix milliards de condamnés à vivre dans leurs décharges... Aspirer, balayer, gratter, frotter, polir jusqu'au plan, faire clair et net. Faire peu. Se taire. Ne regarder que le style craindre les trop bonnes raisons et sourire amusé aux déplacements de la Lune...

DE A à Z ....

1972-2012 . Suite de 459 peintures.
 L’être est ; le non-être n’est pas. 
(Parménide fin VIe, début Ve siècle av.JC) 

LA SERIE

La Peinture de Ducruet vient en France après la Nouvelle Figuration. Elle en a gardé la vigueur de forme, le durcissement des contrastes chromatiques, les sauts d'une plage à l'autre. Mais la signification est ailleurs: il s'agit moins de peindre objets et animaux dans leur épure que de situer tout élément de réalité dans un positionnement primordial.
Des femmes, avec leurs poitrines et têtes rosées, ne cessent de vous regarder de leurs yeux rouges, ou bleus, ou noirs, dans cette tristesse insigne qui les fait apparaître sur le rectangle ou carré de la toile comme à la fenêtre. Plus tard, le thème de la croisée deviendra manifeste ; au début il est latent, dans ces immuables poses féminines. Comme si c'était l'activté de peindre tout entière qui allait se mettre à la fenêtre, pour être regardée.
Van Gogh avait fait sentir, par une touche toute en vibrations, une crampe convulsive dans tout objet. Ducruet ne croit pas aux forces élémentaires et à une rythmique foncière. Il peint des images terrestres, primitives, schématiquement durcies en aplats: des formes plus ou moins géométriques s'engrènent à des courbes, ou seulement les approchent. Ducruet peint des arbres comme des cônes verts, pâles ou plus moyens. Toujours des apparences, seulement des aires pénétrables. Et la peinture prend une chance nouvelle: le motif le plus conventionnel est une raison suffisante pour se lancer dans la mobilisation des spectres chromatiques, des alphabets de formes. A partir de ce moment, les audaces changent. Les corps se rapetissent. L'ordre des apparences offre un saute-moutons vertigineux où les pôles s'échangent.
C'est un passage que Ducruet campe, la rémanence de nos imageries: dans ses bords de mer, frontons et colonnes de temples, socles et esplanades, avec ces corps immémoriaux becquetés de rouages, l'antique et le moderne se confrontent, le charnel et le mécanique, le rectiligne et le courbe. M.Sicard






FAUX NAÏFS ....




Il s'est passé quelque chose de curieux à la fin du dix-neuvième siècle et au début du vingtième... Des autodidactes obsessionnels se sont mêlés aux bouleversements de l'Art. Ils ouvrirent un nouveau chemin à la Peinture. Comme Henri Rousseau, ils rêvaient d' un idéal académique. Mais ils le déformaient avec des formes sincères, ils le tuaient avec des couleurs fraîches et bizarrement accordées. Soixante verts ne sont pas rares dans une forêt du Douanier Rousseau...
Ces formes "impures", ces couleurs affectives préparaient les yeux à des libertés modernes, à des coups d'oeil inattendus. Hélas, les tanks, les barbelés, les charognes, les gueules cassées de la Grande Guerre, le siècle des cauchemars et des guerres civiles ont renvoyé les "Naïfs" dans la forêt du côté des nains de jardin. Pourtant nous restent une chevauchée prémonitoire, une fatale poupée, blanche sur un cheval noir à tête de tapir. Elle fonce au triple galop sur des barbus sabrés et dépouillés. Le corbeau se rassasie, les nuages sont roses sur un ciel abricot...
La peinture n'est jamais naïve, sauf quand elle est mauvaise... Les marchands de tableaux ont forcé la caricature : petits formats, bonshommes, fleurs enfantines et vertes prairies... Ce sont là des tableaux de cuisine ou de chambre d'enfant... Des peintures sucrées pour femmes de goût... Il devrait y avoir d'autres mots... que "Naïve"... Tant qu'il s'agit d'enfantillages et de personnages sans défense, cette peinture "naïve" est bien nommée, et de plus elle ment. On se demande ce que lui trouvent les amateurs bourgeois. Peut-être ce qu'ils espèrent du peuple : une sorte de vitalité sans complications, un vide politique... Ce qu'ils appellent "l'Authentique"... qu'ils trouvent aussi dans les liqueurs de qualité et les restaurants ...
Les autodidactes d'aujourd'hui savent lire. S'ils peuvent tirer de leur enfance et de certaines fleurs de liberté ce qu'il faut de confiance, je parie qu'ils peuvent être à l'aise en vivant dans leur tête. Je parie qu'ils peuvent s'installer eux aussi aux premières loges des vraies comédies de la vie... 

VISITE  

11.07.2012

LE VOYAGE A VENISE , La video

Sur le site

 En ligne

Départ de paris par le train de nuit, arrivée au matin, la gare à 50 mètres de l'hôtel....
Une promenade de 25 minutes sur les pas de Sophie. Un tout petit camescope, Toshiba camileo p30, qui a l'avantage de passer inaperçu, la HD, un bon capteur et le minimum de réglages...Ici c'est la version muette, la version sonorisée étant strictement privée pour cause de droits d'auteurs.