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6.13.2013

MAISONS CLOSES ....




...........................Virgile conduisit le poète dans un lieu déserté par les bêtes, planté d'arbres tordus. A côté d'une roche noire un pan de mur tenait encore, troué par une porte de pierre. Il y avait au-dessus de cette porte un texte à demi rongé. Dante vit descendre un escalier aux marches creusées par d'innombrables visiteurs. L'inscription disait:
" Par moi on va dans la cité dolente
Par moi on va dans l'éternelle douleur,
Par moi on va parmi la gent perdue.
Justice a mû mon sublime artisan,
Puissance divine m'a faite,
Et la haute sagesse et le premier amour.
Avant moi rien n'a jamais été crée qui ne soit éternel,
Et moi je dure éternellement.
Vous qui entrez laissez toute espérance."

Telle semblait au XIIIe siècle l'entrée de l'enfer: un escalier qui descend, un avertissement solennel pour ceux qui ne comprennent pas vite. On voyait encore dans les catéchismes du siècle de Victor Hugo,  des gravures à la Gustave Doré, avec imprimatur et bénédiction du Saint-Siège où les défunts enchaînés par des diables sur un lit de mort, piqués de lances comme l'étaient les bêtes féroces du Colisée, déboulaient dans la terreur sur des chaudrons aux vapeurs acides. Au centre d'une caverne immense une horloge  n'avait qu'une seule aiguille pointée sur "TOUJOURS". Une sarabande vertigineuse de bipèdes noirauds et sadiques livrait aux excès de douleurs des hommes et des femmes nus dont, miracle de la vertu, les sexes étaient cachés par des chevelures dénouées, des nuages, des obstacles providentiels... Au point focal de la perspective un diable plus grand et plus fort que les autres, revêtu des insignes de son empire, jouait Néron sur les remparts de la Ville incendiée...
A sept ou huit ans je me délectais de ce  grand livre à tranche dorée, plus finaud que les images de pin-up livrées dans les chewing-gums. On pouvait en somme passer sans trop de peine du Catéchisme au Marquis de Sade, les deux marchaient en parallèle pour éduquer la conscience à quelques années d'intervalle...

Les cimetières des années 1850-1914 sont remplis de petites maisons closes aux portes d'acier ou de fer, où des prie-dieu vermoulus devant des autels miniatures, parfois des photos ovales, singent l'espérance de la vie éternelle, à peine plus religieux que les banquettes en dur des bordels de Pompeï où furent moulés au plâtre les catins et les clients de service... La mort sous un Volcan, c'est quand même autre chose que les sueurs froides sous l'eau bénite, les "Miserere nobis", les cancers expiatoires des amours ancillaires et les minutes des notaires... On pardonne pourtant à ces bourgeois leur naîveté et ce retour d'enfance qui les fit jouer aux cubes dans leur cimetière. Dommage qu'ils n'aient pas construit plus large, comme les défunts du Caire dont les sépultures sont occupés par des vivants aux femmes fécondes... Leur bondieuserie étroite est artisanale et leurs tombes sont sur mesure, comme l'étaient leurs habits et leurs chaussures. 

Dans un cimetière de Mexico on a retrouvé la momie d'un médecin français des années 1860 et dans le cerceuil son costume , sa redingote, son gilet, sa montre avec sa chaîne... Dans un coin  sa sacoche... Aux pieds, de solides godillots à semelle cloutée s'étaient ouverts comme des mâchoires de crocodile, lacés serrés... En voilà un qui n'en finissait toujours pas de faire sa guerre à la peste et au choléra... originaire paraît-il de Montpellier et sans doute embarqué là-bas sur le bateau de Maximilien... De la même race que les montreurs d'ours des Pyrénées qui campaient avec les chercheurs d'or, en Californie. Ils s'arrangeaient avec la mort en se payant la conquête du monde sans pénicilline ni vaccins... Telle n'est plus l'ambiance de nos cimetières voués aux remords de masse et à de pénibles pressentiments....





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