"Redites-moi des choses tendres.... Tout ce beau discours.... Mon coeur n'est pas las de l'entendre...." Ce fut une rengaine célèbre de l'Occupation. Romantisme, douceur féminine, femmes au foyer .... De l'autre côté du Rhin deux millions de prisonniers fermaient leurs yeux sur des lettres d'amour, pensaient à la France et au Maréchal....
Ce ne sont pas les menteurs qui mentent. Les peuples sont bien plus rusés que les hommes et les femmes qu'ils chargent de s'occuper des affaires. Ceux-ci portent le poids du monde sur le dos jusqu'à ce que des "hasards" de l'Histoire les poussent à la trappe. Les pauvres et les riches les voient disparaître sans grande émotion puis se chamaillent quelques temps pour se trouver de nouveaux guignols. La sarabande recommence . Les marionnettes font trois tours et s'en vont. On y ajoute de la musique, des flots de paroles et des apparitions... Aux entractes des prestidigitateurs sortent des lapins de leur chapeau et des fakirs prédisent l'avenir.
A l'époque de notre chanson les Français travaillaient aux lendemains d'une étrange manière. Ils s'occupaient de leur corps. Pendant qu'une minorité de crétins récitait par coeur les discours du héros de Verdun, qu'une minorité de sacrifiés faisait du renseignement ou du sabotage, les autres se donnaient à coeur-joie des plaisirs nouveaux. Les pères, les oncles, les maris, les frères et les fiancés qui avaient perdu leurs fusils et leurs bretelles sur les champs de bataille se trouvaient loin des yeux et des coeurs, guerriers foutus et méprisés, tout juste bons à la pitié et à l'oubli. Jamais on ne dansa autant que dans cette France sans hommes, jamais pannes d'électricité ne furent plus généreuses en amours irrégulières et copulations furtives... Les bombes, c'est bien connu, redonnent à l'espèce le goût de vivre... Tant de frénésies finirent par payer. Les naissances furent nombreuses à partir de 1942. Après 150 ans de coïts interrompus, La France débarrassée de ses "sages" conçut 200 000 franco-allemands et bien plus de franco-français... à deux ans de la fin de la guerre il naissait plus de bébés qu'en 1937 dans un pays où on avait faim, dont les jeunes hommes travaillaient en Allemagne... Libération des sexes, des corps... On se promène en short... On bronze... On swingue... les trois quarts de la jeunesse débarrassée de ses pères en faillite. Telle fut la Résistance véritable d'un peuple, fort peu communiste et gaulliste... Les puritains, les évêques, les fascistes n'en pouvant mais.
Demain, il y aura aussi des chansons. La chose publique ne passionne plus guère et les Cassandre se plaignent des individualistes qui s'en mettent plein la lampe et plein les poches. Or, pendant que les riches s'enrichissent grâce aux petits soins des juristes, banquiers et faiseurs d'opinion, les pauvres sont très occupés. D'abord ils s'empiffrent de viandes, sucres et corps gras, entassent les colorants, les conservateurs et les édulcorants... Jamais au royaume de France et de Navarre on ne vit des pauvres si gros... Ils changent aussi de couleur : aux trognes rouges et aux nez fleuris succèdent les teints basanés et les barbes noires ... Leur voix n'est plus la même et l'accent des faubourgs n'est plus ce qu'il était. Imaginons Arletty en beurette près du canal saint-Martin, Jouvet en Kadhafi ... Là n'est pas la question. Nous ne sommes ni en avant-guerre ni en drôle de guerre, mais, aussi vrai que les ouvreuses ramassaient 50 petites culottes tous les soirs au Gaumont-Palace des années quarante, nos pauvres et quelques moins pauvres se tapent du porno, de la baise à outrance et de l'expérimentation charnelle tous les jours que Dieu fait. Beaucoup labourent leurs champs sous les niqab, les burka et les boubous , encouragés par l'industrie des chairs fraîches dont les salades de pixels et de poils de cul libèrent les imaginations. Les connexions haut-débit font passer le temps des sexophiles pour pas cher. Jamais il n'y eut tant de réverbères pour tant de rencontres. Les campagnes sont aussi remuées que les villes et le dernier des ados sait trouver les infos utiles à qui veut se lancer dans la vie... Cette frénésie de visions, tripotages, léchages, secousses et sucions s'accompagne d'une fécondité presque normale en dépit des injonctions malthusiennes et des acharnements sur les foetus. Bien mieux, celles et ceux qui jusque là se cantonnaient dans la marge, lesbiennes et homosexuels, veulent des épousailles et des marmots. Les voies du Seigneur sont impénétrables... A Vichy, dans le gouffre apparent de toutes les négations, notre pays se faisait un avenir sous les ceintures en chantant "Je suis seule ce soir..." . Il se pourrait que les poubelles des banlieues flambent pour quelques regains de virilité, que la bête reprenne du poil dans les maternités et que les mots abrutis de la Liberté se débarrassent du sexe des anges et du Parkinson des politiques. L'Histoire sans surprises est celle des morts. Et que vivent les roses!...
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