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9.15.2013

BRAQUE .....






Détail du "Grand Guéridon" 1929.

A vrai dire la "sensualité discrète" évoquée dans le titre de l'article de "Libération" autorise tout ignare à dire trois mots sur la rétrospective du Grand Palais,  entre la poire et le fromage ou à mi-parcours, ce qui est plus vraisemblable,  de sa pizza. L'objet du Cubisme ne fut pas la sensualité, ni à l'eau de rose ni au lance-flammes... Le projet d'une représentation de l'objet, du paysage ou de la personne par  accumulation, retournements et compression des points de vue semble obéir à d'autres désirs que des recherches entre l'inavoué du dessous de nombril et l'explicite de la construction par géométrie, collage, surimpression ... 

Certes , Picasso et Braque ont pendant quelques temps fonctionné comme un couple dans lequel l'espagnol  prétendit jouer le rôle du mari, et nombreuses sont les oeuvres qu'il est difficile d'attribuer à l'un où à l'autre... La peinture s'est donnée une occasion d'échapper via le cubisme au maniérisme sentimental qui est le signe de ses essoufflements .... et que les grands impressionnistes, puis Cézanne avaient su ridiculiser après d'autres... Au lendemain de 14-18, Les expressionnistes de petite ou grande volée, allemands surtout et viennois remirent sur le marché une couche de misérabilisme, de souffrance au premier degré, de haine sociale et de tortures de l'ego avec le succès que l'on connaît  car dans le fil des défaites de l'esprit , du déclin de l'Europe et des poussées totalitaires.....

Quel public aujourd'hui pour ce cubisme oublié ou incompris, quel public pour un peintre dont le côté artisanal, consciencieux et lent fut aux antipodes de la frénésie contemporaine de rigueur, si proche d'autres frénésies sexuelles, financières, religieuses ?... Je me le demande d'autant plus que l'oeuvre ne s'est pas développée ni renouvelée au rythme d'une corrida espagnole ou d'une personnalité explosive... Braque n'aurait jamais dit :"Si je n'avais pas été peintre, j'aurais été un assassin" (Picasso), n'étant rescapé de la première guerre que brisé comme ceux d'une génération qui perdit ses amis et ses frères à l'âge de 20 ans.... (on mesurera ici la flagornerie de la fausse génération perdue et plaintive de nos trentenaires et plus...)

Enfin  Nous n'avons plus de Malraux pour faire entrer au Panthéon tout ce qui le mérite... L'Histoire de l'Art ne consiste plus à construire de fabuleux musées imaginaires...  Nous sommes dans le collectivisme "bienfaisant", la transdisciplinarité, le discours pédagogique prévalant sur l'expérience cruciale de vie et de mort.  Les corridors de notre quotidien sont désodorisés, nos écarts de langage sanctionnés, nos vices normalisés, nos joies ramenées aux petits bonheurs, nos haines tenues secrètes sous peine de disparition sociale.... Il faudrait quelques loups, quelques sorciers, quelques professeurs experts de vie et de mort pour remettre de la Peinture là où nos semblables louchent.

Mais de Jérôme Bosch  à ses très lointains successeurs il y a tout l'écart d'une révolution bourgeoise qui fricotait avec le dessous du dessous dès avant 14 et celui d'une religion du social dont les anges et les démons fréquentent les mêmes boulevards sur des trottoirs différents, l'artère principale charriant ses breloques, machines, ravis, estropiés et images de bienheureux vers la place du Grand Marché,  le temple de l'Inconscient ou la société sans classes.... Je ne crois pas que la Peinture gagne aux arrières pensées, aux remords, aux tristesses, aux accusations et aux vengeances plus explicites que des cauchemars hors du temps et des terreurs universelles.
La dernière leçon de Goya fut la "Laitière" de Bordeaux, Hogarth fit une "Marchande de crevettes", Le Nain des paysans au repos, Monet des nymphéas, Manet des asperges, Picasso finit en vieux mousquetaire... Rebeyrolle avait aussi envie de rire de ses ahurissements... et Marcel Duchamp qui n'en finit jamais de descendre l'escalier et de faire sa valise ....  Nos misères et nos déchéances ont besoin de grand style, d'épopée, de forces implacables du genre que l'on atteint  lorsque pour reprendre le mot de Cézanne , on repeint indéfiniment son tuyau de poêle... et que d'immenses oiseaux blancs survolent l'océan des travaux et des jours ....

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