Nos vies étaient plus courtes quand nos vaisseaux de bois couraient aux nouveaux mondes. Mais en compensation de nos fragilités, nous avions d'immenses paysages, des mers fabuleuses, des terres inconnues à profusion... Tout marin pouvait comme Ulysse faire de longs voyages, croiser la baleine de Jonas, saluer des sauvages en cherchant de l'eau douce et cueillant des fruits. Personne n'était à l'abri des colères du vent et des vagues, d'une dérive sous la Lune vers du corail à fleur d'eau. La violence des hommes ne pouvait rien contre les tempêtes. La Nature faisait naître et mourir dans ce qui fut le Paradis Terrestre... Quelques canons de bronze ne changeaient pas grand chose, la mémoire commandait de se taire quand les éléments n'en faisaient qu'à leur tête... On s'accommodait de la mort pour mieux vivre, on souffrait rarement de mélancolie. On ne croyait pas plus aux miracles qu'au triomphe d'Orphée et si tout Paris chanta :" J'ai perdu mon Eurydice...", il ne manqua ni à la cour ni à la ville, de belles dents pour mordre dans les pommes d'amour... Comment faisaient-ils, nos ancêtres, pour prendre autant de coups et partager leurs fortunes avec tant de grâce? Vénus sommeillant sur les nuages, nymphes endormies, Ariane à Naxos... les femmes aussi belles que les ciels , paysagées et païennes, vastes demeures pour de brèves rencontres... Qu'avons-nous gagné depuis que nous rêvons moins ? Que toutes sortes de détails nous sont accessibles, que tant de spectacles nous gavent d'obscénités ? Nos femmes stériles à vingt ans et mères à quarante, nos désirs insatiables d'objets, nos liftings accélérés, nos yeux toujours ouverts, nos aventures entre des pompes à essence, nos toilettes mortuaires aux cinquième sous-sol des CHU par des mains étranges, comme furent aux enfers convoyés les pêcheurs ...
Tels sont les naufrages qui nous reviennent, puisque nous avons choisi d'être seuls au monde en étant dix mlliards, nous moquant des sources, des ténèbres et des paresses...
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