"SWEET" 1980, coll.Jane and Bob Morse. USA.
Il y a mille façons d'accepter le monde, la meilleure est-elle d'y défendre les bonnes causes et d'aller à table partout où l'on s'aime ? Ce ne fut ni la manière d'Oedipe ni celle d'Ulysse. Je ne me souviens ni d'avant le Déluge ni des captivités de Babylone et moins encore des portes du Paradis... Une ingratitude sans doute : les attroupements me font fuir, la bonté me fait peur, j'ai dû naître derrière une porte, sur les berges à demi sauvages d'une rivière, à un moment peu propice dans une année difficile. N'empêche, un solitaire doit tenter le Diable pour ne pas s'ennuyer.
Supposons qu'en suivant quelques intuitions secrètes de ce que l'on attendait de vous du biberon au permis de conduire, vous ayez décroché quelques timbales et pompons du manège social, que vous soyez assuré d'une tranquillité matérielle et d'une paresse légale par la grâce d'un diplôme respecté qui vous range dans les petits cinq pour cent des têtes farcies de votre génération, il ne vous restera qu'à prendre vos aises avec le calendrier.
M'étant trouvé dans une chambre grise, au creux d'une maison forestière, coincé entre des carreaux gris et un plafond blanc, assis sur un couvre-pied à petites fleurs qui n'avait connu de l'amour que peu de secousses, je trouvai fort naturel de filer chez le droguiste...
J'y pris une dizaine de couleurs à l'huile, deux couteaux, quatre brosses, six petits châssis, un flacon de medium etc... puis rentrai dare-dare pour commencer des années de disparition des murs sous les toiles... la destruction du temps contraint... la reconstruction de mon corps, la constitution d'une langue, l'amour et l'amitié d'êtres humains supportables et une sorte de familiarité avec des morts distingués...
"Hiver" 1996,coll.part.Paris
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