Les plats qui se mangent froids sont redoutables.
La France est un pays de grande cuisine où l'Art est passé entre les mains du Ministère et des Régions. Démocratie oblige, il est bon que des commissions responsables servent chaud les marrons de la culture aux irresponsables majoritaires... On n'ose pas s'imaginer que les peuples fassent de leur jardin une confluence de rêves et d'émotions où dormiraient les chats et se poseraient des fauvettes. Les institutions s'appuient sur des hommes et des femmes de bonne volonté, "dignes d'entrer" dans le club des diseurs d'aventure culturelle. Les diplômes confèrent des vertus, les concours sanctionnent le courage, les dissertations touchent les vérités du bout de la langue... Des cerveaux entraînés aux dialectiques extraient du magma social les gaz secrets des grandes éruptions de l'Histoire, offrent aux citoyens les outils de la bonne gouvernance et de la transparence du Monde. Le siècle des Lumières nous a déshabitués des ombres... Les ténèbres sont extérieures, la traçabilité des idées rend les musées fréquentables et les foules qui en sortent peuvent mesurer l'ampleur des progrès accomplis... Nous voilà vengés des évêques libidineux, des abbés trousseurs de jupes, des princes parasites, des rois infâmes... Vengés de tous les tyrans et suppôts de l'inégalité ... Vengés des salopards qui se gardaient les chefs-d'oeuvres et des bourgeois qui se payaient des artistes avec l'argent du peuple... Les exploiteurs n'ont qu'à bien se tenir... et les cloches se tailler à Rome.
Il reste quelques miettes de l'ancien monde. Quelques faiseurs d'apparences et d'impostures. Ces obsédés prétendent que le vide est l'âme de toute réalité, que l'Art consiste à le frôler si près que les bras en tombent, que les mots disparaissent, que la mémoire court-circuite ... Nus et sans armes ils sont nés, sortis d'un ventre la tête en bas , fabriqués de gènes peu recommandables, poussés en pépinière, rempotés sans ménagements, habillés, instruits, gonflés de phrases parlées par trop d'imbéciles, dévolus au présent grossier, à l'avenir truqué, aux causes économiques et sociales.... Toutes misères qu'il faut saisir sous peine de trahison, de solitude ou d'inhumanité...
A moins qu'au berceau, secrètement et mystérieusement avertis des fausses monnaies, trésors de pacotille, miroirs aux alouettes... Ils se prennent d'amours singuliers pour les mauvais lieux, les zones inondables, les vasières, cimetières, marécages à mystères où la vraie messe est dite, celle des putréfactions, des fabriques de méthane et d'engrais, des broyeuses de viandes et de cervelles, fondeuses d'os et de reliquaires... Ils veulent du miracle, de l'eau changée en vin, des résurrections, des épées magiques, des talismans, des beautés délieuses, des heures sans voix, des sarcophages de granite rose, des temples aux portes ouvertes, des prostituées d'ivoire, des arbres taillés, des forêts respectueuses, avec des fées, d'impossibles légendes et des contes cruels... Jamais ils ne voudront du paradis statistique et des images de la Vérité ...
Je préfère la poussière au tombeau, me trouve sur mon étoile pour mon plaisir, comme Roi de France sur sa pièce d'or, en chemin d'éternité qui ne mène nulle part... Mais je n'interdis à personne , et pour cause, de regarder ma mort.
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