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10.17.2013

FiGUES ET RAISINS ....






"Ceux qui veulent critiquer l’art contemporain devraient faire preuve d’un peu moins de paresse intellectuelle... ” (Nathalie Heinich, interviewvée dans BOOKS, Septembre 2013.)


C’est bien là le problème... En effet cette phrase du style “quand on veut on peut” met les pieds dans le plat : l’Art Contemporain “fonctionne” à partir de discours complexes extrapolés des sciences humaines et plus particulièrement de la sociologie et de l'esthétique pensée par les philosophes.... Le “social” y est la poule aux oeufs d’or de l’imagination.... Il a expulsé des vieilles lunes qui servaient de prétexte aux anciens ( la mythologie, la Nature, l’Homme, la Beauté, l'Ame etc...) mais qui restent fécondes au Cinéma, chez les Photographes , les Chanteurs ... partout où le premier degré des apparences nécessite une certaine forme de séduction, comme la mélodie et le rythme qui font danser les couples et valser les feuilles mortes...

Chez les “artistes” désignés,  les cinq sens qui plaisaient tant aux disciples de Condillac, cèdent la place à des  calembours, jeux de mots, devinettes, slogans, provocations, astuces, citations rusées ou ou grosses comme des montagnes de pléonasmes, qu'on retrouve parfois sur des cahiers d'écoliers, des tee-shirts, du matériel de cuisine... Il s’agit d’attirer monsieur Lambda  dans des pièges plus ou moins efficaces  ( selon le talent du braconnier) pour qu’il apprenne des vérités sur lui-même,  son espace de vie ou ses désirs... Un peu comme jadis des citations de Lénine ou du Petit Père des peuples devaient désaliéner le prolétaire, culpabiliser le bourgeois et désiller l'oeil borgne des égoïstes... Cet altruisme des "créateurs" déguise  une sorte de culte de l'être suprême, en l'occurrence la troupe des "homo sapiens sapiens" réunis en bande organisée... Cette religion de  l'Art et cet Art de l'intelligence en ville seraient pénibles si des lieux confortables et de bonnes cafétérias ne venaient flouter les arrière-pensées : l’hypertrophie des ego et des comptes bancaires, ces plateaux de la balance du système ... Tant de “découvertes”, tant “d’évènements”, tant de “confrontations”, tant de performances », tant de salles immenses autour d’un pois chiche ou d’air pulsé autour de tôles peintes, de gestes malins, de hurlements presque primitifs, de platitudes ou d'obscénités sorties du sèche-linge... Sont-ils  un progrès par rapport aux peintres(ses) qui "s'expriment" dans la brocante des fantômes du Salon des Indépendants de la Porte Champeret ?

A part de solides transformations de l’architecture et trouvailles graphiques dans l'illustration,  issues des années 20, ce qu’on doit surtout à l’art contemporain, c’est son extraordinaire aptitude à la contagion, disons à la création de produits dérivés : transformation de locaux industriels en temples du Verbe et de la Forme, objets inattendus, surgissement d’une armée de "professionnels", présentateurs, organisateurs, curateurs tous filles ou fils de bonne famille qui trouvent là des raisons d’être au service du "Progrès", de rendre justice à leur pédigrée universitaire, à leur code génétique et surtout aux sujets difficiles des concours de tel ou tel ministère...  Des parvenus de l'agro-alimentaire et de la sainte institution du mariage  qui accèdent enfin aux grâces de l’infaillibilité qui sont le propre des riches collectionneurs escortés de coaches... La découverte de la prose par les fayots de la classe moyenne et enfin cet extraordinaire sentiment de sécurité qu’on éprouve en parlant de la pluie et du beau temps dans un espéranto que les forts en thème peinent à traduire en Volapuk...

Les politiques et les banquiers peuvent dormir sur leurs deux oreilles, l’Art Contemporain ne subjugue pas plus les foules que les laboratoires d'analyses médicales ...
Ceci dit, en fuyant les médias, en traînant partout, il y a toujours une chance de croiser des êtres singuliers ou des naïfs qui posent leurs tripes sur une table par goût ou dégoût de l’humaine condition...


« Twin Towers"/2001/100x100cm/Huile. M.Ducruet.



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