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11.20.2013

BERLIN ...





Berlin est aux lisières de l'Europe quand la Russie penche vers l'Asie... On y sent une sorte de crampe, le trop sérieux des formes classiques et baroques, un mélange de raideur et d'épanouissement, des monuments un peu seuls sur des esplanades un peu larges... des jardins considérables où des poètes et des nymphes de bronze ont beaucoup à faire ... Freud savait que l'âme vient d'ancêtres qui nous poussent l'épée dans les reins où se produisent et reproduisent les gènes et les grammaires... Il m'arrive encore d'avoir froid dans le dos quand la mémoire ne me lâche pas et que des phrases me sonnent aux oreilles comme s'il y avait cent ans. Je ne me défais pas des choses vues et des personnes croisées. Mes mots sont d'emprunt, mes phrases naissent plus souvent de la brume que de mes poches et je tiens debout sur des racines que je n'ai jamais pu compter... Alors que dire d'une ville étrangère?... Sur ce qui suinte entre les pavés, met les rues en musique et colore le ciel ? Carthage fut rasée, couverte de sel, mais remontent encore les tombeaux et les squelettes des enfants voués à Baal... Les éléphants d'Afrique chargèrent du côté de Cinecittà... Berlin ne fredonne ni les airs ni les épigrammes du dix-huitième siècle, Voltaire et Casanova sont passés si vite... Venise et Paris étaient si loin... On dirait que les tambours plats , les fifres, les bruits de bottes, font toujours un tapis sur les trottoirs, mêlés aux frippes des spartakistes, aux tonnes de roses qu'un million de berlinoises amoureuses répandirent sous la voiture blindée du Führer... Qu'on est allé si loin dans l' obscénité, la démolition, le retour à la poussière que le soleil y prend une teinte noire, qu'on a fait des immensités pour d'énormes brocantes... 


 La Mort grouille sous les arbres et remue sous les cendres froides. Ailleurs, les voyageurs trouvent l'éternité à Rome, les bals du quatorze juillet à Paris, les arènes à Madrid... Ainsi vont quelques rendez-vous donnés aux quatre coins de l'Europe. Mais à Berlin, où furent distingués tant de philosophes, la rue donne à voir la cruauté des anges bleus et des casques noirs dès qu'on ferme les yeux... Une étrange élégance glisse en surface, des coupés Porsche conduits par des blondes ou des quinquagénaires, des mannequins rescapés d'un certain déluge... Helmut Newton s'y plaisait pour saisir les apparences de débauches méticuleuses. 

On dirait une baronne un peu saoule, laiteuse de peau et châtain clair, se refaisant une beauté près d'un lac sans rides, aussi peu gênée qu'une courtisane qui change de ministre ou d'homme d'affaires... L'ouest fut donc chargé d'abolir les mauvais rêves... d'enterrer le fameux concert de 1945 : Furtwängler dirigeant la neuvième devant les nazis foutus... L'est fut à l'agonie d'une morale impossible et d'une imposture d'état. A Berlin, grandie par le fer et par le feu (Bismarck), la science fut trop la ruine de l'âme, tant de Prix Nobel ayant opté pour la race supérieure... Aucun dictionnaire ne dira qu'elle est nouvelle Rome ou nouvelle Athènes... De son Zoo furent chassés des élans dont le profil semblait sémite à Joseph Goebbels... 
A présent les choses m'en disent plus long que les personnes, les ombres, comme il se doit, étant à peine visibles sur la face noire de l'Occident.

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