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7.15.2013

LICORNE ...










La première photographie fut un paysage. Il est possible que la dernière soit prise d'un périscope sur une planète trop corrigée... Ce n'est pas mon sujet. 
Qu'y-a-t-il dans la tête des photographes en plein air ? Des monts et des merveilles qui doivent rendre la vie supportable, prouver que nous sommes quelque part... La créature et la création réconciliées... Ailleurs les réglages posent des grains de sel sur les travaux et les jours : colzas aurifères, virginités de la Nature, fantômes de la brume, bétons pédagogiques... A quoi servent les nuages?
Il est vrai que sur les papiers glacés les bleus sont plus intenses, les forêts vertes plus proches des épinards, les icebergs pensifs et les neiges éternelles ... Les couleurs passent à la douane... Les gris infinis, les tons glauques, toutes les lumières qui avouent des lenteurs, des putréfactions et des disparitions sont invisibles sur les pellicules, cartes mémoires, disques durs... Les empêcheurs de tourner en rond vont moisir sur l'Ile des morts... Fraîcheurs citron des vacances, pourpres des fraises d'Espagne, safrans des paëllas, Monsieur Propre est photographe vingt quatre heures sur vingt quatre... 



 
Il faut du désir pour qu'il y ait du réel. Les paysages de notre monde sont aussi des marchandises, on s'y rend avec ses pieds, on y climatise les plages... Tels ne furent jamais le paradis terrestre ou la Gaule sans bitume ni poteaux électriques... On s'obstine à l'évocation de l'Âge d'or, on a tort car s'il fut jamais, ce n'était pas pour les automobilistes... C'étaient des campagnes romaines ou des Arcadie avec des cieux ennuagés par les dieux, des frondaisons avec des sources sacrées, quelques montagnes portant des temples , des moissonneurs , des porteuses d'eau, quelques méandres de fleuve, quelques ponts et parfois les murs dorés d'une ville. Dans ces paysages-là tout répondait à tout, les échos innombrables, les reflets perpétuels, les légendes et les exploits.
Nos vents soufflent désormais leur musique sur les fils, nous passons au petit matin près des betteraves, le fils de Dieu ne bronche pas. Le soleil se lève sur des parkings.

 

Mais qu''importent aux chevreuils les ordonnances classiques, les savantes distributions de symboles, les embarquements pour Cythère ou les nostalgies d'un autre âge? Il leur suffit de prêter l'oreille et d'éviter les phares pour que tout redevienne comme avant, que les odeurs de gazole soient emportées, que les écorces de l'année soient tendres et qu'à partir de mars il n'y ait plus de chiens. Alors quelques arbres anciens, quelques dégradés de bleu ... Un curieux silence vient entre les couplets comme lorsque les mains se soulevaient du clavier, que l'orgue hydraulique s'arrêtait et que près d'une Dame de coeur une licorne reposait...



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