C'est une vieille histoire qui a commencé pour des raisons
que nous sommes incapables d'expliquer.
Quand la main des hommes devint
habile à tout faire, qu'entre leur cerveau et leurs outils rien
ne freinait plus, il est possible qu'ils voulurent se saisir de ce qu'ils avaient dans la tête pour le déposer quelque part.
Cette magie pouvait avoir lieu n'importe où
mais elle n'a laissé de traces que sous abri ou au fond de certains couloirs
souterrains, si enfoncés dans la roche que jamais le soleil ni
la lune n'y firent passer le moindre rayon.
Le dessin pourrait bien
être né dans le noir, à la lumière de quelques
brindilles et presque aux portes de l' enfer...
Les choses n'ont pas tellement changé. Il reste des femmes
et des hommes qui font avec la main les signes de la pensée et de l'émotion. Cette disponibilité
du corps au service de l'âme vient lentement, il faut des années
d'aller-retour pour que le dessin passe en
vitesse... Quand les mots disparaissent, qu'ils ne disent rien sous peine de ridicule ou de pléonasme, que les doigts sur un fusain ou une mine de plomb laissent courir les lignes qui arrangent
l'espace, que le cerveau est dans la main et la main dans la tête,
l'homme devient lui-même, l'esprit se soude à la chair.
Il est remarquable
qu'au dix-huitième siècle encore, les Jésuites s'appuyaient
sur deux matières pour apprécier l'intelligence de leurs
élèves : les mathématiques et le dessin. Quel aveu
pour ces maîtres de la parole et de l'écriture ! ...
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