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7.10.2013

VOLCAN ETEINT ...












Je me promenais sur le cratère, il n'y avait personne, j'étais bien. En contrebas, les attardés d'une partie de golf, gros comme des têtes d'épingles, faisaient des points rouges et noirs. Je shootais sur une pierre de temps en temps. Il y avait sur ma gauche quatre ou cinq rochers bizarres. Un peu plus loin des touffes de choux sauvages, des petits poils et crottes de lapins. Le sentier faisait moins d'un mètre de large... Je n'avais plus le vertige depuis longtemps.

 ...... J'ai jeté un oeil sur le piton central. On aurait dit un monstre de ferraille avec une espèce de chapelle construite dans les années vingt qui ridiculisait le paysage, comme une carcasse de civilisation plantée sur un reste de catastrophe. Des images se mélangent dans ma tête, je vois des hommes et des bêtes d'avant les machines, des villages primitifs, des ciels sans traînées de réacteurs, des orages divinatoires, des pêches miraculeuses... J'invente l'âge d'or, les chasses, les branches courbées de fruits, les immensités, les secrets de la Lune...  j'ai ramassé des cailloux noirs... Je prends un escalier qui descend en zig-zag. Le vent s'arrête. Je m'enfonce dans des genêts, l'air est moite. A droite et à gauche des papiers suspects, des préservatifs accrochés comme pour une installation, des filtres de cigarettes, quelques bouteilles en plastique, des canettes de bière vides autour d'un tas de charbon de bois, une paire de lunettes écrasées, quelques sacs poubelle coincés à mi-hauteur. On accède à  la chapelle par un pont sans parapet. On ne voit pas grand chose en-dessous à cause des ronces, mais il y a au moins vingt mètres de profondeur... Tout juste si deux personnes peuvent se croiser. Je repars en arrière parce que j'y ai vu un passage qui descend. Il fait de plus en plus sombre et je dois faire très attention aux épines... Le ciel se voit mal. J'ai marché sur une tête de chien ou de renard blanchie depuis longtemps. Au bout de cette espèce de tunnel un dégagement sans issue donne sur le rocher. Il ne fait ni jour ni noir, presque monochrome, presque l'île des morts... j'ai vu des taches plus claires. Il y avait des centaines de livres éparpillés n'importe comment, pourris de champignons. J'essayais de lire mais les pages s'étaient collées ou tombaient en morceaux... Je vis des oeuvres complètes de Tacite, des classiques grecs et français, des volumes de la Pléiade irrécupérables, des traductions de Pasolini... des Lucien Febvre, Marc Bloch, Braudel, Duby... Du Céline... Il y avait bien quatre à cinq cents chefs-d'oeuvre de sciences humaines et de littérature... On avait dû faire des dizaines de voyages pour les vider là... sans se faire voir... Je me sentais mal dans cette fosse commune où les grands textes avaient été jetés comme furent jetés aux porcs les nourrissons  indésirables des cités antiques... J'ai tourné les talons, me suis attardé une seconde sur la tête de chien... J'étais en haut presque avant de m'en rendre compte, à peine essoufflé... Le vent s'était renforcé. Les joueurs de golf étaient partis. Des gens faisaient du quad sur les pentes d'en face.

C'est alors que j'ai croisé un couple en culottes courtes et sandales, du genre pédago, le sourire protecteur ... Estime de soi garantie.
Ils avaient l'air en forme, courbés sous des sacs pleins comme des huîtres...

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