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7.27.2013

RACINES ...




Grimper de 1000 km pour se rapprocher des étoiles, remonter le temps de quinze milliards d'années, construire des machines grosses comme des villes autour d'une poussière, passer entre les grains de lumière pour en savoir davantage... La Nature ne freine ni les curieux ni les envahisseurs. Elle se pousse un peu plus loin chaque fois, use les explorateurs et gonfle les budgets.

Nous sommes revenus de la Lune avec une remorque de cailloux. Nous rêvons de creuser des puits sur Mars pour y planter des choux et célébrer quelques anniversaires. Nous avons lancé des capsules entre les anneaux de Saturne, observé des tempêtes sur Jupiter, survolé des océans de méthane ou des sphères de glace... Nous ne savons pas encore marcher la tête en bas, mais des auteurs de science-fiction nous disent que nous aurons la Terre au-dessus de nos lits et que nous regarderons tranquillement voler les mouches avec des lunettes numériques. Dix milliards de campeurs entre le Soleil et le reste du monde, seront outillés pour vivre deux siècles sans névroses ni dépressions... Il se pourrait que les meilleurs aient des ailes dans le dos et que les méchants ne vivent que cent ans.
 
Vous l'avez compris, ce n'est pas très séduisant d'avoir les pieds sur Terre si tôt dans le siècle. Les jours se traînent encore comme les boeufs des rois fainéants, les avenues des villes puent le gazole mais les hommes avertis se cachent dans les hautes herbes et derrière les haies. Si vous ouvrez quelque fenêtre de chaumière il se pourrait que vous trouviez une bibliothèque, là où jadis pendaient des jambons... les livres tombent des mains les plus jeunes, les scribes fuient comme sous les ostrogoths les poètes de la Ville éternelle, lassés du Cirque et fatigués des barbares... Attendre la fin près d'un ruisseau à truites, s'amuser des cabrioles des lapins, des traversées de merles dans les cerisiers, des grues cendrées à l'aurore... Dans un coin vous trouveriez aussi des ordinateurs pour voir un peu plus loin que le bout de son nez, surveiller la température du globe et la montée des eaux. Vous prendriez un siège près des salades, songeur devant les romaines, vous pencheriez du côté de Pascal Quignard vous disant qu'il se fait plus de musique près des carpes et dans les branches que n'en peuvent les antichambres des rois. Vous rageriez en somme d'avoir trop d'espérance de vie dans un monde si peu varié ... Car lorsqu'il fallait plumer une oie pour écrire la comédie,  prendre l'encre d'une seiche, sabler ses feuilles avant de les plier, les hommes et les femmes faisaient des miracles et des feux d'artifices en disparaissant à trente huit ans de moyenne... 

Il vous arrive de penser que les merveilles du monde ne sont plus à nos portées, vous essayez de voir le ciel sans traînées d'avions ni fils électriques. Il y avait des lions dans l'Atlas et des éléphants sur les bords de l'Euphrate. On vit dans les forêts de Saxe blanchir les os des légionnaires  d'Octave Auguste. Les derniers aurochs moururent en Hongrie vers l'an mil. Au Vinland une poignée de danois mit une pierre gravée. Les archers du Premier Empereur montent la garde depuis vingt siècles au bord d'un fleuve de mercure où pêchent des hérons de bronze et jouent des musiciens de terre cuite... 

Nos racines vous disent qu'il y eut plus d'enfers et de paradis quand les hommes étaient loin les uns des autre et la Terre immense... Que nous serons dix milliards à reparler d'amour et d'égalité, avides de vacances entre la Lune et Mars.



 

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